Archives de la catégorie ‘Polar brésilien’

Malgré tout la nuit tombe (As perguntas) est un roman d’Antônio Xerxenesky qui vient tout juste de paraître chez Asphalte dans une traduction du brésilien de Mélanie Fusaro.

41t6ssrzvxlRésumé

Alina est venue à Saõ Paulo pour trouver du travail. Elle passe ses journées dans les bureaux d’un gratte-ciel, les yeux rivés sur un écran, à améliorer la qualité de petites vidéos principalement. Son boulot ne lui plaît pas. Son frère, décédé accidentellement, lui manque beaucoup. Globalement, elle s’ennuie. Un jour, la police la contacte dans le cadre d’une enquête sur une secte soupçonnée de pratiquer des enlèvements. Il se trouve qu’Alina, doctorante en histoire des religions, a de solides connaissances sur les religions brésiliennes, les sectes et autres pratiques occultes collectives. La commissaire n’a pas besoin d’en dire beaucoup plus. L’intérêt d’Alina est piqué.

Mon avis

Asphalte avait déjà publié Antônio Xerxenesky avec son western Avaler du sable et F, qui mettait en scène une tueuse à gages obsédée par le cinéma. Autre genre, autre décor avec Malgré tout la nuit tombe, vrai-faux thriller psychologique faisant la part belle à l’introspection et à l’horreur. Les références aux films d’épouvante sont nombreuses, à commencer par ceux de Dario Argento dont raffole Alina sans qu’elle sache exactement pourquoi.

Menant son enquête parallèle sur Internet, la jeune femme tombe sur un Tumblr qui semble appartenir à un pratiquant de la secte en question. Elle envoie un mail à tout hasard. On lui répond. Dès lors, son intérêt ne fait que s’accroître, jusqu’à virer à l’obsession.

Angoissant sans jamais verser dans le gore, Malgré tout la nuit tombe s’intéresse à l’occulte et au besoin qu’éprouvent les hommes de chercher des réponses à leurs questions. Des passages entiers sont consacrés aux réflexions métaphysiques d’Alina. Certains pourront trouver ces pages passionnantes ; d’autres seront peut-être moins friands de ces digressions philosophiques. Dans tous les cas, elles font partie intégrante du récit et ajoutent à cette ambiance propice au doute et à l’angoisse. Les errances éthyliques d’Alina dans les nuits de Saõ Paulo offrent de beaux moments de littérature, lesquels peuvent être encore plus évocateurs si l’on écoute en parallèle la playlist concoctée par l’auteur, de l’électro propice à l’évasion mais aussi, un peu, à l’inquiétude.

L’enquête « policière » est d’une certaine façon au cœur du roman – elle sert de fil rouge – mais étonnamment, c’est loin d’être la partie la plus intéressante de Malgré tout la nuit tombe joli récit introspectif sur les affres existentielles d’une jeune paulistana.

Malgré tout la nuit tombe (As perguntas, 2017), d’Antônio Xerxenesky, Asphalte (2019). Traduit du portugais (Brésil) par Mélanie Fusaro, 224 pages.

Belém est un roman noir du Brésilien Edyr Augusto paru là-bas en 1998 sous le titre Os éguas et publié ici par Asphalte il y a quelques semaines.

Résumé

Belém, capitale du Para, État du nord du Brésil.

Johnny, un coiffeur gay bien connu des jet-setteurs et de la presse people, est retrouvé mort chez lui. Il s’agirait a priori d’un arrêt cardiaque, sans doute du à une overdose de cocaïne – il faut dire qu’il était bien connu pour en prendre et qu’il ne s’en cachait pas. Mais quand l’inspecteur découvre chez Johnny des vidéos pédophiles le montrant à l’oeuvre avec des enfants, l’affaire prend une autre tournure. Ne l’aurait-on pas plutôt assassiné pour le punir de ses actes infâmes tout en faisant croire à un accident ? Difficile pour Gilberto Castro d’avancer dans son enquête tant personne ne semble disposé à aider la police.

Mon avis

Rares sont les auteurs brésiliens de polar à avoir été publiés en France. Celui que nous offre à lire la jeune maison d’édition Asphalte ne fait pas dans la dentelle. Edyr Augusto, traduit dans l’hexagone par le romancier lusophone Diniz Galhos (auteur de Gokan notamment), nous fait plonger dans le monde des nuits brésiliennes, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas forcément beau à voir. Prostitution, drogue, corruption, etc. L’argent permet aux nantis d’acheter ce qu’ils veulent, bien souvent au détriment des gens issus des classes sociales plus modestes.

L’inspecteur Castro n’est pas à proprement parler un héros. Il lutte contre son attirance pour les boissons alcoolisées et a tendance à chercher le réconfort dans les bras de belles inconnues, raisons pour lesquelles sa femme l’a quitté. Il fait cependant figure de personnage intègre dans ce monde de pourris. Il progresse tant bien que mal dans son enquête, et ce qu’il découvre peu à peu est bien pire que ce qu’il imaginait.

Si l’on ne peut pas véritablement parler de « plaisir de lecture » tant celle-ci est globalement éprouvante (du fait de passages crus et d’une scène particulièrement dure, ce roman est à déconseiller aux lecteurs les plus sensibles), gageons que ce roman marquera durablement le lecteur. Grâce à Edyr Augusto, on se souviendra longtemps que le Brésil ne se limite pas à la samba, au carnaval et au sable fin des plages de Copacabana.

A noter que Moscow, prochain roman de l’auteur à paraître en France – en février 2014, toujours chez Asphalte – est d’ores et déjà disponible dans sa version numérique sur les plates-formes consacrées.

Belém (Os éguas, 1998), d’Edyr Augusto, Asphalte (2013). Traduit du brésilien par Diniz Galhos, 251 pages.