Archives de la catégorie ‘Polar belge’

Un été sans dormir (Een Zomer zonder slaap) est un roman de Bram Dehouck paru chez Mirobole en 2018 et traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron.

un_ete_sans_dormir_couv3Résumé

Windhoek, paisible village belge.
Il suffit parfois d’un rien pour que la quiétude ordinaire vire au chaos. Une catastrophe naturelle. Un explosion malencontreuse. Un attentat. Un enlèvement. Ici, rien de tout ça. C’est l’installation de quelques malheureuses éoliennes qui va, sans que personne ne le sache encore, précipiter le village dans l’horreur. Le boucher, rendu fou par ce bruit incessant qui semble ne déranger personne d’autre que lui, perd le sommeil et travaille de plus en plus mal. A tel point que sa femme le retrouve endormi dans son atelier de préparation, la tête littéralement dans le pâté. Un non-événement a priori, mais qui va être le point de départ d’une série de catastrophes en cascade dont peu à Windhoek sortiront indemnes.

Mon avis

Amateurs de littérature sérieuse, fuyez ! Pour son deuxième roman (le premier traduit en français), Bram Dehouck sort l’artillerie lourde. Proposé par Mirobole – dans une traduction du néerlandais d’Emmanuèle Sandron récompensée par le Prix SCAM-SACD – ce polar « belge et méchant » s’inscrit dans la lignée d’autres titres drolatiques proposés par la maison, à commencer par ceux de S. G. Browne.

S’il s’agit bien là d’un pur divertissement noir, qu’on verrait bien adapté au cinéma façon Tarantino ou Rodriguez, l’exigence littéraire est de mise, en particulier dans la construction de l’intrigue. Les personnages sont assez nombreux mais pas suffisamment pour qu’on s’y perde. Ils sont représentatifs de la vie d’un petit village. On a affaire, en plus du boucher insomniaque et de sa famille, à une jeune femme en recherche d’emploi nouvellement installée, à un facteur en proie à des soucis gastriques, à un vétérinaire cocu, à un pharmacien raciste, à un immigré, etc. C’est grand-guignolesque mais totalement assumé et assez malin, si bien que même les idées les plus caricaturales – comme le fils du boucher qui stoppe la viande au grand dam de ses parents pour séduire la jeune fille de ses rêves, végétarienne convaincue – passent comme une lettre à la poste. Enfin, quand le facteur est en état de faire sa tournée…

Surtout, l’auteur a particulièrement travaillé les changements de points de vue. L’effort pour offrir des transitions intelligentes est louable et nous permet souvent de revivre les mêmes événements selon divers angles. Et puis, sans que cela ne soit l’intérêt principal du livre, on sent que Bram Dehouck prend un malin plaisir à égratigner certains comportements et certaines idées de ses compatriotes, ce qui ne gâte rien.

Vous l’aurez compris, Un été sans dormir est un roman qui ne se prend pas au sérieux et ne conviendra assurément pas à tout le monde. Les lecteurs qui ne sont pas contre une tranche de rigolade foutraque devraient néanmoins trouver leur compte avec cette farce noire dont tout le monde est plus ou moins le dindon.

Un été sans dormir (Een Zomer zonder slaap, 2011), de Bram Dehouck, Mirobole/Horizons Noirs (2018). Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron, 250 pages.

L’Éternité n’est pas pour nous est un roman de Patrick Delperdange paru dans la collection Équinox (Les Arènes) en octobre.

pol_cover_30084Mon avis

Lila passe le gros de ses journées sur une chaise en plastique à attendre ses clients, principalement des employés de la mine. Le travail est devenu une denrée rare dans la région, et la jeune femme n’a pas trouvé mieux que la prostitution pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille, Cassandre.
Sam et son demi-frère fuient un foyer après un nouveau dérapage de Danny. Ils battent la campagne pour dénicher ne serait-ce qu’un refuge où passer la nuit.
Julien SaintAndré, fils du ponte local, est bien décidé à s’amuser un peu, avec ses amis. L’alcool aidant, les fronts brillent mais pas les idées.

Résumé

Si tous les dieux nous abandonnent, premier roman de Patrick Delperdange, avait été publié par Aurélien Masson, déjà, mais chez Gallimard. C’est donc aux Arènes, et dans la nouvelle collection de l’ex-patron de la Série Noire, Équinox, que paraît L’Éternité n’est pas pour nous, présenté par l’éditeur comme un « roman noir rural dans la lignée des grands maîtres américains ». Si le roman est noir et qu’il se déroule effectivement à la campagne, il est moins certain que l’auteur bruxellois se hisse au niveau des Larry Brown et autres Daniel Woodrell mentionnés par l’éditeur. L’influence de cette école est néanmoins palpable et cela n’empêche pas le roman d’être rondement mené.

Ce type de texte ne plaira pas à tous les amateurs de polar. Ici, l’intrigue n’est pas une enquête policière. Elle est même très ténue. On s’en doute, tout ce petit monde va être amené à se croiser, ou plutôt à se télescoper, et rarement pour le meilleur. Il y a bien là deux policiers, mais ils ne brillent pas par leur intelligence et sont quelque peu dépassés par les événements. La relation conflictuelle entre Lila et sa fille est intéressante ; d’autres protagonistes sont odieux à souhait. La violence est certes présente, mais Patrick Delperdange ne verse jamais dans la surenchère. Et malgré la noirceur de l’ensemble, on sent que l’auteur aime ses personnages, ou tout au moins une bonne partie d’entre eux : ces laissés-pour-compte qui luttent pour survivre et gagner un petit bout d’éternité malgré tout.

L’Éternité n’est pas pour nous ne plaira sans doute pas à tous les amateurs de romans à énigme ou de thrillers. Aux lecteurs qui ne sont pas contre un peu de noir rural, en revanche, le texte devrait plaire car il est efficace et joliment écrit. De plus, ce type de littérature étant essentiellement étasunien, il n’est pas inintéressant de voir que les « rednecks » peuvent aussi être européens.

L’Éternité n’est pas pour nous, de Patrick Delperdange, Les Arènes/Équinox (2018), 272 pages.

Zanzara / Paul Colize

Publié: 20 novembre 2017 dans Polar belge
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Énième tentative de redémarrage du blog après avoir rencontré mon lot d’accidents de la vie comme on dit. Graves problèmes familiaux, décès de proches, rupture difficile… Dont la conséquence a été une espèce de longue hibernation (sorte d’apathie tendance dépressive qui m’empêchait de prendre le moindre plaisir à lire, comme à faire plein d’autres choses, à voir des gens…).
Les quelques romans que j’ai lu bon an mal an pendant cette longue période d’inactivité passeront vraisemblablement à l’as. Tant pis.
Je vais recommencer, si tout va bien, avec ceux lu ces dernières semaines, depuis que je relis…

51txfzx4jqlZanzara est un roman du Belge Paul Colize paru cette année chez Fleuve Noir.

Résumé

Fred a 28 ans et de l’ambition à revendre. Il écrit pour l’édition web d’un fameux quotidien belge, travaille sans compter ses heures, fréquente une jolie femme mariée et rêve de déterrer le scoop ultime. Celui qui fera de lui le prochain prix Pulitzer ou a minima lui permettra de quitter Le Soir…
Soir pendant lequel il vit dangereusement, n’aimant rien de mieux que de risquer sa vie dans des paris plus insensés les uns que les autres : prendre le Ring (le périph bruxellois) à contre-sens, se coucher sous un train, se faire électrocuter…
Cet équilibre précaire va être mis à mal lorsqu’un curieux appel parvient à la rédaction. Un homme, inconnu au bataillon, affirme craindre pour sa vie et demande à se livrer à un journaliste au plus vite. Il ne délivre qu’une seule information : son adresse.
Seulement, lorsque Fred arrive sur les lieux, rien ne se passe comme prévu…

Mon avis

On ne présente plus ici Paul Colize, récompensé à de nombreuses reprises pour ses romans enlevés comme Back Up, Concerto pour 4 mains ou encore Un long moment de silence, très beau texte lauréat du Prix Polars Pourpres en 2013.
Avec Zanzara (moustique en italien), le Belge pique, comme à son habitude, rapidement la curiosité du lecteur. À l’instar de Fred, on n’a alors guère d’autre choix que de vouloir comprendre ce qui s’est tramé. Et ce qui n’était d’apparence qu’un coup de fil que certains de ses collègues auraient sans doute pris pour un canular se révèle être le point de départ d’une (en)quête aussi fastidieuse que périlleuse.
Le personnage de Fred, un tantinet arrogant, n’est pas spécialement des plus sympathiques, mais on s’attache tout de même à cette tête brûlée et bien faite, qui se révèlera plus tendre qu’il n’y paraît, dans sa relation adultère – au traitement pas inintéressant – comme dans la sphère familiale.
On soulignera aussi dans cet opus l’immersion réaliste dans le quotidien d’un grand… quotididen (l’auteur s’est rendu dans les locaux du Soir pour documenter son roman).

Zanzara, sans conteste moins ambitieux qu’Un long moment de silence, pour ne citer que lui, marquera sans doute moins durablement le lecteur. Mais comme le souligne le quatrième de couverture, Paul Colize est avant tout un « raconteur d’histoire », et pour ce qui est de faire tourner les pages à toute vitesse, c’est vrai qu’il sait sacrément y faire.
On ne voit d’ailleurs pas le temps passer au fil de ces 300 et quelques pages et on en redemande.

Zanzara, de Paul Colize, Fleuve Noir (2017), 320 pages.

Un long moment de silence est le neuvième roman du Belge Paul Colize.

Il fait partie des finalistes du Prix Polars Pourpres.

Résumé

New York, 1948.
Le jeune Nathan Katz arrive à Brooklyn. Il a été recruté par « Le Chat », une organisation secrète qui traque et élimine les nazis responsables de la Shoah. En effet, comme les autres agents du réseau, Nathan a perdu une partie de sa famille dans les camps de la mort.

Le Caire, 1954.

Des hommes lourdement armés ouvrent le feu dans le hall de l’aéroport. Le bilan est très lourd : 21 morts, une trentaine de blessés. Des policiers de différents États ont beau collaborer, on ne connaîtra jamais l’identité des meurtriers, pas plus que les raisons de l’assaut. L’enquête est officiellement abandonnée en 1961.
Paris, 2012.

Stanislas Kervyn est le dynamique patron d’une entreprise spécialisée dans la sécurité informatique. Fils d’une des victimes de la « tuerie du Caire », il publie un livre proposant sa version des faits. Après avoir été invité sur le plateau d’une émission littéraire télévisée, il reçoit l’appel d’un vieil homme qui soutient avoir fait partie du commando ayant abattu son père.

Mon avis

Après avoir très agréablement surpris son monde avec le superbe Back Up, le Belge Paul Colize revient, toujours à La Manufacture des livres, avec ce Long moment de silence.
Différent par les thèmes abordés et le traitement des protagonistes, on trouve néanmoins des similitudes entre les deux romans, en particulier cette facilité qu’a l’auteur de jongler entre les personnages et les époques, les évènements réels et fictifs, sans jamais casser la dynamique du récit. C’est d’une telle fluidité que ça semble facile, quand bien même ça doit demander force travail et talent.
Par contre, les personnages, globalement sympathiques dans Back Up, sont ici plutôt antipathiques, pour ne pas dire détestables. Le jeune Nathan Katz, aussi naïf que manipulable, est loin d’être un héros. Quant à Stanislas, odieux avec ses collègues, il entretient des relations pour le moins particulières avec la gent féminine, qu’il ne voit que sous l’angle des relations sexuelles. Il classe chaque femme selon ce critère : baisable ou pas baisable. On le savait déjà, mais Paul Colize nous le prouve à son tour : il n’est pas nécessaire de proposer des personnages sympathiques pour accrocher le lecteur.
Ici, l’intérêt vient plutôt des quêtes des différents protagonistes, ainsi que des zones d’ombres concernant chacun. Habilement, l’auteur nous donne un peu de grain à moudre au fil des pages, avant que tout ne s’accélère dans un final aussi réussi qu’émouvant.

À la lueur de la postface (à ne lire qu’après avoir terminé le roman !), on comprend que cet opus qui semblait de prime abord un peu « froid » (de par le caractère de ses personnages notamment) est sans doute le plus personnel de l’auteur. Une belle réussite, déjà récompensée par plusieurs prix, qui vient confirmer qu’il faut désormais compter sur Paul Colize. On peut donc résider à Waterloo et collectionner les succès !
La Manufacture des livres a annoncé pour début mai le dixième roman de l’auteur. De nombreux lecteurs l’attendront de pied ferme, d’autant que son titre est pour le moins intrigant : L’avocat, le nain et la princesse masquée.

Un long moment de silence, Paul Colize, La manufacture de livres (2013), 469 pages.

Back Up est un roman du Belge Paul Colize publié par La Manufacture des livres en février 2012.

Il est récemment paru en poche en Folio Policier.
Il faisait partie des finalistes du Prix Polars Pourpres 2012.

Résumé

Berlin, 1967.
Les membres du groupe de rock Pearl Harbor décèdent les uns après les autres à différents endroits et dans différentes circonstances. A priori, rien de suspect. Ce n’est pas l’avis du batteur remplaçant du groupe, qui sait que les quatre musiciens venaient de terminer un enregistrement, dont il ne reste d’ailleurs aucune trace, et qu’ils étaient partis en vacances chacun de leur côté avec une grosse somme d’argent.
Bruxelles, 2010.
Un colosse est renversé par une voiture. L’homme ne meurt pas mais sombre dans le coma. Problème : il n’a aucun papier sur lui et sa disparition n’a pas été signalé. Personne ne sait qui il est.

Mon avis

Autant le dire de suite, Back Up m’a beaucoup plu. Mais sans doute plus pour la part qu’y occupe la musique, pour la plongée dans les années 1960, et pour ses personnages que pour l’intrigue policière elle-même.

« Nous sommes rentrés à la maison avec le disque de Chuck Berry. Ma mère a déclaré qu’elle n’allait rien rapporter à mon père, qu’elle lui raconterait que j’étais invité chez un copain samedi après-midi et que nous écouterions le disque le jeudi suivant.

Je n’étais pas conscient du risque qu’elle prenait en taisant mes mésaventures à mon père.

[…]

Le jeudi suivant nous avons sorti le disque de sa cachette. Nous sommes allés dans le salon, ma mère et moi, et avons ouvert le tourne-disque.

C’était un meuble monumental qui combinait une radio et un tourne-disque. Il sentait le bois frais et la cire d’abeille. La platine était équipée d’un système qui permettait de déposer plusieurs 45 tours l’un sur l’autre pour éviter de devoir faire des allées et venues. Un écusson métallique était fixée sur le couvercle, avec un chien-assis devant un vieux phonographe.

Nous avons déposé le disque et enclenché le mécanisme.

Dès les premiers accords, un fourmillement a parcouru mon corps. J’ai ressenti une irrésistible envie de me lever, de bouger, de gesticuler, de remuer mon cul et tout ce qu’il y avait moyen de remuer. Je ne comprenais pas pourquoi ces quelques notes provoquaient un tel effet.

C’était ça le rock’n’roll.

J’ai monté le volume. La guitare de Chuck m’emportait.

Ma mère s’est mise, elle aussi, à remuer le derrière. Mon frère est arrivé, l’air ébahi, en se demandant ce qui se passait. Il s’en est mêlé.

Nous nous sommes retrouvés tous les trois au milieu du salon, à danser comme des sauvages. Nous avons poussé le volume au maximum. Nous riions, nous criions, nous en avions mal au ventre.

Ce jour-là, le rock est entré dans ma vie pour ne plus en sortir.

De cet après-midi-là, je garde l’un des plus beaux souvenirs de ma vie. Maman dans sa si jolie robe jaune qui dansait le rock’n’roll en riant aux éclats. »

La musique, et en particulier le bon vieux rock’n’roll, est omniprésente au fil des pages, et ce pour notre plus grand plaisir. En plus, elle est loin d’être accessoire : le narrateur est batteur de rock, sa copine est chanteuse, et surtout, l’intrigue ne serait rien sans la musique, mais chut… n’en disons pas trop. Paul Colize aime cette musique, cela se sent, et il ne manque pas de nous délivrer de nombreuses références musicales au passage, que l’on retrouve compilées en fin d’ouvrage.

Avec les personnages musiciens et leur entourage, on (re)vit les nuits folles des années 1960, notamment celles de Berlin. Au programme : sexe, drogue, rock’n’roll, ainsi qu’une pincée de nostalgie pas déplaisante.

« La période la plus mouvementée de ma vie a commencé ce soir-là pour se terminer quelques semaines plus tard avec l’entrée de Mary dans ma vie.

Ce furent des semaines de folie. Nous passions notre temps à courir comme des dératés, à dépenser en une heure l’argent que nous gagnions en une semaine, à suivre des concerts et à nous précipiter dans la cave pour rejouer ce que nous avions entendus.

Nous passions notre temps à faire du rock, à parler de rock, à boire, à fumer et à avaler des centaines de pilules.

C’était futile et destructeur. Avec le recul je garde pourtant de cette période la sensation que j’étais devenu moi-même.

Birkin et moi formions une paire déjantée, dépareillée et indestructible. Il a été l’un des rares cadeaux que le ciel m’a offerts. Il m’a appris la beauté et la richesse de l’amitié. […] Quand je pense à lui, mon regard se trouble et mon cœur s’emballe. »

L’intrigue n’est pas forcément exceptionnelle d’originalité et certains rebondissements peineront sans doute à convaincre les lecteurs les plus difficiles. Pour autant l’ensemble est rendu très prenant par Paul Colize, notamment par l’utilisation d’une construction intéressante alternant astucieusement les différents points de vue et les époques (passé et présent).

Back Up offre donc au final un très bon moment de lecture, parfois émouvant. Paul Colize réussit à faire d’une pierre deux coups : un bon polar et un superbe hommage à la musique des sixties, à l’âge d’or du rock’n’roll.


Back Up, de Paul Colize, La Manufacture des livres (2012), 425 pages.

Patriot Act / Kenan Görgün

Publié: 14 juillet 2009 dans Polar belge
Patriot Act est le cinquième roman de Kenan Görgün, jeune écrivain belge d’origine turque. C’est aussi le premier livre à mettre en scène l’inspecteur Elvis Casanova.

Résumé

John Victor Saturne a perdu sa sœur, victime d’un meurtre. Depuis ce traumatisme, le professeur ne poursuit ses recherches sur la mémoire que dans un seul objectif : accéder aux derniers souvenirs de Diane et ainsi connaître l’identité de son assassin. Alors que ses recherches semblent sur le point d’aboutir, le scientifique est assassiné par des tueurs à gages… qu’il a lui-même embauchés !
Saturne lègue tout ce qu’il possède à l’inspecteur Elvis Casanova. Ce dernier, qui ne connaît le professeur que de nom se demande bien pourquoi il a été choisi. Pour le savoir, Elvis va devoir se lancer dans une enquête qui va vite s’avérer éprouvante.

Mon avis

Je découvre Kenan Görgün avec ce roman mettant en scène Elvis Casanova, un inspecteur de Baltimore coureur de jupons et plutôt rock’n roll, comme son nom l’indique.
Elvis mis à part, les personnages sont plutôt quelconques (ils manquent de charisme, on ne s’y attache pas) mais surtout trop nombreux.
A cela s’ajoutent des changements incessants de scènes qui confèrent certes un rythme assez intense au récit mais ont en contrepartie le don d’égarer le lecteur, qui doit régulièrement revenir sur ses pas, ne sachant plus trop qui est qui (j’ai même du m’aider d’un pense-bête pour m’y retrouver parmi les personnages, ce qui ne m’arrive quasiment jamais !).
Heureusement, certaines descriptions et quelques réflexions bien senties compensent un peu ces personnages peu réussis.

« Sous la pression du métier, certains préfèrent se détacher de leur famille pour continuer à venir ici et reprendre leurs angoisses et leurs espoirs là où ils les ont laissé la veille. Un refuge, où il devient possible de croire que le monde tient par l’ordre et la loi. Lors de son pot de départ, un inspecteur nommé Jeff Davers a dit que si un flic chérit tant sa prérogative à poser les questions, c’est surtout pour éviter qu’on ne lui en pose. La sagesse de cette déclaration a fait mouche ; l’éclat d’un insigne suffit parfois à cacher bien des tourments intérieurs. »

L’intrigue principale autour du professeur Saturne et de ses travaux sur la mémoire est assez intéressante, laissant toutefois un belle part à l’anticipation, ce qui pourrait dérouter certains lecteurs amateurs de polars plus fortement ancrés dans la réalité.
La narration est plutôt efficace et très visuelle, et pour cause puisque Görgün est aussi scénariste (on lui doit notamment le film 9mm), et les scènes d’action sont particulièrement bien rendues. L’auteur joue aussi parfois avec les mots, plutôt avec réussite d’ailleurs.

« A l’autre bout du fil, il y a une salle où, depuis des heures, on s’arrache les cheveux pour décider à qui il faut arracher les dents. Généraux, directeurs… Les hommes les plus paranos d’un système qui a la paranoïa pour matrice enragent, la bave aux canines. »

Au final, Patriot Act se révèle être un thriller peu convaincant malgré de bonnes idées et une certaine qualité dans l’écriture. Si je n’ai pas accroché, j’ose croire que certains amateurs du genre y trouveront leur bonheur.


Patriot Act de Kenan Görgün, First/Thriller (2009), 536 pages.

Le carré de la vengeance / Pieter Aspe

Publié: 16 novembre 2008 dans Polar belge

Le carré de la vengeance est la première enquête du commissaire Van In créé par Pieter Aspe à paraître en France.

Ce livre fait partie de la sélection automnale du Prix SNCF du polar dans la catégorie « Polars européens ».

Résumé

Van In : ce flic-là, vous allez l’adorer ! Un sale caractère, aucun sens de la hiérarchie, un humour caustique… cet amateur d’art, de cigares, de bière et de jolies femmes (et plus particulièrement Hannelore Martens, substitut du procureur) n’a pas son pareil pour déjouer les affaires les plus tordues. Bruges, la mystérieuse : Bruges, c’est SA ville. Elle ne peut rien cacher à Van In.

Mon avis

Il faut avant tout savoir que si le commissaire Van In est encore quasiment inconnu dans l’hexagone, il est depuis longtemps (ce roman est sorti là-bas en 1995) une valeur sûre du polar en Belgique où chaque nouveau roman fait un tabac avant d’être adapté à la télévision.

J’ai trouvé ce bon roman policier très « décontractant ». Je m’explique.

Le carré de la vengeance est un de ces romans policiers qui se lisent très bien et avec plaisir : jusque là rien d’anormal.
Mais il s’agit surtout d’un roman policier où la violence est très peu présente et où le sang et le sexe sont aux abonnés absents, ce qui est très rare de nos jours, je peux vous l’assurer.

Se passer de ces ingrédients que trop d’auteurs croient indispensables à un « vrai » polar est déjà en soi un pari osé.
Ajoutez à cela des personnages réussis et une intrigue crédible qui tient le lecteur en haleine et on n’est pas loin du coup d’éclat.

Les personnages, qu’ils soient  principaux ou secondaires, sont tous plaisants.
Concernant les personnages principaux, j’ai trouvé intéressant de suivre l’histoire de Van In avec la procureur Martens (certes un peu trop parfaite, comme souvent les premiers rôles féminins dans le polar, pour être totalement crédible), le suspense étant total (je rigole) : osera-t-il l’aborder ?
Parmi les personnages secondaire, j’ai beaucoup aimé le petit bleu qui n’y connaît rien aux femmes et tanne constamment ses collègues avec ses questions.

L’intrigue, dont le démarrage autour d’un vrai faux cambriolage de bijouterie dans le centre de Bruges est assez originale au départ puis devient plus « classique » par la suite tout en restant agréable à suivre jusqu’au bout.

Permettez-moi de mettre un carton jaune à l’éditeur pour son « résumé » de quatrième de couverture, aussi pitoyable qu’inexact à mon goût. Un vrai résumé d’accord, mais ça : mieux vaut s’en passer. Et si on n’adore pas Van In, on peut attaquer pour publicité mensongère ?

Cette première enquête de Van In est un bon polar, qui ne heurtera personne, idéal à lire pour faire une coupure après une indigestion de polars sanglants.

Pour ceux qui ne pourraient déjà plus se passer de Van In : la seconde enquête du commissaire de Pieter Aspe, Chaos sur Bruges est déjà sortie.


Le carré de la vengeance (Het vierkant van de wraak, 1995) de Pieter Aspe, Albin Michel (2008), traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron (336 pages).