Archives de la catégorie ‘Polar écossais’

Le Mercato d’hiver (January Window) est un roman de l’Écossais Philip Kerr paru au Masque en 2016 (traduction de Katalin Balogh et Philippe Bonnet).

51i8dyazgclRésumé

Scott Manson est entraîneur de London City, célèbre club de Premier League. Les pressions et intimidations en tous genres sont monnaie courante dans le foot de haut niveau. Aussi, lorsqu’une mise en scène sordide – un grand rectangle de terre creusé dans la pelouse du stade, évoquant une tombe – est découverte par les jardiniers, personne ne s’en émeut particulièrement. Il y a un match important à préparer, et pas de temps à perdre avec ça, il faut vite reboucher, que le terrain soit praticable. Seulement, quand João Gonzales Zarco, le charismatique manager du club, est retrouvé mort, on ne peut qu’y voir un avertissement. Et la direction du club demande à Scott Manson d’enquêter parallèlement à la police. L’entraîneur, dont le Portugais était un ami en plus d’être un brillant collaborateur, est bien décidé à découvrir le fin mot de l’histoire.

Mon avis

Bien connu des amateurs de polars pour sa série historique consacrée à Bernie Gunther, dont on suit avec plaisir les aventures épiques avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, voilà que Philip Kerr se frotte à un tout autre sujet : le football.
Amateur de ballon rond, l’Écossais l’est assurément, lui qui ne manquerait pour rien au monde un match d’Arsenal… Arsenal auquel le club fictif de London City ressemble curieusement et dont Scott Manson est – tiens, tiens ! – un ancien joueur. Ce qui permet à l’auteur, sous couvert de décrire les arcanes de la gestion d’un club de Premier League, de glisser des anecdotes qu’on sent plus vraies que nature. De même, certains protagonistes ressemblent curieusement à de vraies personnalités du foot, comme ce Zarco, portugais, grande gueule, impitoyable avec ses joueurs ; ou encore ce milliardaire ukrainien, président de club et dont les affaires ne semblent pas toujours des plus nettes.
Assurément, l’auteur maîtrise son sujet et nous plonge avec passion dans le quotidien d’un grand club européen. De la gestion des hommes (et parfois de leurs caprices) à la préparation des matches en passant par le travail inhérent à l’achat et à la vente des joueurs durant ce fameux mercato d’hiver, l’auteur nous montre tout, sans que cela ne soit ni rébarbatif ni difficile d’accès pour les béotiens du soccer – sur le même thème, rien à voir en terme d’exigence avec l’exceptionnel Rouge ou mort de David Peace, par exemple.
Si le contexte est on ne peut plus maîtrisé, l’intrigue, bien qu’intéressante, est un peu légère, et même un brin caricaturale par certains aspects. Le personnage de Scott Manson est quant à lui plutôt réussi, bien que moins fascinant qu’un Bernie Gunther.

Le Mercato d’hiver est un polar de bonne facture, qui vaut plus pour son contexte et ses personnages que son intrigue, un peu faible dans l’absolu. Un bon moment de lecture pour les amateurs de ballon rond… ou non. Premier roman d’une série, on peut déjà retrouver Scott Manson dans La Main de Dieu et La Feinte de l’attaquant.

Le Mercato d’hiver (January Window, 2014), de Philip Kerr, Le Masque (2016). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Katalin Balogh et Philippe Bonnet, 448 pages.

L’homme de Lewis est un roman de l’Écossais Peter May paru aux éditions du Rouergue en 2011.

Il s’agit du second tome de la « trilogie de Lewis » mettant en scène le personnage de Fin McLeod.

Résumé

Fin McLeod a consécutivement perdu son fils, fauché par un chauffard, puis sa femme, qui a préféré quitter l’homme qu’il est devenu. Seul et déboussolé, il ne sait plus quel sens donner à sa vie. Traumatisé par la mort de Robbie, ne sachant où aller ni même quoi faire – il a démissionné de la police –, il décide de quitter Édimbourg pour rentrer chez lui, sur son île natale.

Dans une tourbière de l’île de Lewis, le corps d’un jeune homme est retrouvé en bon état, comme momifié dans la tourbe. La police n’a aucune piste mais l’ADN donne miraculeusement un résultat, reliant le corps de la victime à Tormod MacDonald, le père de Marsaili, l’amour de jeunesse de Fin. C’est donc assez naturellement que ce dernier va être amené à proposer ses services à George Gunn, l’un des policiers en charge de l’enquête.

Mon avis

Après l’avoir découvert avec grand plaisir dans L’île des chasseurs d’oiseaux, c’est avec le même enthousiasme que l’on retrouve Fin McLeod et l’île de Lewis. Comme dans le premier opus, Peter May nous décrit avec un talent certain les coins magnifiques et sauvages de ces îles des Hébrides, Lewis tout particulièrement. Pour ceux qui voudraient poursuivre le voyage, l’auteur a publié un livre de photographies de toute beauté avec son ami photographe David Wilson : L’Écosse de Peter May.

La construction du roman est intéressante, l’auteur faisant alterner les points de vue et les personnages ainsi que les époques. On suit (à la troisième personne) l’enquête par le truchement de Fin et de l’inspecteur Gunn, tandis que certains chapitres, racontés à la première personne, nous plongent dans les pensées désorganisées de Tormod.

En suivant le vieil homme, atteint de problèmes de mémoire, on découvre son quotidien peu glorieux. Sans en avoir l’air, l’auteur fait s’interroger le lecteur sur les conditions de vie de certaines personnes âgées, enfermées « pour leur bien », mais souvent contre leur gré, dans des établissements spécialisés où le personnel n’est pas toujours tendre avec elles. Par moments, l’enfermement replonge Tormod dans son passé, à une époque où il était encore enfant et placé dans un austère orphelinat.

Sans trop en dévoiler, disons que L’homme de Lewis est aussi un beau roman sur les secrets familiaux. Qui sont vraiment ces proches que l’on croit connaître ?

Après le succès de L’île des chasseurs d’oiseaux, Peter May confirme tout le bien qu’on pensait de lui dans ce second tome de la « trilogie de Lewis ». C’est avec plaisir que le lecteur retrouvera Fin, Marsaili et les autres dans le troisième opus paru en 2012, Le braconnier du lac perdu.

L’homme de Lewis (The Lewis Man, 2011), de Peter May, éditions du Rouergue (2011). Traduit de l’anglais (Écosse) par Jean-René Dastugue, 314 pages.

L’île des chasseurs d’oiseaux (The Blackhouse) est un livre de Peter May, un romancier et scénariste écossais installé en France depuis des années.
Ce roman, le premier d’une série mettant en scène Fin McLeod et l’île de Lewis, est paru aux éditions du Rouergue en 2009.

Résumé

Île de Lewis, au nord de l’archipel écossais des Hébrides.
Un jeune couple découvre dans un hangar à bateaux un homme fraîchement pendu et éventré. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un meurtre et il semblerait que le modus operandi soit le même que celui employé pour un autre meurtre, perpétré à Édimbourg. C’est pourquoi la police locale fait appel à Fin McLeod, qui a enquêté là-bas sur ce premier meurtre. Pour Fin, retrouver Lewis n’est pas anodin. C’est sur cette île qu’il est né et qu’il a grandi, avant de faire le choix de la quitter.

Mon avis

« Les gens nés dans les années cinquante décrivent parfois leur enfance en évoquant des tons bruns. Un monde sépia. J’ai grandi dans les années soixante-dix et mon enfance fut violette.
Nous vivions dans ce que l’on appelle une whitehouse, à un peu moins d’un kilomètre du village de Crobost. Ce village faisait partie de la commune de Ness, située sur la pointe la plus au nord de l’île de Lewis, qui était elle-même l’île la plus au nord de l’archipel écossais des Hébrides extérieures. Les whitouses dataient des années vingt. Les murs étaient faits avec de la pierre et de la chaux ou avec des blocs de béton, et les toits étaient couverts d’ardoise, de tôle ondulée ou de feutre bitumé. Elles avaient été construites pour remplacer les anciennes blackhouses, qui étaient consituées de murs de pierres sèches et d’un toit de chaume, et dans lesquelles s’abritaient hommes et bêtes. Un feu de tourbe brûlait nuit et jour dans la pièce principale. Il n’y avait pas de cheminée et la fumée était censée s’évacuer par un trou pratiqué dans le plafond. Bien sûr, ce n’était pas très efficace. Les maisons étaient toujours enfumées et l’espérance de vie assez courte.
»

Peter May est un romancier et scénariste écossais installé en France depuis des années. Certains le connaissent pour sa série se déroulant essentiellement à Pékin. Avec L’île des chasseurs d’oiseaux, il délaisse la Chine pour son pays, l’Écosse, et plus particulièrement Lewis, la plus septentrionale des îles des Hébrides. Paysages, traditions, habitants, etc. Il décrit l’endroit à merveille et avec une certaine chaleur qui ne laisse pas le lecteur indifférent.

« Sans un mot, Artair recula sa chaise et se dirigea vers le bar pour y faire remplir son verre. Fin restait assis, regardant fixement la table. Il n’y avait pas de mots pour décrire la tristesse qu’il éprouvait à voir son ami d’enfance aussi amer. La vie passait en un éclair, comme un bus pendant une nuit pluvieuse à Ness. Il fallait s’assurer d’être vu pour qu’il s’arrête et que vous puissiez y monter, sans quoi il partait sans vous, et vous vous retrouviez obligé de rentrer chez vous à pied, dans le vent et sous la pluie. Il se disait qu’à sa manière, il était comme Artair, poursuivi par l’idée de ce qui aurait pu être, d’avoir raté ce bus. Rendu amer par ses échecs. Le regarder lui renvoyait sa propre image, et il n’aimait pas ce qu’il voyait. »

À l’instar du marshal Raylan Givens, héros de la série télévisée Justified, Fin McLeod est ramené pour les besoins d’une enquête dans le seul endroit où il ne voulait retourner pour rien au monde : chez lui. À un moment de sa vie, il a eu du mal à faire le choix salutaire de quitter son île natale, alors la retrouver n’est pas chose aisée. En pas loin de vingt ans, peu de choses ont changé finalement, sinon que les gens ont vieilli. Le policier retrouve son meilleur ami d’enfance, Artair, lequel s’est marié depuis avec Marsaili, le premier amour de Fin, avec qui il a eu un fils, Fionnlagh.

Au gré des chapitres et fort habilement, Peter May entremêle les époques, les événements passés venant faire écho au présent des protagonistes. Fin se rappelle avec nostalgie de son enfance, des quatre-cent coups qu’il a pu faire avec ses camarades d’école, des premières ivresses et du temps où Marsaili et lui étaient inséparables. Chômage, alcoolisme, obésité, dépression…Voir ce que sont devenues ces personnes lui fait mal au cœur. Fin se souvient aussi de son périple sur An Sgeir, un rocher perdu au milieu de l’Atlantique Nord où les hommes de son village vont une fois par an chasser le guga (terme gaélique désignant un jeune fou de Bassan) comme on va en pèlerinage. Cette tradition séculaire et périlleuse se poursuit malgré l’activisme des défenseurs des animaux, et Fionnlagh va à son tour se rendre sur l’île des chasseurs d’oiseaux pour la première fois.

« Voilà bien une chose à laquelle il n’avait pas pensé depuis des années. Guga était le terme gaélique pour désigner un jeune fou de Bassan, un oiseau que les hommes de Crobost chassaient lors d’un voyage de deux semaines qui avait lieu chaque mois d’août et qui les menait sur un caillou, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de la pointe de Lewis. Ils l’appelaient An Sgeir. « Le rocher », tout simplement. Des falaises de cent mètres, battues par les tempêtes, qui émergeaient de l’océan. Chaque année, à cette période, elles étaient envahies par des fous de Bassan, venus nidifier, et leur petits. C’était l’une des plus importantes colonies de fous de Bassan au monde et, depuis plus de quatre siècles, les hommes de Ness y faisaient un pèlerinage, affrontant les mers déchaînées sur des barques, afin de ramener leurs prises. Maintenant, il s’y rendaient à bord d’un chalutier. Douze hommes de Crobost, le dernier village de Ness à perpétuer la tradition. Ils passaient quatorze jours sur le rocher, à la dure, escaladant les falaises par tous les temps, au risque de leur vie, pour piéger puis tuer les oisillons dans leurs nids. À l’origine, le voyage était motivé par la nécessité de nourrir les villageois restés à terre. Désormais, le guga était surtout un mets de choix, très recherché sur l’île. La loi limitait les prises à deux mille oisillons, une exception inscrite dans la loi pour la protection des oiseaux qui avait été votée par la Chambre des communes à Londres, en 1954. Pour qu’une famille puisse espérer manger du guga, il fallait donc qu’elle ait de la chance, ou d’excellentes relations. »

L’enquête est volontairement lente, elle piétine, avance par à-coups, avant que tout ne s’accélère dans les dernières pages. Les rebondissements y sont nombreux, spectaculaires et imprévisibles, même si certaines révélations peineront peut-être à convaincre les lecteurs les plus sceptiques.

Avec L’île des chasseurs d’oiseaux, Peter May signe à la fois un roman policier efficace et une superbe déclaration d’amour à l’île de Lewis, qu’il semble connaître mieux que personne. Les lecteurs emballés par cette virée dans les Hébrides pourront retrouver Fin McLeod dans d’autres enquêtes, L’homme de Lewis et Le braconnier du lac perdu.

L’île des chasseurs d’oiseaux (The Blackhouse, 2009), de Peter May, éditions du Rouergue (2009), Traduit de l’anglais (Écosse) par Jean-René Dastugue, 374 pages.

L’Été de cristal (March Violets) de l’Écossais Philip Kerr a été publié pour la première fois outre-Manche en 1989. Il s’agit du premier tome de la trilogie dite « berlinoise » ayant pour personnage principal Bernie Gunther, et pour cadre l’Allemagne nazie.
Le Masque a réédité les trois romans en un seul volume en 2008, lequel volume est désormais disponible en poche et figure toujours parmi les prétendants au Prix des lecteurs du Livre de Poche.

étédecristalRésumé

Berlin, 1936.
Le Doktor Hermann Six, homme bien comme il faut de la bourgeoisie berlinoise vient de perdre sa fille, assassinée chez elle en même temps que son mari. Le magnat de l’industrie demande alors l’aide de Bernie Gunther, un ancien policier devenu détective privé à son compte. Ce dernier est enjoint de retrouver le meurtrier du couple, mais surtout, semble-t-il, de remettre la main sur le contenu du coffre-fort familial.

Mon avis

« Vous êtes Gunther, le détective ?
Oui, répondis-je, et vous êtes sans doute – je fis mine de lire sa carte – le Dr Fritz Schemm, avocat
allemand.
Je prononçai ce dernier mot avec une ironie appuyée. Je déteste cette précision apposée sur les cartes de visite ou les enseignes commerciales, pour tout ce qu’elle implique de respectabilité fondée sur la race. Et je déteste d’autant plus la voir figurer sur une carte de visite pour une profession que les Juifs n’ont plus le droit d’exercer. En ce qui me concerne, je ne voyais aucune raison de me définir comme un « enquêteur allemand » plutôt qu’« enquêteur luthérien », « enquêteur asocial » ou « enquêteur veuf », même si je suis, ou ai été – on ne me voit plus beaucoup à l’église ces derniers temps – l’un ou l’autre à une époque.
D’ailleurs, beaucoup de mes clients sont juifs, et comme ils paient rubis sur l’ongle, ils constituent une excellent clientèle. Ils viennent tous pour la même raison : personne disparue. Le résultat de mes enquêtes est également toujours le même : un corps balancé dans le Landwehrkanal par la Gestapo ou les SA ; un suicidé dans une barque flottante sur le Wannsee ; ou alors un nom sur une liste de gens expédiés en KZ, c’est-à-dire en camp de concentration.
C’est pourquoi, d’emblée, je n’aimais pas cet homme, cet avocat
allemand. »

La Trilogie berlinoise, c’est un travail documentaire de grande ampleur. Philip Kerr semble maîtriser son histoire allemande sur le bout des doigts et parvient à immerger totalement le lecteur dans le Berlin des années 1930-1940. Tout y est, des habitudes alimentaires au noms des rues de l’époque. Dans ce premier épisode, Bernie Gunther croise certaines personnalités du nazisme, Goering et Heydrich en tête, et assiste à l’écrasante domination de Jesse Owens aux Jeux Olympiques face aux favoris aryens, au grand désespoir d’Hitler.

« Dominé par le viaduc du S-Bahn, le café Stock était un modeste restaurant pourvu d’un bar encore plus modeste coincé au fond de la salle. Le patron, qui avait donné son nom au café, avait le ventre tellement gonflé de bière qu’il occupait à lui seul tout l’arrière du bar. […] Les tables étaient la plupart du temps occupées par des officiers de la Kripo travaillant à l’Alex, de sorte que Stock était contraint de forcer la note de sa loyauté au national-socialisme. Un grand portrait du Führer dominait les convives, tandis qu’une affiche exhortait à la pratique systématique du salut hitlérien.
Stock n’avait pas toujours été comme ça. A vrai dire, avant mars 1933, il était même plutôt rouge. Il savait que je le savais, et il craignait que d’autres finissent par s’en souvenir. C’est pourquoi je ne lui tenais pas rigueur de la photo et de la pancarte qu’il avait affichées. En Allemagne, tout le monde était différent avant mars 1933. Et qui prétendrai ne pas être national-socialiste quand on lui colle un pistolet sur la tempe ? »

trilogie berlinoiseEn quelques chapitres, on se retrouve embarqué aux côtés de Bernie dans ce polar singulier, arpentant les rues de cette ville où la tension est permanente, où la suspicion règne en maître et où chacun doit faire attention à ce qu’il fait, et même à ce qu’il ne fait pas, sous peine de finir dans le canal ou envoyé en camp de concentration.
Bernie nous raconte son enquête à la première personne et le suivre est un vrai régal. Bon vivant, doté d’un féroce sens de l’humour, maniant l’ironie et le sarcasme à la perfection : il fallait bien un tel personnage pour nous faire supporter ce climat oppressant et les atrocités commises par les nazis. L’enquête en elle-même est d’ailleurs passionnante, avec de très bons rebondissements.

« C’était un bureau immense, avec un haut plafond et de luxueux fauteuils de cuir, et je sus aussitôt que j’avais échappé au petit concerto pour matraque et coups de poing qui était la triste routine de la Gestapo. Pour l’instant en tout cas : ils n’auraient pas pris le risque de salir le tapis. »

L’Été de cristal est une vrai réussite à tous les niveaux, aussi bien pour son contexte géographique et historique que pour le personnage de Bernie ou encore pour son intrigue. Il y a des chances que le lecteur en redemande tant l’écriture de Philip Kerr est délicieuse. Il pourra donc retrouver le charmant détective dans sa seconde enquête, La pâle figure puis dans Un requiem allemand.


L’Été de cristal (March Violets, 1989) de Philip Kerr, Le Masque (1993). Traduit de l’anglais (Écosse) par par Gilles Berton, 316 pages.

Fifty-fifty / Allan Guthrie

Publié: 29 octobre 2009 dans Polar écossais
Fifty-fifty est le premier roman d’Allan Guthrie, jeune auteur écossais vivant à Edimbourg.


Résumé

Il fait très froid à Edimbourg en cette mi-janvier. Cela n’affecte en rien Pearce, qui court dans toute la ville pour recouvrir des dettes, usant de son physique avec persuasion. Cette force de la nature a bien un tendon d’Achille : il adore sa maman.
Cette dernière est employée dans un bureau de poste. Lors d’un braquage, elle est tuée d’un coup de poignard. Dommage collatéral ou boulette diront les braqueurs. Pour Pearce, c’est un monde qui s’écroule et il n’a plus qu’un mot à l’esprit : vengeance.
Les affreux jojos sont Robin, un musicien schizophrène, sa femme Carol, aussi belle que frigide, et Eddy, peut-être le moins taré des trois, qui aimerait bien ravir Carol à son collègue.
Ils ne le savent pas encore, mais avec ce braquage, leurs emmerdes ne font que commencer…


Mon avis

Lorsqu’il n’écrit pas, Allan Guthrie est aussi un agent littéraire reconnu. On lui doit notamment l’édition de certains romans de Ken Bruen. Et s’il aime à citer en interview Higson et Brookmyre comme modèles, le connaisseur retrouvera aussi l’influence de feu Donald Westlake dans ce roman.

« En Ecosse, l’hiver, il faisait bien trop froid pour se promener torse nu. C’est bien pour cette raison que Pearce portait un T-shirt. »

Comme chez Bruen, pas vraiment d’enquête dans ce roman noir. Plutôt des quêtes. Entre celui qui veut venger sa mère, celui qui cherche l’amour quitte à tromper son ami et ce dernier qui n’est pas dupe et cherche à le lui faire payer, on est plutôt servis. Surtout que les protagonistes de ce roman sont tous plus ou moins névrosés, ce qui nous apporte son lot de violence, de rebondissements, et une tension permanente.

–    « Vous ne voulez pas que je vous en dise plus sur le pistolet ?
–    Je ne connais rien aux armes à feu. Toi, si ?
–    Pas vraiment. Mais c’est pas que ça me gênerait d’en avoir une.
–    Qu’est-ce que t’en ferais d’un pistolet ?
Je descendrais des connards comme toi.
–    Ch’sais pas.
–    Alors là, c’est fascinant.
–    Greaves l’a rendu a Soutar, expliqua Kennedy. (Une pause.) C’est Soutar qui l’a maintenant. (Nouvelle pause.) Le pistolet est noir.
–    Noir. Soutar a un pistolet noir. Je dois t’avouer une chose : ça me fiche bien plus la trouille que s’il était rose. Tu n’est pas de mon avis ? »

Tout en assumant ce côté sombre, Guthrie distille avec talent son humour – comme ses compatriotes le whisky – notamment dans des dialogues efficaces, et se permet quelques clins d’œil aux grands noms du roman noir, ce genre qu’il affectionne, et qui le lui rend bien.

« Kennedy consulta sa montre et se demanda une fois encore pour quelle raison il faisait tout ça, pourquoi il avait choisi de rester planté là dans le froid pendant que ses extrémités se changeaient en glace. Il était devenu enquêteur privé pour l’excitation, l’aventure, le danger. C’était Hammett le responsable. Chandler, on pouvait lui pardonner. Mais Hammett ? Quel salopard.
Les romans de détective privé avaient saturés les années d’adolescence d’Alex Kennedy. Dès l’instant où il avait lu son tout premier Chandler, il était devenu accro. Il avait dévoré tout Chandler, puis Hammett, puis Ross Macdonald. En amassant tout ce temps dans les magasins de charité et les marchés aux puces des piles de polars des années cinquante et soixante aujourd’hui épuisés. Ses privés préférés étaient Max Thursday et Johnny Killain. Des hommes qui se nourrissaient de danger et d’excitation. Des hommes qui estimaient que deux contre un était une cote plutôt favorable. Des hommes capables de s’attaquer à un mur de briques qui, en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, finissait toujours par crier grâce. Kennedy souffla dans ses mains en coupe. Hammett avait été détective privé dans la vie, il savait et aurait dû jouer le jeu. Il n’avait pas la moindre excuse pour avoir donné de ce boulot merdique une image aussi excitante. Il ne se passait rien. Rien de rien. Zéro. Que dalle. »

Bref, du bon roman noir, comme il est difficile de ne pas l’apprécier. Déjà primé outre-Manche pour ce premier opus, on souhaite à Allan Guthrie une aussi belle carrière qu’à ses prédécesseurs. Un auteur que je suivrais, assurément.


Fifty-fifty (Two-Way Split, 2004) d’Allan Guthrie (Editions du Masque, 2009). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski.

Scalpel / Campbell Armstrong

Publié: 5 novembre 2008 dans Polar écossais

Scalpel est le dernier roman paru en France du prolifique auteur écossais qu’est Campbell Armstrong. Il s’agit de la quatrième enquête de Lou Perlman un policier juif opérant à Glasgow.

Il fait partie de la sélection automnale du Prix SNCF du Polar dans la catégorie « Polars européens ».

Résumé

En congé maladie prolongé, Lou Perlman se morfond et attend les lettres de Miriam, son inaccessible belle-sœur. Une main sectionnée (à la scie, travail propre) est découverte chez lui dans un sachet en plastique, sous une pile de journaux. Qui en veut à Lou ? Latta, le flic cinglé, sa pire Nemesis ? Désœuvré, Lou enquête sur un trafic d’organes en ayant recours à ses vieux indics, et à son inimitable méthode. Cela le mènera chez Dorcas, un ex-chirurgien cinglé, et sur les traces d’un travesti qui a besoin de fric pour parachever sa transformation… Des scènes terrifiantes dans une maison victorienne délabrée digne de “Psychose” ; d’autres montrant une bande de gamins intrépides, sans valeurs ni ligne de conduite, qui n’ont de pitié que pour leur mascotte, un furet nommé Issy : Glasgow devient un territoire lunaire de violence pure et gratuitement désespérée, où tout peut arriver.

Mon avis

Scalpel est le premier roman de Campbell Armstrong que j’ai eu l’occasion de lire.
Je ne crierai pas au génie, mais cet auteur fait désormais partie – comme tant d’autres – de la longue liste d’écrivains dont j’envisage d’approfondir la lecture de leur œuvre.

C’est un roman noir assez classique dirons-nous, avec la plupart des personnages incontournables du genre : le flic mélancolique et buveur de whisky (celui-ci a au moins une circonstance atténuante, il est Écossais !), les tarés de service, la femme fatale qui va bien, etc.
Lou Perlman, le personnage principal est particulièrement réussi et m’a fait penser à certains moments – lors de ses périodes de spleen surtout  – à l’un de mes personnages de polar préférés : Erlendur Sveinsson, le commissaire d’Indridason. Comme lui, Perlman aime prendre son temps lorsqu’il enquête pour aller rendre visite à ses tantes (juives comme lui) autour de biscuits et d’une « cup of tea » par exemple.

Du coup, pas de suspense intenable ni de scènes d’action en cascades. L’intrigue, débutant par une main mystérieuse que Perlman retrouve dans le bazar de sa propre chambre, est somme toute assez simple et l’on peut même parler par moments (assez rares certes) de longueurs. Celles-ci sont toutefois largement compensées par d’excellents passages, comme le chapitre 26, dans lequel Armstrong nous donne à voir un quartier populaire de Glasgow ainsi qu’une description, aussi belle que juste, d’une bande d’ « enfants perdus » des temps modernes. Pour dire, je l’ai même relu, chose qui ne m’arrive pas souvent.

Je n’ai pas – encore – lu les aventures de Rebus (oui, c’est un peu honteux, je sais, mais par pitié, ne me fouettez pas !) mais je pense qu’on peut dire que Campbell Armstrong est à Glasgow ce que Ian Rankin est à Édimbourg.

J’ai passé au final un bon moment de lecture avec Scalpel, ce long roman noir (420 pages) qui s’il n’est pas exceptionnel n’en demeure pas moins d’une qualité certaine.


Scalpel (Butcher, 2006) de Campbell Armstrong, Le Masque (2008), traduit de l’anglais (Écosse) par Freddy Michalski (420 pages).

Faites vos jeux ! est un polar du romancier écossais Christopher Brookmyre.

Ce livre fait partie de la sélection Printemps 2008 du prix du polar SNCF et à déjà été primé Outre-Manche.

Résumé

Quel lien y a-t-il entre le quotidien de Jane Fleming, maniaque du ménage, et les casinos de la Côte d’Azur? Aucun, sauf peut-être d’anciens rêves de jeune fille… Pourtant, un événement inattendu, la disparition de son fils (employé dans une société d’armement du midi de la France) va déclencher une cascade de rebondissements qui vont transformer cette grand-mère rangée en redoutable arme de combat. Prête à tout pour protéger sa famille, et surtout sa petite-fille, Jane va plonger dans un monde inconnu, dangereux et excitant, qui va bouleverser ses certitudes.

Mon avis

Faites vos jeux ! se lit très bien malgré ses presque 500 pages.

Toutefois je n’ai rien trouvé d’exceptionnel à ce roman, fortement inspiré par la série des James Bond. Christopher Brookmyre assume totalement ce choix, puisqu’il va même jusqu’à faire porter le patronyme du père de 007 (Fleming) à son personnage principal.

Comme dans les James Bond, on y trouve beaucoup d’action, quelques gadgets et un peu d’humour. Certains personnages sont réussis dont Jane Fleming, d’autres moins puisqu’un peu trop caricaturaux.
L’intrigue est assez sympa mais peu crédible comme souvent dans ce genre d’ouvrage.

Un polar plutôt moyen, à réserver aux amateurs de James Bond et aux lecteurs de romans d’espionnage.

Contes barbares de l’Écossais Craig Russell est le deuxième volet de la trilogie mettant en scène le commissaire Fabel après Rituels sanglants.
L’intrigue est construite autour des contes de Grimm, utilisés par un serial killer pour mettre en scène ses crimes.
Ce livre a terminé à la première place de la sélection « automne » du Prix Polar SNCF dans la catégorie « Polars Européens » et est donc toujours en course pour le titre final.

51a1byqoaslRésuméUne adolescente gît sur la plage. Serré entre ses doigts raidis, un papier jaune où figure une inscription à l’encre rouge :  » J’étais sous terre, mais maintenant il est temps de revenir à la maison.  » Un couple adultère est retrouvé égorgé dans le Naturpark. Cette fois, deux messages :  » Hansel », et  » Gretel ». Puis c’est le corps nu d’une cover-girl célèbre, chevelure déployée sur l’herbe. Dans sa main, un papier jaune, et un mot :  » Dornröschen  » – Eglantine, alias la Belle au bois dormant. Le tueur enchaîne les mises en scène macabres, et chaque mystérieux message augmente le désarroi du commissaire Fabel. Jusqu’au jour où, entendant à la radio un écrivain déclarer :  » Le conte populaire allemand est un conte de pureté et de corruption, d’innocence et de fourberie « , il décide de relire ses classiques…

Mon avis

Contes barbares est un polar très intéressant.
Le tueur, féru des contes des frères Grimm fait de chaque scène de crime une nouvelle interprétation d’un de ces nombreux contes traditionnels.
Les enquêteurs ont toujours un temps de retard et ont du mal à saisir la logique (s’il y en a une) du serial killer qu’ils essaient de confondre.
L’enquête, d’abord lente et assez traditionnelle malgré l’originalité du modus operandi, va peu à peu s’accélérer, puis connaître des rebondissements jusqu’à un final réussi.
La place de finaliste de Contes barbares pour le prix SNCF du Polar n’est pas usurpée, bien que je lui ai préféré Amitiés mortelles ou encore Turbulences catholiques.

Contes barbares (Brother Grimm, 2007) de Craig Russell, Le Masque (2008). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Aurélie Tronchet, 406 pages.