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La Revanche de la guillotine est un document de Luc Briand paru chez Plein jour en janvier dernier.

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27 octobre 1975, Arleux, Nord.
Jérôme Carrein, s’enivre dans le troquet de Fernande Devimeux. Apercevant sa fille Cathy, dont il sait qu’elle aime la pêche, rentrer de l’école, il lui propose d’aller au bord des marais de Palluel. Là, il est pris d’une envie de la violer mais échoue, tant à cause de son ébriété que de la résistance que lui oppose la fillette de huit ans. De peur qu’elle lui échappe et aille tout raconter, il décide de la noyer et la laisse sur place. Avant de revenir au bar comme si de rien n’était.

Mon avis

Si des noms comme Christian Ranucci ou Patrick Henry évoquent encore quelque chose chez la plupart des gens, rares sont ceux à connaître celui de Jérôme Carrein. Il fut pourtant l’avant-dernier condamné à mort en France et même le dernier de nationalité française puisque la dernière exécution par guillotine fut celle d’Hamida Djandoubi, un ressortissant tunisien, le 10 septembre 1977.
Magistrat à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Luc Briand connaît parfaitement les rouages de la justice. Ayant eu accès au dossier et ayant interrogé certains de ses protagonistes, il nous livre tout à la fois un document sur l’affaire Carrein à proprement parler – façon Faites entrer l’accusé – ainsi qu’une réflexion sur l’histoire de la fin de la peine de mort en France. Car comme l’explique l’auteur, appuyé par le témoignage de Robert Badinter, si Jérôme Carrein a été jugé si vite et de manière si implacable, c’est surtout parce que le contexte s’y prêtait. Bien que d’après les sondages de l’époque la majorité des Français étaient encore favorables à la peine de mort, on commençait à sentir le vent tourner et beaucoup pensaient, y compris au sein de la magistrature, que la guillotine allait bientôt être définitivement remisée. Surtout, le jugement de Carrein intervient deux semaines après celui de Patrick Henry, coupable de l’enlèvement et du meurtre du petit Philippe Bertrand, âgé de sept ans. Brillamment défendu par Me Robert Bocquillon et par Robert Badinter lui-même – qui allait bientôt, en tant que Garde des Sceaux du gouvernement Mitterand, abolir la peine capitale – Henry échappe au couperet fatal et se voit condamné à la prison à perpétuité.
Après quoi La France a peur et le jury populaire du procès de Carrein ne fléchit pas malgré la description par son avocat du parcours de vie misérable de l’accusé, pourtant bien moins cynique que Patrick Henry.

Fort documenté et passionnant, La Revanche de la guillotine captivera sans peine les amateurs d’Histoire s’intéressant à la peine de mort et à son abolition. Offrant aussi une brillante réflexion sur l’évolution de la justice en France, ce document mérite de rencontrer ses lecteurs.

La Revanche de la guillotine, de Luc Briand, Plein jour (2018), 200 pages.

Les rois du crime / Alexandre Bonny

Publié: 7 novembre 2009 dans Documentaire
Les rois du crime, sous-titré Le grand banditisme français est un documentaire du journaliste Alexandre Bonny sur les grands noms du crime français au XXe siècle.

Mon avis

Une fois n’est pas coutume, je vais parler d’un documentaire, bien qu’il s’y trouve des histoires qui n’auraient rien de déplacées dans un roman noir.

Au long de cet ouvrage réussi, Alexandre Bonny, spécialiste de la criminalité – on lui doit notamment Les tueurs habitent à côté sur les « serial killers » – nous propose de suivre le parcours criminel de quinze truands (ou groupes, puisqu’il s’agit parfois de gangs) ayant marqué l’histoire du grand banditisme français contemporain.
Les rois du crime est très documenté et plutôt bien écrit. Selon ses connaissances sur le sujet, le lecteur apprendra forcément plus ou moins de choses mais qu’importe, cela reste très instructif tout en se lisant agréablement, comme un polar pour ainsi dire.

Si Mesrine a ces dernières années beaucoup fait parler de lui auprès du grand public – à travers les films notamment – ce n’est pas le cas de tous les bandits que l’on croise dans ce livres, professionnels du braquage généralement, et souvent pas mauvais quant il s’agit de s’évader.

Comme je le disais, certains des ces personnages au destin hors du commun pourraient faire l’objet de romans noirs à eux seuls.
C’est le cas de René la Canne, as du déguisement, qui va jusqu’à se faire passer pour un policier pour commettre ses forfaits. Et que dire de son évasion. Emprisonné, il simule un terrible mal de ventre qui lui permet d’être évacué en urgence vers un hôpital. Pendant le trajet il découpe le plancher du fourgon (on se croirait dans un Lucky Luke !) à l’aide d’une mini-scie qu’il sort d’un petit étui à cigares, lui même préalablement dissimulé… dans son anus ! Il n’a plus qu’à attendre un arrêt et à se laisser glisser sous le véhicule : le tour est joué. Il sera par la suite libraire, allant même jusqu’à embaucher des employés en situation de réinsertion, et mourra tranquillement en maison de retraite à 80 ans passés.

Albert Spaggiari quant à lui, réalise un des plus gros braquage de banque français de l’histoire. Son idée, il l’a eue en lisant un polar : Tous à l ‘égout de Robert Pollock ! Il choisit d’après son emplacement et sa proximité avec le réseau des égouts, l’agence de la Société Générale de Nice. Avec quelques complices, ils creusent, et les voilà dans la salle du coffre. Ils y trinquent et en repartent sans être vraiment inquiétés, Spaggiari s’étant même permis le luxe de laisser sur le mur cette inscription, comme un credo : « Sans arme, ni haine, ni violence » (un film récent avec Jean-Paul Rouve dans le rôle de Spaggiari porte d’ailleurs ce titre).
Différente de celle de Réné la Canne, son évasion – défenestration suivie d’une fuite à moto, le tout en quelques secondes – n’est pas mal non plus.

D’autres évasions spectaculaires – comme plus récemment celle d’Antonio Ferrara de la prison de Fresne en hélicoptère – et d’autres destins tragiques – comme Pierrot le Fou, qui finit par se tuer lui-même en voulant ranger son arme – émaillent cet intéressant ouvrage.

Au final, Alexandre Bonny signe un document réussi, qui ne devrait pas déplaire aux amateurs de polars tant les destins de ces truands peuvent être incroyables. Où quand la réalité dépasse parfois la fiction.



Les rois du crime : Le grand banditisme français
d’Alexandre Bonny, First Editions(2009), 336 pages.