Archives de la catégorie ‘Polar scandinave’

Mauvais calcul est un roman d’Anders Bodelsen initialement paru en 1968 au Danemark.

Résumé

Après une journée d’affaires avec ses homologues allemands, Henrik Mörk, cadre d’une grande marque automobile danoise, éprouve le besoin de décompresser. Plutôt que de rentrer chez lui, il va boire un coup dans un bar, et se voit proposer par des jeunes gens d’aller poursuivre la soirée chez l’un deux. Hésitant, Mörk accepte, mais sur place, la soirée vendue comme prometteuse lui file le cafard. Seulement, la maison est isolée, et Mörk n’a pas sa voiture. Un jeune homme, Hostrup, voit qu’il n’a pas bu tant que ça et lui propose de lui prêter son véhicule pour rentrer. A peine parti, dans la nuit et un épais brouillard, les freins donnent des signes de faiblesse. C’est alors que Mörk voit surgir un cycliste et ne peut l’éviter. L’homme meurt sur le coup. Paniqué, il décide de cacher le corps et jette le vélo d’une falaise. Il songe d’abord à aller se rendre au commissariat puis pense à sa femme et à sa fille et change d’avis.

Mon avis

Anders Bodelsen, méconnu en France, est présenté comme l’un des principaux fondateurs de la nouvelle vague du noir scandinave. Né en 1937, il a principalement œuvré dans les années 1960-70 et vu trois de ses romans adaptés au cinéma. Paru en 1968, Hændeligt uheld a connu un certain succès, y compris en France où il a remporté le Grand Prix de Littérature Policière en 1971 dans sa première traduction, Crime sans châtiment, parue chez Stock. Après avoir publié le plus contemporain Rouge encore en 2013, les éditions Autrement décident de donner une seconde vie à ce texte. Ce sera donc Mauvais calcul, dans une nouvelle traduction signée Anne Renon.

On comprend dès les premières pages pourquoi ce roman a connu le succès à l’époque et pourquoi l’éditeur a jugé pertinent de le retraduire. Tenant à la fois du roman noir et du thriller avant l’heure, il est efficace dès son entame, qui plonge le lecteur dans les atermoiements d’un homme ayant involontairement commis l’irréparable (le titre original signifie littéralement « accident fortuit »). Sans l’excuser, on comprend sans mal la conduite d’Henrik Mörk et on en vient à se demander avec lui, comment il va bien pouvoir se sortir de ce mauvais pas. D’autant que l’enquête de police remonte rapidement vers le propriétaire du véhicule, un certain Hostrup. Mörk évite toute sortie au grand jour et se laisse pousser cheveux et moustache, mais cela suffira-t-il ?

Malgré quelques passages moins intéressants (sur le monde automobile ou la construction de la nouvelle maison de la famille Mörk), Mauvais calcul est un suspense encore fringant malgré sa cinquantaine bien sonnée. La psychologie des personnages est particulièrement soignée et le final livre quelques surprises mémorables.

Mauvais calcul (Hændeligt uheld, 1968), d’Anders Bodelsen, Autrement (2014). Traduit du danois par Anne Renon, 375 pages.

1793 est un roman de Niklas Natt och Dag paru chez Sonatine en 2019 dans une traduction de Rémi Cassaigne.

9782355846960oriRésumé

Stockholm, automne 1793.
Un vétéran de la récente guerre russo-suédoise, Jean Michael Cardell, encore mal réveillé de sa cuite de la veille, découvre dans le lac de Fatburen un corps. Enfin, ce qu’il en reste : le corps qui flotte n’a plus ni bras ni jambes. Le chef de la police Norlin décide de confier l’enquête à Cecil Winge, un homme de loi brillant dont les jours sont comptés à cause d’une affection pulmonaire. Un semblant d’autopsie permet rapidement de constater que les blessures de la victime non seulement ne sont pas à l’origine de sa mort, mais que les amputations ont été faites proprement, avec toutes les précautions d’usage.

Mon avis

Premier roman de Niklas Natt och Dag, descendant d’une des plus anciennes familles de la noblesse suédoise, 1793 est présenté par Sonatine comme un « thriller historique ». Sans que cela ne soit tout à fait faux, gageons qu’il conviendra davantage aux amateurs de romans historiques qu’aux aficionados de thrillers purs et durs. Bien que certaines parties s’étirent un peu plus que d’autres, le suspense est présent. Mais l’auteur ne nous fait pas véritablement nous attacher à un personnage pour lequel on frissonnerait véritablement.

Le cadre – la Suède des années 1790 – est en revanche très bien rendu par l’auteur, qui s’est semble-t-il abondamment documenté. L’action se déroule donc quelques années après la guerre qui a opposé les troupes de Gustav III à l’armée russe de Catherine II et l’année suivant la mort du monarque suédois. La Révolution française est dans toutes les têtes et la monarchie suédoise craint une propagation. Le roman, on l’imagine, ne souffre pas d’approximations tant tous les éléments semblent plus vrais que nature. Niklas Natt och Dag explique en fin d’ouvrage qu’il a même vérifié les noms d’époque de chaque lieu mentionné. En outre, il a fait le choix de faire évoluer de vrais personnages historiques, comme le chef de la police Johan Gustav Norlin, aux cotés de ses propres protagonistes.

Le roman se découpe en plusieurs parties, inégales en taille comme en intensité. Mettant en scène divers personnages, on ne saurait en dire beaucoup plus sans faire de révélations dommageables pour le plaisir de lecture. L’intrigue, habilement construite, est globalement de qualité bien que certains pourront lui reprocher quelques longueurs. La confrontation finale est en revanche excellente et l’on se rend compte dans les ultimes pages que l’auteur, roublard, en avait encore gardé sous la semelle.

Efficace et passionnant malgré quelques temps plus faibles, 1793 est un premier roman de très bonne facture, qui rappelle par moments des œuvres telles que Le Parfum ou La Religion, et qui devrait ravir les amateurs de polars historiques.

1793 (1793, 2017), de Niklas Natt och Dag, Sonatine (2019). Traduit du suédois par Rémi Cassaigne, 441 pages.

La Fille-hérisson (Suz) est un roman de Jonas T. Bengtsson paru le mois dernier en Denoël & d’ailleurs dans une traduction du danois d’Alex Fouillet.

510icfs7dilRésumé

Suz a dix-neuf ans. Très fine et toute petite, elle en fait beaucoup moins. Après avoir été ballottée de foyer en famille d’accueil, elle vit enfin seule dans son petit appartement. Sans le sou ou presque, elle chaparde dans les magasins. Alertée par la police de la probable libération de son père, emprisonné pour le meurtre de sa mère, Suz décide de se préparer, physiquement et mentalement, à son éventuel retour. Et commence à dealer pour mettre assez d’argent de côté pour acheter une arme. S’il sort, elle ne veut lui laisser aucune chance.

Mon avis

Suz – c’est le titre original – est donc l’histoire d’une vengeance, méticuleusement préparée. C’est aussi l’histoire d’une gamine trop vite grandie à qui cette chienne de vie n’a pas offert beaucoup de bonheur. Malgré la noirceur de son passé ainsi que celle de ses desseins, Suz garde espoir. Jonas T. Bengtsson nous donne à voir la jeune femme, maladroite avec les autres, avec beaucoup de tendresse et le récit, où l’humour affleure souvent, n’est pas si sombre que le résumé le laisse à penser. Certaines scènes sont assez drôles, comme celle impliquant un chaton que Suz achète pour pouvoir s’entraîner à donner la mort, chose plus compliquée que prévue, surtout s’agissant d’un bébé chat.

Dans cette banlieue de Copenhague où l’avenir semble être au mieux une vague abstraction pour bien des jeunes, Suz commence à dealer, juste parce que c’est la manière la plus simple de mettre beaucoup d’argent de côté, et vite. Sa petite taille et son visage poupin lui permettent de s’infiltrer incognito dans les établissements scolaires pour le plus grand bonheur de son fournisseur. Pour une fois que son mini-format lui est d’un quelconque secours, elle ne s’en plaint pas.

Allant à l’essentiel, ce court roman est une vraie réussite malgré son scénario pour le moins concis. On ne voit pas passer les cent soixante-dix pages, très visuelles, qui pourraient sans aucun doute faire de ce texte efficace un bon film.

La Fille-hérisson (Suz, 2017), de Jonas T. Bengtsson, Denoël/& d’ailleurs (2018). Traduit du danois par Alex Fouillet, 173 pages.

La Forêt des renards pendus est un roman d’Arto Paasilinna datant de 1983.
Il est paru pour la première fois en France en 1994 chez Denoël dans une traduction du finnois d’Anne Colin du Terrail. Il est aujourd’hui disponible en Folio.

41ghlib0l6lRésumé

Suite à un braquage partiellement raté, Rafael Jutunen se retrouve avec un paquet de lingots d’or à disposition et ses deux complices en prison. Mais la belle vie ne va pas durer car ces derniers vont sortir sans tarder et lui réclamer la part qui leur revient. Seulement, Rafael ne compte pas partager et décide, pour ne pas se faire retrouver, de se terrer avec les lingots dans le fin fond de la forêt lapone. C’était sans compter sur un ex-officier alcoolique, une nonagénaire en fugue à qui on ne la fait pas et un renardeau joueur.

Mon avis

Arto Paasilinna est un nom qui parle à tous les amateurs de livres, les personnes qui fréquentent assidûment les rayonnages des bibliothèques et autres librairies. Pour autant, tout le monde n’a pas goûté à la plume de l’espiègle Finlandais et à ses aventures truculentes. Cet opus, paru initialement en 1983 – et traduit en français une dizaine d’années plus tard par Anne Colin du Terrail – tient autant du roman à suspense que de la comédie burlesque.
On prend beaucoup de plaisir à suivre les déboires de Rafael Jutunen, qui de chanceux au départ, va passer plutôt poissard. Le personnage de la vieille dame n’est pas piqué des vers et le trio, voire le quatuor si l’on y intègre « Cinq-cents-balles », le surnom du renard chapardeur, apprend à cohabiter, pour le meilleur, le pire, et le plaisir du lecteur.
À défaut d’être exceptionnels – ils sont même parfois prévisibles – les rebondissements sont souvent drôles et l’imagination malicieuse de l’auteur fait parfois des merveilles.

Écrit il y a vingt-cinq ans, La forêt des renards pendus est un texte qui a bien vieilli et se lit toujours avec grand plaisir. Pour preuve, il vient d’être adapté en bande dessinée par Nicolas Dumontheuil chez Futuropolis et l’adaptation, forcément plus condensée mais fidèle, vaut aussi le détour. Une belle porte d’entrée vers l’univers débridé du Finlandais Arto Paasilinna.

La Forêt des renards pendus (Hirtettyjen kettujen metsä, 1983), d’Arto Paasilinna, Denoël (1994). Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, 272 pages.
En poche en Folio/Gallimard (1996), 216 pages.

41nbfveadzlLes Chiens de chasse est un roman de Jørn Lier Horst paru il y a quelques semaines à la Série Noire. Il est traduit du norvégien par Hélène Hervieu.

Résumé

Il y a dix-sept ans, la jeune Cecilia Linde avait disparu sans laisser de traces – son corps n’a jamais été retrouvé. William Wisting était alors un jeune policier et cette affaire, très médiatique, a contribué à lancer sa carrière. Mais voilà qu’aujourd’hui, Rudolf Haglund, fraîchement libéré, porte plainte contre la police. Selon son avocat, la police aurait falsifié des preuves pour condamner son client pourtant innocent, qui demande réparation pour ces années de prison. En charge de l’enquête alors, la tête de Wisting est mise à prix dans les médias, et sa hiérarchie ne tarde pas à le suspendre. L’enquêteur, qui n’a rien falsifié, n’a plus que deux solutions : trouver qui a manipulé les preuves ou bien, si Haglund est innocent, reprendre l’enquête du début pour trouver le véritable meurtrier de Cecilia.

Mon avis

Après Fermé pour l’hiver, paru l’an dernier, voici Wisting de retour à la Série Noire avec une nouvelle enquête des plus intéressantes, entre passé et présent. Typiquement scandinave dans l’écriture, qui sait prendre le temps qu’il faut pour présenter les personnages comme les faits, Jørn Lier Horst va même un peu plus loin que Henning Mankell ou Arnaldur Indriðason dans le coté procédural sans que cela nuise à la lecture. Les rouages de la police sont parfaitement décrits, tout comme ceux de la presse et les relations qu’entretiennent ces deux corps de métier, tantôt collaborateurs, tantôt presque ennemis. L’auteur maîtrise son sujet, et pour cause : avant d’écrire, il était inspecteur de police !
Le personnage de Wisting, humain et intègre, est attachant, sans avoir toutefois la profondeur d’un Erlendur. Mais il est vrai aussi que les Français découvrent l’inspecteur seulement maintenant, – huitième enquête ici – ce qui change peut-être la donne. Les relations de Wisting avec ses proches sont finement décrites, et celle avec sa fille, jeune journaliste spécialisée dans les affaires criminelles, aura une importance particulière dans cet opus.

Bien que très classique dans le fond comme dans la forme, Les Chiens de chasse parvient à embarquer totalement le lecteur, qui se passionnera sans doute pour cette enquête à multiples rebondissements qui amènera Wisting à reconsidérer certains aspects de ses investigations antérieures.
Un polar scandinave typique, mais du dessus du panier. Norsk kvalitet.

Les Chiens de chasse (Jakthundene, 2012), de Jørn Lier Horst, Gallimard/Série Noire (2018). Traduit du norvégien par Hélène Hervieu, 462 pages.

Allez, assez glandé, avec le retour des beaux jours je vais peut-être réussir à me mettre un bon coup de pied au c*l pour me remettre à écrire régulièrement des chroniques. J’en ai écrit quelques unes (Dark Horse, Psychiko…), mais en attendant, en voici une qui s’était égarée, retrouvée aujourd’hui mais écrite il y a… un an. L’occasion aussi de poursuivre avec mon challenge « Faudrait peut-être songer à A.B.C. ta PAL » (voir ici). Vu que j’aime bien l’Islande, les romans policiers et les enquêtes d’Erlendur, c’eut été simple de choisir Indriđason. Un peut trop d’ailleurs, et vu que j’ai de la ressource, voici un autre auteur de polar islandais en I. ^^

9782021071238L’énigme de Flatey (Flateyjargáta en VO) est un roman islandais de Viktor Arnar Ingólfsson publié au Seuil dans sa collection Policiers en 2013 dans une traduction de Patrick Guelpa. Il est depuis disponible au format poche en Points.

Résumé

Premier juin 1960, au large de l’île de Flatey, Breiðafjörður, Islande.
Le petit Nonni est parti en promenade avec son père et son grand-père, à la recherche de phoques sur la petite île de Ketilsey. À peine ont-ils accostés qu’il est pris d’une envie pressante. En s’isolant pour aller faire ses besoins, il tombe sur le cadavre d’un homme, méconnaissable.
L’enquête peine à trouver l’identité de la victime avant de conclure qu’il s’agit de Gaston Lund, un chercheur danois spécialiste du Codex Flateyensis, plus connu sous le nom de « livre de Flatey », un précieux manuscrit contenant une énigme toujours irrésolue et se présentant sous la forme de quarante questions.

Mon avis

Si les inconditionnels du polar nordique connaissent un peu Reykjavík, Keflavik voire Akureyri grâce à Arnaldur Indriđason, Arní Thorarinsson ou encore Stefan Mani, peu de chances qu’ils aient entendu parler de Flatey avant d’avoir ouvert ce livre. Et pour cause, cette minuscule île (deux kilomètres de long sur un de large) perdue au milieu du Breiðafjörður (grand fjord du nord-ouest de l’Islande) et dont le nom signifie « île plate » en islandais ne compte plus aujourd’hui que cinq habitants l’hiver (et quelques estivants de plus à la belle saison) !

« Quelques rochers isolés constituaient un bon abri en pente : tout près du garçon couvaient deux eiders femelles. Elles ne bougeaient pas et il fallait des yeux exercés pour les discerner dans les mottes de gazon. Un huîtrier pie se tenait sur une pierre et faisait beaucoup de bruit. Son nid n’était probablement pas très éloigné du rivage. Plus loin, sous un énorme rocher, gisait le cadavre d’un gros animal. Nonni avait déjà vu ce genre de choses sur la plage : des baleineaux, de grands phoques gris ou des carcasses ballonnées de moutons qui s’étaient noyés. Mais que ce cadavre-là soit revêtu d’un anorak vert, ça c’était nouveau. »

A l’époque du roman, elle était un peu plus peuplée mais absolument pas préparée à enquêter sur un meurtre. Car si l’on a cru au départ à une noyade, il s’avère vite que Gaston Lund a été tué. C’est pourquoi Elliðagrímur, le bourgmestre de l’île, appelle Kjartan, jeune et inexpérimenté sous-préfet de Patreksfjörður – il vient de se voir confier ce poste – pour les besoins de l’enquête. Laquelle s’annonce compliquée car personne ne semble avoir su que la victime se trouvait sur l’île – pas même ses proches, qui le croyaient resté au Danemark. Peu à peu, grâce au concours de Þormóður Krákur, le sacristain, d’Högni, l’instituteur, et de Jóhanna, la jeune médecin, Kjartan en apprend davantage.

Viktor Arnar Ingólfsson achève chaque chapitre par un extrait du livre de Flatey, ce manuscrit narrant la saga d’Ólafur Haraldsson et d’Ólafur Tryggvason, dont la petite bibliothèque de l’île possédait un fac-similé – l’original, revenu depuis en Islande, étant alors conservé à Copenhague.

L’intrigue n’est pas nécessairement exceptionnelle mais se laisse suivre sans déplaisir, d’autant que l’intérêt du roman réside largement dans son côté dépaysant. Comme Kjartan, le « continental », on s’étonne de l’existence rude et simple des habitants de Flatey, qui vivaient alors principalement de pêche et de chasse. Celle de l’eider dont on récoltait le précieux duvet, et celle du phoque, dont on commerçait la peau et mangeait la viande, souvent accompagnée de pommes de terre et de mörflot (graisse de mouton fondue).

Sans être des plus mémorables, L’énigme de Flatey fera passer un bon moment d’évasion aux lecteurs curieux d’ailleurs, prêts à suivre une enquête assez lente dans une petite île islandaise des années 1960. À consommer de préférence au coin du feu avec un doigt de brennivín.

L’énigme de Flatey (Flateyjargáta, 2002) de Viktor Arnar Ingólfsson, Seuil (2013). Traduit de l’islandais par Patrick Guelpa. Lu en poche aux éditions Points (2014), 377 pages.

Fantôme (Gjenferd), paru à la Série Noire l’an dernier est un roman du Norvégien Jo Nesbø mettant en scène Harry Hole.

Résumé

Après un exil de trois ans à Hong Kong, Harry Hole est de retour en Norvège mais il n’est pas réintégré dans la police locale. Pour autant, cela ne va pas l’empêcher d’enquêter, surtout qu’une affaire brûlante concerne l’un de ses proches. Le fils de son ex Rakel, Oleg, qu’il a vu grandir et pour lequel il a beaucoup d’affection, est accusé du meurtre d’un dealer. Impossible ! Pour Harry, ce ne peut pas être lui. Pourtant, tout – preuves et autres témoignages – semble malheureusement accréditer cette thèse. Qu’à cela ne tienne, Harry va faire tout son possible pour disculper Oleg.

Mon avis

Que dire sur ce roman qui n’ait pas déjà été dit à propos des précédentes enquêtes d’Harry Hole, lesquelles constituent pour l’heure la quasi-totalité de l’œuvre de Jo Nesbø (Chasseurs de têtes excepté) ? Pas grand chose… Dans cette neuvième enquête du plus célèbre des inspecteurs norvégiens, l’intrigue policière n’est pas un simple prétexte à faire évoluer une galerie de personnages, mais bien le cœur du roman en même temps qu’une mécanique redoutablement construite. Les inconditionnels de la série retrouveront donc les protagonistes là où ils les ont laissés à la fin du précédent opus, Le léopard. Comme souvent avec ce type de saga, ces derniers évoluent au fil des romans aussi est-il sans doute préférable de les lire dans l’ordre, bien qu’on puisse tout à fait prendre le train en route.

« – Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, les héroïnomanes tombaient comme des mouches. Mais peut-être les as-tu inclus dans tes prières ? […] – On ne condamne pas les gens qui fabriquent des voitures de sport, des parachutes de base jump, des armes de poing ou d’autres marchandises qu’on achète pour s’amuser et qui vous précipitent dans la mort. Je fournis une chose que les gens veulent, avec une qualité et à un prix qui me rendent concurrentiel. Ce que les clients font de la marchandise, ça les regarde. Tu sais que certains citoyens en parfait état de fonctionnement consomment des opiacées ? – Oui. J’ai été l’un d’eux. La différence entre toi et un fabricant de voitures de sport, c’est que ce que tu fais est interdit par la loi. – Il faut se garder de mêler loi et morale, Harry. »

Au cours de cette enquête, Harry va être de nouveau confronté à l’un de ses anciens démons : la drogue. Il semblerait que l’affaire concernant Oleg soit liée au trafic d’une nouvelle substance ayant émergé à Oslo : la fioline, une sorte d’héroïne qui fait rapidement fureur. Pour en savoir plus, l’inspecteur – qui ne l’est plus officiellement – va se lancer sur les traces du mystérieux « Dubaï », qui, d’après les on-dit, dirigerait ce sinistre trafic mais dont personne ne semble connaître la véritable identité.

On retrouvera aussi dans Fantôme l’efficacité de l’écriture de l’auteur norvégien, nerveuse et visuelle à souhait, tout au service de l’action et du suspense. Très peu de temps morts, si ce n’est pour décrire les affres de certains personnages, parfois en proie aux doutes.

Si vous avez déjà lu un Harry Hole et que vous n’avez pas du tout aimé, vous pouvez sans doute passer votre chemin. Avec Fantôme, Jo Nesbø, égal à lui-même, continue à faire du Jo Nesbø. Mais pourquoi le lui reprocher puisque c’est ce qu’il fait de mieux ? Un opus aussi efficace que les précédents. En attendant le prochain…

Fantôme (Gjenferd, 2011), de Jo Nesbø, Gallimard/Série Noire (2013). Traduit du norvégien par Paul Dott, 546 pages.

Miséricorde (Kvinden I Buret, 2007), est le premier roman du Danois Jussi Adler-Olsen a avoir été traduit en français. Publiée initialement chez Albin Michel en 2011, cette première enquête de Carl Mørck (et du Département V.) est depuis parue au Livre de poche.
Le roman faisait partie des finalistes du Prix Découverte Polars Pourpres.

Résumé

Il y a de cela cinq ans, Merete Lyyngaard, l’une des femmes politiques les plus en vue du Danemark, jolie et promise a une belle carrière – la presse l’évoquait même comme possible Premier ministre – a disparu du jour au lendemain sans laisser la moindre trace. La dernière fois qu’elle a été aperçue, c’était sur un bateau. Alors à défaut de véritable piste on a parlé de fuite à l’étranger ou de suicide dans la mer. L’affaire a d’abord fait couler beaucoup d’encre, avant d’être reléguée au second plan puis quasiment oubliée.
Lorsque l’on impose à Carl Mørck de travailler dans une nouvelle unité chargée d’enquêter sur des affaires délaissées, il choisit d’emblée de se replonger dans ce dossier médiatique. Il se rend compte que l’enquête de l’époque à été un peu bâclée et découvre de nouveaux éléments

Mon avis

Disons le tout de go. Si ce roman n’avait pas été au nombre des finalistes du Prix Découverte Polars Pourpres, je pense bien que je ne l’aurais jamais ouvert. Si j’en avais entendu parler, ce n’était pas une de mes priorités. Et il y a déjà tellement à lire…
Toujours est-il que je l’ai lu et que si je ne vais pas crier au chef-d’œuvre, loin de là, je dois bien dire qu’il ne m’a pas déplu. Tant mieux.

L’intrigue n’est pas des plus exceptionnelles. Elle sent même le déjà lu/vu. La personne disparue depuis longtemps qui est en faite bien vivante mais retenue prisonnière et torturée, c’est pas d’une originalité folle. Non, ne criez pas au spoiler, on le sait dès le début et l’éditeur l’explique même en quatrième de couverture. Le suspense n’est pas non plus à couper le souffle mais l’on se prend quand même au jeu d’essayer de comprendre comment Merete, qui nous est présentée comme une quasi sainte, à réussi à se mettre quelqu’un à dos à tel point qu’il ne semble rien attendre d’autre de la vie que le plaisir de la voir souffrir.

« Malgré ses prévisions pessimistes, la faible lueur persista. Elle distinguait les contours de la pièce et le lent amaigrissement de ses membres. Cette situation, qui pouvait rappeler le noir diffus d’un hiver, dura près de quinze mois, après quoi, tout changea radicalement de nouveau.

Ce fut le jour où elle vit pour la première fois des ombres derrière les vitres des miroirs.

Elle était en train de penser à des livres. Elle y pensait souvent pour éviter d’imaginer la vie qu’elle aurait pu avoir, si seulement elle avait fait des choix différents pour son existence. Penser aux livres la transportait dans un autre monde. Le seul fait de se représenter la sécheresse et la douce texture du papier allumait en elle une flamme de nostalgie. Elle retrouvait l’odeur de la cellulose et de l’encre d’imprimerie évaporée. Mille fois, elle s’était réfugiée en pensée dans sa bibliothèque imaginaire, pour en sortir le seul de tous les livres au monde dont elle était certaine de se souvenir parfaitement et dont elle n’avait pas besoin d’inventer la fin. Ce n’était pas le livre dont elle avait le plus envie de se souvenir, ni celui qui lui avait fait la plus grande impression, mais c’était le seul qui restait intacte dans sa mémoire martyrisée, grâce à des souvenirs bénis de rires sans contrainte.

Sa mère le lui avait lu et Merete l’avait lu à Oluf, et à présent, dans le noir, elle se le relisait toute seule. »

De fait, le point fort de ce roman est plutôt à aller chercher du côté de ses personnages. En plus de Merete, la jeune femme politique enfermée pour de sombres raisons donc, Jussi Adler-Olsen parvient à donner vie à un certain nombre de protagonistes pas inintéressants. Merete n’a pas de vie sentimentale et se consacre entièrement à la politique et à Oluf, son petit frère handicapé mental, qui n’a plus qu’elle depuis la mort de leurs parents dans un accident de voiture.
Du côté des enquêteurs, nous faisons la connaissance de Carl Mørck, qui a été un bon policier mais qui est complètement détruit, en dépression, depuis l’opération policière qui a débouché sur la mort d’un de ses coéquipiers et la paralysie de son binôme, Hardy. Mørck, qui n’y pouvait pas forcément grand chose, ne peut se défaire d’un sentiment de culpabilité profond envers son collègue, coincé dans un lit d’hôpital car atteint du « locked-in syndrom ». Il se rend donc souvent voir Hardy et souffre de voir son ami se laisser mourir…

Le personnage d’Hafez el Assad est lui aussi intéressant. Ne pouvant faire face seul à la charge de travail que lui demande ses supérieurs dans le cadre de l’ouverture du nouveau Département V., Mørck demande de l’aide. On lui met donc dans les pattes ce réfugié syrien à peine bilingue qui doit initialement passer le balai, lui faire du café et l’aider à ranger ses dossiers. Hafez se révèle vite très intelligent, ce que ne manque pas de constater Mørck, qui lui confie peu à peu des tâches de police digne d’un véritable adjoint. De nombreuses zones d’ombre existent quant au passé d’Hafez, dont il ne veut rien dire. M’est avis qu’on en saura plus dans les prochains romans. Plutôt prometteur tout ça…

« Dans le bureaux de l’administration, on passe plus de temps à remplir des formulaires idiots qu’à aider nos concitoyens, tu savais ça Carl ? Je voudrais bien y voir les prétentieux qui nous gouvernent. S’ils étaient obligés de remplir des formulaires pour avoir leurs dîners gratuits, leurs chauffeurs gratuits, leur logement gratuit, leurs indemnités journalières, leurs voyages gratuits, leur secrétaire gratuite et tout le tremblement, ils n’auraient le temps ni de manger, ni de dormir, ni de voyager, ni de rouler en voiture, ni de faire quoi que ce soit. Imagine un peu : si notre Premier Ministre, avant les réunions, était obligé de mettre une croix devant le sujet qu’il allait aborder avec ses ministres ! En trois exemplaires, imprimés à partir d’un ordinateur qui ne fonctionne qu’un jour sur deux. Et si on le forçait à faire valider son texte par un fonctionnaire quelconque avant d’en parler Je suis sûre qu’il en mourrait ! »

[…] Plus de la moitié des citoyens danois auraient aimé se débarrasser du Premier Ministre, et il en serait de même demain, après-demain, et jusqu’au jour où l’on aurait remédié à tous les maux qu’il avait déversé sur le pays et sur ses citoyens. Cela prendrait des décennies. »

Au final, si ce Miséricorde n’est pas non plus exceptionnel il n’en demeure pas moins un honorable roman de procédure policière et une agréable lecture. Lire la suite ne sera pas pour moi une priorité, mais pourquoi pas…
Pour information, il y a déjà deux autres enquêtes du Département V. parues chez Albin Michel : Profanation et Délivrance.

Miséricorde (Kvinden I Buret, 2007), de Jussi Adler-Olsen, Albin Michel (2011). Traduit du danois par Monique Christiansen, 489 pages.

Froid mortel (Sankta Psyko) est le quatrième roman du Suédois Johan Theorin.

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Résumé


Valla, Suède.

Jan Hauger est embauché à La Clairière, une « maternelle » (il ne faut plus dire crèche) couplée à un centre de détention psychiatrique et destinée à accueillir les têtes blondes des patients internés. Les employés du jardin d’enfants n’ont pas le droit d’accéder à l’hôpital, et inversement, les bambins passant par une espèce de sas pour aller d’un bâtiment à l’autre visiter leur parent enfermé.
D’étranges choses se passent de l’autre côté et Jan Hauger est bien décidé à en savoir plus. Mais attention, la curiosité est un vilain défaut…

Mon avis


On commençait à bien connaître Johan Theorin pour sa série de romans consacrés à l’île d’Öland et mettant en scène, comme en fil rouge, le vieux Gerlof Davidsson. L’heure trouble, L’écho des morts et Le sang des pierres, trois petits bijoux de roman d’atmosphère embarquant illico le lecteur dans les brumes de la campagne scandinave, avaient fait forte impression.

Bien que Froid mortel se déroule aussi en Suède, changement radical d’ambiance. Le dossier de presse parle d’un « thriller sombre et machiavélique » et évoque Shutter Island et Vol au-dessus d’un nid de coucou. Forcément, avec de telles références, une attente se crée. Si l’on ne peut que saluer la volonté de l’auteur de sortir, pour une fois, de son cadre habituel, la déception est au rendez-vous.

Même avec beaucoup de bonne volonté, bien difficile de s’attacher au personnage de Jan, aussi charismatique qu’une huître morte. L’un des principes du thriller étant de faire « frissonner » le lecteur de concert avec le protagoniste, c’est déjà mal parti. Bien qu’on en apprend peu à peu sur le (trouble) passé de Jan et sur ses motivations (pas forcément toujours très avouables), le livre met de plus beaucoup de temps à s’installer. L’auteur a lu/vu des thrillers à l’américaine, cela se sent. Il essaie de reproduire le modèle – un serial killer par-ci, une lampe-torche qui s’éteint au mauvais moment faute de piles par-là – mais la sauce ne prend pas vraiment. Le suspense n’est que relatif et il faut attendre le dernier tiers du livre pour commencer à s’intéresser au sort des personnages.

Malgré quelques rebondissements bienvenus, le dénouement, en demi-teinte, achève de laisser le lecteur sur sa faim. On retiendra quand même certaines réflexions intéressantes, sur la solitude par exemple, et quelques beaux passages – Theorin a une vraie plume, c’est indéniable.

Beaucoup d’attente au départ, et une réelle déception à l’arrivée pour ce nouveau Johan Theorin. Après cette tentative de thriller psychologique guère convaincante, espérons que le Suédois revienne à ce qu’il sait faire de mieux : les romans d’atmosphère se déroulant sur l’île d’Öland (ou pas d’ailleurs). Rendez-nous Gerlof !



Froid mortel
(Sankta Psyko, 2011), de Johan Theorin, Albin Michel (2013). Traduit du suédois par Rémi Cassaigne, 448 pages.

Bettý, publié en Islande en 2003 sous le même titre, est un roman noir d’Arnaldur Indriðason paru aux éditions Métailié fin 2011.
Contrairement à tous les romans de l’auteur traduits jusqu’à présent en français, il ne fait pas partie de la série consacrée au commissaire Erlendur.

BettyRésumé

Cette histoire est de celles où l’on sait dès le départ qu’elle va mal se terminer. Dès les premières lignes, le personnage principal nous explique que s’il est actuellement en détention provisoire dans la prison de Litla-Hraun (la plus grande d’Islande), c’est à cause de Bettý. Il se demande s’il aurait pu empêcher ça, mais c’est trop tard. Bettý l’a pris dans ses filets et, aveuglé par son amour, il n’a rien vu venir.

Mon avis

« Aurais-je pu prévoir cela ? Aurais-je pu me rendre compte de ce qui se passait et me protéger ? Me retirer de tout cela et disparaître ? Je vois, maintenant qu’on sait la façon dont tout ça s’est combiné, que j’aurais dû savoir où on allait. J’aurais dû voir les signaux de danger. J’aurais dû comprendre bien plus tôt ce qui se passait. J’aurais dû… J’aurais dû… J’aurais dû… »

Délaissant le temps d’un livre (originalement publié en 2003) la série qui lui a valu une renommée mondiale et de nombreux prix prestigieux, Arnaldur en profite pour rendre hommage au roman noir qu’il affectionne. S’affranchissant totalement du célèbre commissaire Erlendur et de ses collègues – un petit clin d’œil mis à part, il n’a pas pu s’en empêcher – il nous livre une adaptation très personnelle du classique qu’est Le facteur sonne toujours deux fois, texte fort et plusieurs fois porté à l’écran sous divers titres (Les amants diaboliques, Le dernier tournant, ou tout simplement avec le même nom). L’auteur ne cache pas sa source d’inspiration, citant James M.Cain en exergue.

« Elle était là. Elle était arrivée en retard et je l’avais tout de suite remarquée parce qu’elle était… merveilleuse. Merveilleuse dès l’instant où je l’ai vue pour la première fois entrer dans la salle, au crépuscule. Derrière elle, la lumière du couloir lui faisait un halo, comme à une star de cinéma. Elle n’avait aucune crainte de se montrer féminine comme nombre d’autres femmes ; il y en avait une dans la salle qui était en anorak, assise avec les jambes sur le dossier de la chaise la plus proche. La femme qui se tenait dans l’embrasure de la porte, elle, avait une robe moulante avec de minces bretelles qui laissaient voir de gracieuses omoplates, son abondante chevelure brune lui retombait sur les épaules et ses yeux étaient enfoncés, bruns avec une pointe de blanc qui étincelait. Et lorsqu’elle souriait… »

 
En principe, le lecteur de polar un tant soi peu connaisseur sait donc déjà tout de l’histoire : la femme fatale va mettre le grappin sur l’amant pour abréger la vie du mari. Et il n’est pas loin d’avoir tout bon.

« Il y avait quelque chose en elle qui m’intriguait et je crois savoir ce que c’était. Elle avait une assurance et une prestance qu’à ce moment-là je ne m’expliquais pas. Pour elle, tout cela était une pièce qu’elle avait déjà jouée auparavant. Elle était très consciente de sa beauté et l’avait probablement toujours utilisée pour obtenir ce qu’elle voulait. Je connais peu de femmes aussi conscientes de la force que leur confèrent la beauté et le sex-appeal. Toute sa vie, elle avait mené les gens par le bout du nez et elle était tellement habile qu’on ne s’en apercevait que lorsqu’on se retrouvait dans ses bras. »

Lors d’une de ses conférences, le personnage principal, avocat spécialisé dans le droit maritime et la pêche, rencontre Bettý et succombe immédiatement à ses charmes. La magnifique et vénéneuse jeune femme lui propose alors de travailler pour son mari, un richissime armateur. Le narrateur n’est pas au bout de ses peines.

« Avant, je l’aurais peut-être méprisée de penser ainsi mais, depuis, je savais de quoi elle parlait. Je la comprenais. Je comprenais ce qu’elle racontait sur le niveau de vie et la fortune, les richesses qui vous permettent de vivre comme des rois et de vous débarrasser de tous les soucis quand vous ne pouvez pas vous payer telle ou telle chose. Et elle était Bettý. Pour moi, il n’y avait pas moyen de mépriser Bettý. Au contraire. Je m’empêtrais de plus en plus dans sa toile. C’était notre lune de miel et elle m’aveuglait jusqu’à me cacher le soleil. Je l’adorais. »

Tout semble cousu de fil blanc et pourtant, à la moitié du roman, Arnaldur assène un énorme rebondissement venu de nulle part qui laissera plus d’un lecteur pantois, sous le choc. A se demander comment, alors qu’on croyait tout savoir, l’auteur a pu nous mener aussi astucieusement par le bout du nez pendant une centaine de pages.

«  –  Je pense parfois à un accident, dit-elle en regardant son doigt. Il y a des gens qui meurent dans des accidents de voiture. Il y en a d’autres qui font une chute lors d’une escalade en montagne. Ou qui sont victimes d’une balle perdue. Qui tombent dans une rivière. Qui ont un os de poulet qui se coince dans la gorge. Il y a tout le temps des gens qui meurent. Sur qui ça tombe ? C’est le hasard. Il n’y a aucune règle là-dedans. Il n’y a qu’à aider un peu le hasard. »

Avec Bettý, roman noir hommage construit avec machiavélisme, Arnaldur nous dévoile une nouvelle facette de son immense talent. Puisqu’il s’agit d’un exercice de style brillamment accompli, on accordera à l’élève une excellente note pour ce coup de maître.
On saluera aussi au passage le superbe travail du traducteur, personnage de l’ombre que l’on ne remercie jamais assez, Patrick Guelpa.

 


 

Bettý (Bettý, 2003) d’Arnaldur Indriðason, éditions Métailié / Noir (2011). Traduit de l’islandais par Patrick Guelpa, 198 pages.