Archives de la catégorie ‘Non classé’

Mictlán est un roman de Sébastien Rutès paru en janvier dans la collection La Noire de Gallimard.

41kpcg7v1glNote de l’auteur (du roman)

« En septembre 2018, un semi-remorque contenant cent cinquante-sept cadavres a été retrouvé sur un terrain vague près de Guadalajara, au Mexique. Les morgues étaient pleines, les cimetières aussi, la loi mexicaine interdit la crémation des victimes de morts violentes : les autorités n’avaient trouvé que cette solution pour conserver les corps.
Certains attendaient d’être identifiés depuis plus de deux ans. Le semi-remorque avait été déplacé trois fois avant d’être oublié sur ce terrain vague où l’odeur a attiré les voisins. C’est le point de départ de ce roman. »

Mon avis

À partir de ce sinistre fait divers, Sébastien Rutès, grand connaisseur de l’Amérique latine et de sa littérature – qu’il a enseignée pendant quinze ans à l’université – a imaginé ce court roman noir désespéré qui se lit d’une traite. De par sa noirceur et sa violence, il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il pourrait également déplaire de par certains partis pris stylistiques qui font pourtant la force de ce texte. En effet, la plupart des parties, mettant en scène les deux conducteurs du semi-remorque, Gros et Vieux, sont écrites d’un seul tenant, sans interruption. Chaque paragraphe – ils peuvent courir sur quelques pages comme sur une dizaine d’entre elles – est une seule et interminable phrase, entrecoupée de virgules et de quelques autres signes de ponctuation. On a l’impression d’être en apnée, de ne pas pouvoir respirer. C’est au départ très perturbant, et puis l’on se dit que c’est sans doute exactement ce que voulait faire l’auteur. C’est donc réussi. Car comme Vieux et Gros, qui n’ont pas le droit d’arrêter leur camion sauf pour faire le plein – ils font leurs besoins par la fenêtre –, on ne peut s’arrêter de lire Mictlán. Certaines scènes oniriques, fantasmées, nous font comprendre qu’avec ces 157 cadavres dans la remorque, la fatigue accumulée, leur sombre passé, les produits pour rester éveillé… nos deux hommes sont aux limites de la folie. Les élections arrivent et le Gouverneur a promis pour se faire réélire une baisse de la criminalité. Ces cadavres ne doivent pas réapparaître, le Commandant a été clair. Il faut rouler sans cesse, sans se faire contrôler par la police ou l’armée. En cas d’arrêt prolongé du véhicule, c’est la mort qui attend Gros et Vieux, rien d’autre. L’alternative est on ne peut plus claire. Ils sont donc prêts à tout pour mener leur mission à son terme.

Éreintante, la lecture de Mictlán est une curieuse expérience littéraire que l’on ne saurait conseiller qu’aux lecteurs aguerris et pas trop sensibles. Un véritable travail de styliste de la part d’un auteur dont on a désormais envie de poursuivre la découverte de l’œuvre (cinq romans parus chez trois éditeurs entre 2008 et 2018).

Mictlán, de Sébastien Rutès, Gallimard/La Noire (2020), 153 pages.

L’Affaire suisse, sorti à l’automne 2019, est le deuxième roman de Jean-François Paillard paru chez Asphalte.

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Nico, alias Narval, est chargé par Pépé Bartoli, le parrain dont il est l’un des assistants, d’une mission délicate. Remettre la main, en Suisse, sur un sacré pactole ayant autrefois appartenu à son boss. En réalité, Narval est un agent sous couverture de la Boîte et il est pris d’un véritable doute. S’agit-il d’une vraie mission ou bien Pépé commence-t-il à avoir de sérieux soupçons sur sa franchise ? Auquel cas, il l’envoie peut-être volontairement au casse-pipe ? Narval va devoir continuer à jouer double en étant particulièrement sur ses gardes. On n’est jamais trop prudent.

Mon avis

Nous avions fait la connaissance de Narval dans Le Parisien, premier polar de Jean-François Paillard paru chez Asphalte en 2018. Ici, l’auteur reprend son personnage et les éléments qui avaient fait la réussite du premier opus mais cette nouvelle aventure de l’agent double est tout à fait lisible sans avoir lu Le Parisien.

Nous sommes donc dans du roman d’espionnage classique, à l’ancienne pourrait-on dire, bien qu’il soit tout ce qu’il y a de plus contemporain. Les amateurs de DOA ou du récent J’irai tuer pour vous seront là en terrain connu. L’intrigue n’est pas follement originale mais le bagout de l’auteur, qui utilise un argot et un jargon dont la lecture sera un véritable plaisir pour les amoureux de la langue française (glossaire parfois utile en fin d’ouvrage) compense largement cette carence. Le roman est assez court – 222 pages au format semi-poche – et très riche en scène d’actions en proportion, si bien qu’on ne s’ennuie pas une seconde. L’écrivain semble bien connaître les milieux qu’il décrit – journaliste de métier, il s’est a minima bien documenté – et le roman est donc dans la veine « espionnage réaliste ». Pas de gadgets inventés ou de situations abracadabrantesques, on est là dans ce qui se fait à la DGSE ou ailleurs. L’auteur prend un malin plaisir à faire évoluer dans le monde de la haute finance suisse des personnalités internationales connues, facilement reconnaissables bien que leur identité ait été quelque peu modifiée. Le personnage de Mady, étudiante et escort de luxe qui ne laisse pas Narval indifférent est intéressant, et les gastronomes ne seront pas déçus : on mange et boit bien dans les romans de Jean-François Paillard.

Sans être exceptionnel, notamment en terme d’originalité, L’Affaire suisse est un très efficace roman d’espionnage français à l’écriture fort agréable. Il se termine par une ultime pirouette habile, qui nous laisse à penser qu’on aura prochainement des nouvelles de l’auteur.

L’Affaire suisse, de Jean-François Paillard, Asphalte (2019), 222 pages.

La Mort selon Turner est un roman de Tim Willocks paru chez Sonatine en 2018 dans une traduction de Benjamin Legrand.

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Quatre jeunes Afrikaners aisés viennent depuis leur campagne se saouler dans un quartier malfamé du Cap. Ils se font déjà remarquer dans le bar, mais le pire reste à venir. En état d’ivresse avancée lorsqu’ils repartent, l’un d’entre eux ne regarde pas avant de faire marche arrière et écrase une jeune Noire de la rue qui cherchait quelque chose à se mettre sous la dent dans les poubelles de l’établissement. Ils paniquent, la laissent sur place, mourante, puis décident de faire comme si rien n’était arrivé.
Alors que le taux de criminalité est au plus haut et que bien des meurtres restent impunis, le moins qu’on puisse dire est que la mort accidentelle d’une SDF n’émeut pas grand monde. Pas grand monde, mais Turner, si.

Mon avis

On a déjà vu Tim Willocks nous narrer la dureté du milieu carcéral aux États-Unis (Green River), les chiens et la nature (Doglands), ou encore les aventures épiques de Matthias Tannhauser dans une période particulièrement tourmentée du Moyen Âge (La Religion, Les Douze Enfants de Paris). Place ici à un tout autre décor, non-moins violent : l’Afrique du Sud post-apartheid.

On retrouve dans cet excellent thriller les qualités et les limites propres à l’auteur. Un talent de conteur évident, qui sait alterner les scènes d’action et les moments plus introspectifs avec brio. Une propension à croquer des personnages en profondeur sans noyer le lecteur d’innombrables descriptions. Mais aussi une tendance prononcée à plonger ses personnages dans leurs ultimes retranchements et à ne pas épargner le lecteur. Certaines scènes – et surtout une en particulier – sont particulièrement atroces. Sans doute trop pour les plus sensibles, à qui l’on déconseille donc cette lecture – ou tout au moins certains passages. À la décharge de Tim Willocks, cela n’est pas gratuit et la scène mémorable en question est essentielle au déroulé de l’intrigue.

Le personnage de Turner, policier noir revenu de tout, incorruptible, peu réceptif aux ordres de sa hiérarchie, est à la limite de la caricature tout en ne tombant jamais vraiment dedans. C’est son sens aigu de la justice et son opiniâtreté qui font de cette histoire ce qu’elle est. On y croise d’autres personnages forts comme Margot Le Roux, femme à la tête d’un empire minier et mère du chauffard, qu’elle décide de protéger à tout prix pour ne pas que soit salie la bonne réputation familiale.

Très difficile à lâcher en cours de route, La mort selon Turner est un brillant thriller. Décor aride, scènes mémorables, personnages forts… Tous les ingrédients sont là pour faire de ce roman un film de qualité.

La Mort selon Turner (Memo from Turner, 2018), de Tim Willocks, Sonatine (2018). Traduit de l’anglais par Benjamin Legrand, 384 pages.
Lu en Pocket (2019), 449 pages.

Les Suppliciées du Rhône est un roman de Coline Gatel paru chez Préludes le mois dernier.

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Lyon, 1897.
Alexandre Lacassagne, professeur à la renommée grandissante, fait des progrès considérables dans le domaine de la médecine légale. Ses autopsies publiques attire une foule d’étudiants en médecine et de journalistes. Grâce à la température du corps et à la rigidité des tissus, il pense qu’il est possible de dater approximativement le décès d’une personne.
Une jeune fille est retrouvée morte, vraisemblablement victime d’un avortement raté. Puis une deuxième. Quelqu’un essaierait-il de tuer des jeunes femmes enceintes ou n’ayant pas souhaité poursuivre leur grossesse ?
Lacassagne, qui a réalisé avec ses étudiants l’autopsie de la première victime, confie à l’un de ses plus prometteurs disciples, Félicien Perrier, le soin de mener l’enquête. Le jeune homme s’entoure de son ami Bernard Lécuyer, étudiant en médecine comme lui, et d’Irina Bergovski, une jeune journaliste d’origine polonaise.

Mon avis

Les Suppliciées du Rhône est le premier roman de Coline Gatel, stéphanoise d’origine mais qui semble bien connaître la cité des gones. Le point fort de cet opus est assurément son contexte, très solidement documenté. L’auteur mêle avec talent des personnages et des événements historiques et des inventions de son cru. Lacassagne, un des fondateurs de l’anthropologie criminelle, joue un rôle important dans l’histoire. Mais on croise aussi d’autres figures de l’époque, et ce de chaque côté de la loi, des théories de Cesare Lombroso sur le « criminel né » aux ignominies de Joseph Vacher, l’Éventreur du Sud-Est.

Les conditions de vie, en particulier des canuts et autres petites gens de Lyon sont bien rendues, de même que la topographie (quelques notes de bas de pages nous renseignent sur les lieux qui ont depuis changé de nom). Un soin particulier est également porté par l’auteur au vocabulaire de l’époque. Ainsi, les infirmières ou les homosexuels, pour ne prendre que ces deux exemples, ne s’appelaient pas encore de cette façon.

Les mœurs et les femmes sont d’une certaine manière au cœur de ce roman et quelques vérités, qui paraissent aujourd’hui aberrantes, sont bonnes à rappeler, comme ce « certificat de travestissement » dont devait se doter une femme pour avoir légalement le droit de porter un pantalon. Si l’intrigue passionne sans mal, certains développements sont un peu tirés par les cheveux et le final, hollywoodien, ne convaincra sans doute pas tous les lecteurs.

Les Suppliciées du Rhône, joliment documenté est un polar historique passionnant sur les débuts de la police scientifique et ce que l’on a plus tard appelé « l’école lyonnaise ». Malgré des qualités certaines, l’intrigue peine à convaincre totalement, particulièrement dans le final.

Les Suppliciées du Rhône, de Coline Gatel, Préludes (2018), 439 pages.

Merci à Babelio pour l’envoi de ce roman.

Mauvais œil est un roman de Marie Van Moere tout juste paru dans la collection Equinox (Les Arènes).

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Un temps, Attilius Mattéi a été un des caïds de la mafia corse. Avec la belle Antonia, sa reine, ils étaient les maîtres d’Ajaccio. Depuis, Attilius est porté disparu – sans doute victime d’un règlement de compte – et la veuve se morfond, entre un père rosse et grabataire et deux fils peu dégourdis, Joseph et Ours-Pierre. Mais voilà que ressurgit Toussaint Galéa, l’ex bras droit d’Attilius exilé au Gabon depuis une éternité. Coïncidence ou pas, son retour semble attirer le mauvais sort. Sur l’entourage d’Antonia, mais pas seulement. Les affaires reprennent.

Mon avis

Nous avions découvert Marie Van Moere avec Petite Louve, paru à La Manufacture de livres en 2014, qui mettait en scène une mère prête à tout pour protéger sa fille adolescente et la venger des hommes qui l’avaient violée. Ici, le style a quelque peu évolué. Bien que l’auteur donne à voir les sentiments des personnages – notamment ceux d’Antonia – , la narration paraît moins intimiste. Les émotions sont moins palpables, moins viscérales. L’écriture est plus froide, voire plus factuelle et évoque par moments les textes de Dominique Manotti, peut-être aussi en raison de la thématique, ces sphères interlopes où s’entrecroisent réseaux mafieux, intérêts économiques et politique.

Comme dans Petite Louve, l’action se déroule en Corse, île sur laquelle vit Mauvais œil. Les paysages de l’Île de Beauté sont à l’honneur, à commencer par Ajaccio – la ville est en somme l’un des personnages principaux du roman – et son golfe. La grande bleue joue un rôle important, et l’auteur nous livre de beaux passages du côté de l’archipel des Sanguinaires, y compris quelques scènes sous-marines, très évocatrices et assez rares en littérature pour être mémorables. Les Corses sont quant à eux moins à leur avantage. Sans insister, l’auteur effleure certains traits propres aux insulaires et à leur esprit parfois un peu étriqué, à commencer par le racisme, assez présent semble-t-il, et le respect de certaines traditions parfois contestables.

L’intrigue est solide, documentée – l’auteur cite des articles de Médiapart – et le personnage de l’inspecteur Cécile Stéphanopoli, en froid avec sa femme, est assez atypique.

Cinq ans après Petite Louve, Marie Van Moere confirme tout le bien qu’on pensait d’elle tout en adaptant sa manière d’écrire à ce nouveau récit. On prend d’ores et déjà date pour la prochaine virée en Corse… ou ailleurs.

Mauvais œil, de Marie Van Moere, Les Arènes/Equinox, 420 pages

La Peau du papillon (Шкурка БабочкиShkurka Babochki) est un roman de Sergey Kuznetsov qui vient de paraître à la Série Noire dans une traduction de Raphaëlle Pache.

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Xénia, vingt-trois ans, est rédactrice en chef de la rubrique « Actualités » du média en ligne LeSoir.ru. Côté vie privée, l’ambitieuse jeune femme a des amies proches mais pas d’homme attitré. Peut-être parce que « l’amour vanille » ne l’intéresse pas, elle qui aime pratiquer le sexe SM décomplexé.
Un tueur en série sévit à Moscou et commence à faire parler de lui en raison des sévices extrêmes qu’il fait subir à ses victimes, toujours des jeunes femmes. Xénia s’intéresse doublement au phénomène et, après avoir consulté des collègues, décide d’y consacrer un site. Articles de presse, avis d’experts, rappels historiques sur les pires tueurs en série, mais aussi des forums où les gens pourront venir donner leur avis, exprimer leurs angoisses et, d’une manière ou d’une autre, apporter de l’eau au moulin.

Mon avis

C’est incontestable, il y a un tueur en série dans La Peau du papillon, premier roman de Sergey Kuznetsov à paraître en France. Pourtant, le texte est loin, très loin, de ce que l’on entend lorsqu’on parle de polar avec un tueur en série. L’identité du tueur importe assez peu. L’enquête de la police est quasiment absente de ces pages. Le suspense est assez peu présent et clairement pas la priorité de l’auteur. Le roman est davantage un espèce de duel à distance entre Xénia et l’assassin, et Sergey Kuznetsov prend beaucoup de soin à caractériser ces deux personnages atypiques partageant finalement des points communs. La narration est très originale, et certains choix étonnants – passages soudains à la seconde personne, incluant même parfois le lecteur – font qu’elle peut parfois paraître décousue. Cela contribue au fait qu’il peut être difficile d’entrer pleinement dans le roman. Certains chapitres suivent Xénia, l’assassin ou d’autres personnages – les amies et collègues de la journaliste – de manière assez classique. Mais Sergey Kuznetsov donne aussi à lire à ses lecteurs les introspections quasi poétiques du tueur, des extraits de conversations sous forme de chat ICQ, des fragments d’articles, d’interviews, et même une présentation Powerpoint fantasmée. L’onirisme est d’ailleurs très présent, de même que l’amour et la sexualité, bien qu’on soit là bien loin des standards habituels. Certaines scènes fantasmées sont sordides, d’autres moins, mais elles ont le mérite d’être puissantes et évocatrices.

Il y a fort à parier que ce type de roman indisposera certains lecteurs, aussi bien par ses choix narratifs ambitieux qu’à cause de sa thématique, traitée sans concessions par l’auteur. Il faut cependant lui reconnaître une qualité certaine dans l’écriture ainsi que l’amorce de réflexions fort intéressantes sur plusieurs sujets de société. Loin du politiquement correct et des standards du genre, Sergey Kuznetsov propose là un roman atypique et d’une certaine manière assez remarquable.

La Peau du papillon (Шкурка БабочкиShkurka Babochki, 2005), de Sergey Kuznetsov, Gallimard/Série Noire (2019). Traduit du russe par Raphaëlle Pache, 469 pages.

Six jours est un roman de Ryan Gattis paru chez Fayard en 2015.
Il a été traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard.

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Los Angeles, 1992.
Dans un contexte de tensions raciales permanentes se tient le procès très médiatisé de quatre officiers de police, accusés d’avoir passé à tabac un automobiliste noir. Malgré une vidéo amateur accablante où l’on voit les agents rouer de coups de bâton et de coups de pied Rodney King, au sol et sans défense, les quatre hommes sont acquittés par un jury composé à 85% de Blancs. À l’énoncé du verdict impensable, au soir du 29 avril, la ville laisse soudainement éclater sa colère. Inextinguible. Incontrôlable.

Mon avis

Ainsi débute Six jours. Qui s’attarde d’ailleurs encore moins que nous ici sur le procès lui-même. Ce n’est pas l’objet du roman. Ryan Gattis s’intéresse – à l’instar du récent film Kings, avec Halle Berry et Daniel Craig – au quotidien des habitants de la Cité des Anges durant ces six jours où les autorités, totalement dépassées par la tournure des événements, laissèrent la ville à feu et à sang. Six jours, 55 morts, 2300 blessés, 3600 départs de feu, 1100 bâtiments brûlés, 800 millions de dollars de dégâts, 11000 arrestations. Les chiffres donnent le vertige. L’auteur a fait le choix, intelligent, de suivre des personnages très différents les uns des autres mais toujours à la première personne. On est immergé tour à tour dans la peau de dealers et autres membres de gangs, d’une victime qui n’avait rien demandé à personne, d’une infirmière, d’un pompier… À chaque fois, nous observons la désolation dans les rues de Los Angeles avec leur point de vue, et leur langage propre. Le travail sur les différents registres de langue est d’ailleurs assez remarquable, l’infirmière Gloria ne s’exprimant bien sûr pas comme une petite frappe issue de la pègre sud-américaine. À signaler, on revit parfois la même scène plusieurs fois, mais d’un autre point de vue, qui change la donne. Ce procédé assez original (on pense au film Elephant de Gus Van Sant) peut être risqué mais apporte ici un vrai plus.
Dans la peau de ses personnages, Ryan Gattis donne à voir, sans jamais émettre de jugement, ce qui confère à l’ensemble un aspect quasi documentaire qui ne déboussolera pas les aficionados de série type The Wire.

À l’instar du 911 de Shannon Burke, ce Six jours, qui a dû demander un travail considérable mais qui se lit sans effort aucun, est un sommet de noir réaliste. Avec ce roman aussi puissant qu’intelligent, Ryan Gattis marque assurément un nouveau jalon du genre.

Six jours (All Involved, 2015), de Ryan Gattis, Fayard (2015). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard, 432 pages.

Le Poids de la neige est un roman de Christian Guay-Poliquin paru en mars aux éditions de l’Observatoire.

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Dans un village enseveli sous la neige, privé d’électricité et quasiment coupé du reste du monde, un homme est retrouvé mourant, victime d’un accident de la route. L’envoyer à l’hôpital n’est pas possible, pas plus qu’appeler les secours. Reste Matthias, un vieil monsieur qui accepte de l’héberger et de prendre soin de lui en échange de vivres, de bois et surtout, d’une place dans le prochain convoi qui quittera le village, dès que la route le permettra. Les deux hommes, l’un alité, l’autre à son chevet, sont tous deux prisonniers d’un hiver particulièrement rude et doivent apprendre à cohabiter.

Mon avis

Décidément, les rigueurs hivernales semblent propices à de biens beaux romans. Franck Bouysse nous a offert le multi-récompensé Grossir le ciel, mettant en scène le mutique Gus. Il y a eu le chef-d’œuvre Dans la forêt (dont on reparlera ici quand on s’en sera remis), où deux sœurs tentaient de survivre aux intempéries hiémales et, là aussi, à l’absence d’électricité et à la fonte du garde-manger inversement proportionnelle à l’accumulation de la neige. Effet boule de neige ou pas, toujours est-il que Christian Guay-Poliquin nous offre là un très beau huis-clos hivernal où les frimas, seuls, n’expliquent pas l’ambiance glaciale qui règne rapidement dans le village, y compris chez Matthias.
Après Le Fil des kilomètres qui mettait déjà en scène une panne d’électricité mystérieuse, le jeune Québécois signe seulement son second roman mais se débrouille comme un vieux briscard. La relation entre ces deux hommes, étrangers l’un pour l’autre, mais rendue nécessaire par la force des choses est passionnante. Tantôt on ne peut plus tendue, tantôt chaleureuse, elle est décrite avec subtilité. Les décors aussi blancs qu’hostiles sont brossés, là aussi, avec habileté et une certaine poésie, offrant au lecteur un dépaysement assuré. L’idée de numéroter les chapitres de manière on ne peut moins classique, en utilisant la hauteur de neige mesurée par les protagonistes, est d’ailleurs une belle trouvaille.
Difficile d’en dire plus sans dévoiler de trop l’intrigue, qui connaîtra, comme on est en droit de s’y attendre, son lot de rebondissements et de catastrophes, mais gageons qu’elle saura sans mal passionner le lecteur.

Très joliment écrit et enthousiasmant, ce roman québécois mérite assurément une belle publicité dans l’Hexagone, où l’on espère qu’il trouvera sa place sur les étals des librairies. Un huis-clos intense, le nez dans la poudreuse.

Le Poids de la neige, de Christian Guay-Poliquin, Éditions de l’Observatoire (2018), 249 pages.

Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, a-t-on coutume de dire.
Pour moi, c’est le cas, puisque j’ai fait une superbe rencontre (quasi) inespérée qui change ma vie, mais pour vous, pas forcément.
C’est pourquoi je vais tâcher de me botter le cul pour continuer à vous proposer régulièrement (peut-être pas autant qu’à une époque mais régulièrement) des articles concernant mes dernières lectures, et elles ne manquent pas (je dois avoir une bonne vingtaines de romans lus et non chroniqués, au bas mot).
Enfin bref… #3615mavie

Avec les jours qui raccourcissent et le froid qui s’installe, l’hiver est aussi la saison de la finale du Prix Polars Pourpres, comme vous le savez sans doute si vous suivez ce blog avec assiduité.

Les finalistes de la 11e édition sont désormais connus (voir ci-dessous).
Pour la petite histoire, cette année, 3 romans se sont dégagés pour le Prix Découverte, normal, mais il y avait pas moins de trois ex-aeco à la 3e place pour le Prix Polars Pourpres — soit 5 finalistes en puissance au lieu de 3 — ce qui nous a amené à organiser un imprévu second tour, qui a vu l’élimination d’Assassins de R. J. Ellory (Sonatine) et d’Une putain d’histoire de Bernard Minier (XO).

Au fur et à mesure de mes lectures, vous pourrez cliquer sur les couvertures pour avoir accès à la chronique correspondante. Pour l’instant je n’ai lu que le très beau Grossir le ciel (je vous le conseille) ainsi que le sombre mais non moins réussi L’enfer de Church Street.

Prix Polars Pourpres

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Prix Polars Pourpres Découverte

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Pour voir le palmarès dans son intégralité depuis 2005 ou avoir plus de renseignements sur le prix, vous pouvez vous rendre sur cette page. Vous pouvez aussi me poser vos questions bien sûr.

Qui succédera au palmarès du Prix Polars Pourpres à Maud Mayeras (Reflex) & Michaël Mention (Adieu demain), vainqueurs ex-aeco l’an dernier et à Terry Hayes (Je suis Pilgrim) pour le Prix Découverte ?

Réponse début mars !

Mon blog Over-blog, c’était de pire en pire.
Après les pubs intempestives quand on n’écrivait pas un nouvel article assez vite est venue la pub non souhaitée permanente. 😦
Comme d’autres avant moi, je pensais depuis un certain temps à un déménagement, d’autant que j’avais déjà fait des blogs WordPress et que ça m’allait bien.
Et maintenant donc, voilà que mon blog déconne à pleins tubes sans que je n’en connaisse la raison, et Over-blog n’a pas l’air particulièrement pressé de me filer un coup de main.
Créé en juillet 2007 (quand même !), mon blog aura duré un certain temps.
Hannibal le lecteur n’est pas mort, j’ai encore envie de vous parler de mes lectures, de polars surtout. La suite, c’est donc par ici.
Je vais d’abord publier les nouveaux articles ici (j’en ai pas mal à faire), puis, au fil de l’eau, je rapatrierai les articles existants par ici. Pour la déco, c’est pareil, ça évoluera petit-à-petit, pas de fioritures pour l’instant.
C’est donc parti pour de nouvelles aventures, bienvenue à vous dans mon nouveau chez moi, que vous me suiviez depuis longtemps ou que vous découvriez ce site maintenant. 😉