Articles Tagués ‘Bande dessinée’

Chien hurlant , fraîchement sorti de La Boîte à Bulles est la première bande dessinée en solo de Mélissa Morin.

Résumé

Tyler D. commence à être connu sur les réseaux sociaux. Ses vidéos de « tape », comprenez de combats à mains nues entre adolescents, sont largement suivies. Dans la vraie vie, Tyler D. est Andreas, un collégien mal dans sa peau qui peine à contenir ses émotions quand on le contrarie. Malgré un intérêt pour l’école et des bonnes notes, il est rattrapé par ses problèmes, familiaux notamment. À la maison, sa mère a autorisé son père à revenir. Il aurait arrêté de boire, enfin, c’est ce qu’il promet. Andreas n’y croit pas une seconde et la cohabitation est difficile.

Mon avis

Née au Pays Basque en 1988, Mélissa Morin a d’abord été designer dans la mode. À 28 ans, elle se lance dans la BD et dessine l’album Céphéide avec Clotilde Bruneau. Dans son premier ouvrage en solo, qui vient de paraître à La Boîte à Bulles, elle met en scène un adolescent plus isolé qu’il n’y paraît qui glisse dans une spirale infernale en croyant trouver dans la violence un exutoire à ses problèmes.

Le propos est à la fois on ne peut plus actuel et effrayant. Les réseaux sociaux ne sont pas un drame en soi mais on voit régulièrement que des jeunes y perdent pied, surtout lorsque les parents sont absents ou tout comme. Ajoutez à cela ici de vrais problèmes familiaux et vous obtenez un cocktail de galères à venir pour Andrea. Heureusement, il n’est pas tout à fait tout seul. Les enseignants tentent de le recadrer, et surtout, il peut compter sur son oncle paternel, un musicien vivant avec ses chiens dans sa caravane parmi les gens du voyage. Le dessin est efficace et plutôt classique, sauf lorsque les montées de stress d’Andreas, amenant ses comportements violents, sont représentées par des… chiens hurlants.

Une BD parfois dure mais jamais désespérée qui s’interroge sur les causes de la violence et les réponses qu’on peut apporter pour dompter ses démons intérieurs.

Chien hurlant, de Mélissa Morin, La Boîte à Bulles (2022), 128 pages.

Proies faciles est une bande dessinée de Miguelanxo Prado parue chez Rue de Sèvres l’an dernier.
Elle est traduite de l’espagnol (Galice) par Sophie Hofnung.

51fce0pcdblRésumé

Madrid, de nos jours.
Juan Rivas, trente-sept ans, est retrouvé sans vie dans son appartement. Pas de traces de lutte, pas de lettre d’adieu. Peu après, une femme s’écroule dans un salon de coiffure. Puis un homme succombe dans les vestiaires d’une salle de sport. On n’y voit d’abord aucun lien. L’inspectrice Tabares aidée de son adjoint Sotillo, sont mis à contribution et découvrent rapidement que toutes les victimes travaillent dans une banque. Un tueur en série de banquiers serait-il à l’œuvre ?

Mon avis

Bien que je lise beaucoup de BD, je les chronique rarement il est vrai, faute de temps à y consacrer (surtout rapporté au temps de lecture). Mais celle-ci vaut assurément qu’on en parle.

Très belle découverte que cette bande dessinée noire du Galicien Miguelanxo Prado. L’originalité de l’intrigue happe le lecteur en un instant. Bien qu’une partie du mystère soit vite levée, ce qui permet à l’auteur de dresser un bilan calamiteux de la gestion des grandes banques espagnoles, les rebondissements se succèdent et la tension demeure forte jusqu’aux ultimes révélations. Les superbes dessins de Miguelanxo Prado sont un régal pour les yeux et – surtout pour qui ne parvient pas à s’y attarder en raison du suspense – font que l’album mérite, rien que pour eux, une seconde lecture.

Dans la veine du fameux Couperet de Donald Westlake, Miguelanxo Prado signe une BD noire ambitieuse et engagée de grande qualité. À découvrir absolument !

Proies faciles (Presas Fáciles, 2016), de Miguelanxo Prado, Rue de Sèvres (2017).
Traduit de l’espagnol (Galice) par Sophie Hofnung, 96 pages.

Pour inaugurer ce « nouveau » blog, une fois n’est pas coutume, une chronique sur une BD (je ne prends plus trop le temps d’en faire), que j’ai beaucoup aimée.
Quatre couleurs est une bande dessinée assez originale de Blaise Guinin parue en mai 2014 aux éditions Vraoum !

Résumé

Pierre et Grégoire, deux étudiants pas très bosseurs, décident de passer un pacte. Pour un de leurs cours, ils échangent leurs identités afin que chacun ait des bonnes notes à l’examen qui correspond à la spécialité de l’autre. Tout semble simple sur le papier sauf qu’en changeant d’identité pour leur cours, tout ne va pas se passer comme prévu. Surtout quand les filles et les histoires de cœur s’en mêlent…

Mon avis

« Un stylo quatre couleurs. Voici tout ce qui subsistait de mon année de fac. J’ai commencé à dessiner n’importe quoi à l’aide de cet instrument. Ce qui me passait par la tête… Sans but précis, je m’appliquais à tracer des traits. Bleus, noirs, rouges, verts. Aléatoirement. Puis, peu à peu, le brouillard qui enveloppait ma conscience s’est dissipé. Tous les événements que ma mémoire avait refoulés me revenaient en pleine figure.
C’est ainsi que commence Quatre couleurs, petite pépite parue chez l’éditeur Vraoum dans sa collection Autoblographie – l’objet-livre lui-même est très beau. Blaise Guinin, seul maître à bord, a fait un choix osé et assez rare pour être signalé : faire coller de manière imparable la forme et l’histoire. En effet, quoi de mieux pour dessiner une histoire dans laquelle un stylo quatre couleurs joue un rôle important que de n’utiliser que ledit stylo. Le bic n’est pas forcément l’arme de prédilection des dessinateurs de BD mais force est de constater qu’on peut faire de belles choses avec ce crayon tout bête. L’auteur jongle habilement avec ces quatre couleurs (cinq avec le blanc) mêlant à des traits précis des fonds, unis ou bariolés, réalisés à coups de traits de crayon. Chaque chapitre de l’histoire commence par une couleur : « Noir comme… » ; « Vert comme… », et les jeux de mots colorés ne sont pas en reste mais Blaise Guinin ne nous en fait jamais voir de toutes les couleurs.

L’histoire paraît de prime abord plutôt banale. L’auteur semble prendre du plaisir à revivre par l’intermédiaire de ses personnages ses années de fac. Il retranscrit bien l’oisiveté estudiantine, Grégoire étant davantage préoccupé par les jolies étudiantes et les soirées arrosées que par la validation – enfin – d’une année de licence, ce que souhaiterait son père, qui commence à perdre patience. La drague d’amphi, les fantasmes sur l’inconnue de la BU ou la prof canon, tout cela est bien rendu. Mais quid du polar alors ?

Ce n’est que dans le dernier quart du livre qu’on commence à y voir plus clair. Et lorsque la chute arrive, on se rend compte que le scénario est vraiment costaud et que Blaise Guinin nous a bien eus. À tel point qu’une deuxième lecture n’est pas superflue pour apprécier sous un nouvel éclairage la virtuosité du scénario et de sa construction…

Avec Quatre couleurs, Blaise Guinin signe une bande dessinée réussie à tous points de vue mettant une technique originale et maîtrisée au service d’une intrigue particulièrement retorse. Espérons qu’on revoie bientôt Blaise Guinin à l’œuvre, car des BD comme ça, on en redemande.

Quatre couleurs, de Blaise Guinin, éditions Vraoum ! (2014), 140 pages.

Poulet aux prunes est une bande dessinée de Marjane Satrapi (auteure révélée au grand public avec Persépolis, BD dont elle a tiré un film à succès) parue en 2004.

Ce livre a reçu le prix du meilleur album au festival BD d’Angoulême 2005.

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En effet, si l’Iran et la famille de l’auteur sont de nouveau les principaux sujets de Poulet aux prunes, l’auteur explore ici de nouvelles voies de narration qui en font probablement son meilleur livre. Ou comment entrer dans le for intérieur de Nasser Ali Khan, qui a décidé de se laisser mourir car sa femme lui a cassé son Tar, son instrument de musique inégalable…

Mon avis

Cette BD est vraiment particulière. On connait dès le début la chute de l’histoire, et pourtant, on continue la lecture avec curiosité. Le livre est construit sur une succession de flash-back nous permettant de comprendre petit à petit ce qui pousse Nasser Ali à vouloir se laisser dépérir.
On retrouve l’ambiance de Persépolis avec ces dessins reconnaissables, en noir et blanc, mais l’intrigue est cette fois toute autre, bien que Satrapi nous parle toujours de sa famille (plus éloignée ce coup-ci).
Pour beaucoup, il s’agit de l’œuvre la plus réussie de Satrapi. Personnellement, j’ai du mal à les hiérarchiser : elles sont différentes et bonnes toutes les deux.

Poulet aux prunes, de Marjane Satrapi, L’Association (2004), 88 pages.

Garduno, en temps de paix et Zapata, en temps de guerre sont deux bandes déssinnées complémentaires de Philippe Squarzoni, qui sont à la fois une  autobiographie et une réflexion sur le monde d’aujourd’hui (mondialisation, rapports Nord/Sud, …).

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Il y a, au Mexique, un village dont le nom a été oublié par les cartes de voyage. Les paysans qui l’habitent disent qu’il s’appelle Garduno, en temps de paix… et Zapata, en temps de guerre.

Mon avis

Je conseillerai volontiers ce livre aux personnes (trop nombreuses) ayant une vision stéréotypée sur la BD,  la limitant bien souvent à l’action et au sexe. Squarzoni (tout comme Davodeau, dans le même genre), est un auteur que j’apprécie particulièrement  car il utilise la bande dessinée pour nous parler des problèmes du monde d’aujourd’hui, et ce avec talent. Lorsque c’est bien fait, comme c’est le cas ici, ce genre de théories passe beaucoup mieux en BD que dans un essai (souvent plus long et/ou rébarbatif).

Les dessins, un peu particuliers, peuvent rebuter un peu au départ, mais on s’y fait vite.
Le propos est éclairant, et me paraît être à lire quand bien même on ne partagerait pas les convictions de l’auteur. Squarzoni nous parle de la mondialisation, nous donnant des chiffres intéressants, confrontant des situations. Certains trouveront sûrement sa vision du monde pessimiste. Pour ma part, je dirais qu’il est juste réaliste, voire plus clairvoyant que la moyenne.

Garduno, en temps de paix, de Philippe Squarzoni, Les Requins Marteaux (2002), 128 pages.
Zapata, en temps de guerre, de Philippe Squarzoni, Les Requins Marteaux (2003), 169 pages.

Persepolis est une bande dessinée autobiographique de Marjane Satrapi, une jeune Iranienne francophone.
D’abord parue en quatre volumes chez L’association, l’éditeur a ressorti le livre en un seul volume à l’occasion de la sortie de l’adaptation cinématographique dont j’ai précédemment parlé (voir ici).Cette bande dessinée, devenue un classique du genre en quelques années a obtenu de nombreux prix parmi lesquels :
– Coup de cœur – Angoulême 2001.
– Meilleur scénario – Angoulême 2002.
– Attention Talent Fnac février 2001.

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À travers le récit de son adolescence et de ses premiers pas d’adulte, Marjane Satrapi raconte la destinée de l’Iran depuis la prise du pouvoir par les partisans de Khomeiny, en 1979. De la révolution islamique au conflit avec l’Irak, elle met en scène l’emprise croissante des religieux et les bouleversements dans la vie de tous les jours avec sensibilité et humour.

Mon avis

Cette bande dessinée a tout pour rester dans l’histoire. Des dessins originaux, avec une bonne utilisation du noir et blanc, mais surtout une histoire hors du commun, tantôt émouvante tantôt drôle. Marjane Satrapi, se lamente très peu sur elle même et fait preuve d’un humour à toute épreuve. A la lecture de ce livre on est parfois en colère, parfois triste, parois plié en deux. Et que dire du personnage de la grand-mère, prenant la vie avec humour, mais aussi avec sérieux et autorité quand il le faut. C’est vraiment une BD qu’un bédéphile sérieux se doit de lire au moins une fois je pense. Et à ceux qui ont des a priori sur la BD, comme étant une sous-littérature ou je ne sais quoi, je leur dirait de lire Persepolis et de revenir me dire que c’est de la sous-littérature.
Bien des romans font pâle figure à côté de ce livre puissant.

Persepolis, de Marjane Satrapi, L’Association (2007), 352 pages, pour la présente édition.
Première édition en 4 volumes à L’Association, de 2000 à 2003.