Vaincre à Rome est un roman de Sylvain Coher paru chez Actes Sud en août dernier.
Résumé
Rome, samedi 10 septembre 1960, 17h30.
Avec son coach suédois, qu’il surnomme « Papa », sur les hauts plateaux éthiopiens, il a préparé son marathon à la perfection, à l’abri des regards. Aujourd’hui, nous y sommes, c’est le grand jour. Son grand jour, si tout se déroule comme prévu. Il faudra ne pas partir trop vite, et se méfier de Radi, le terrible concurrent Marocain. Sauf que lui, Abebe Bikila, décide de ne rien faire comme prévu, en enlevant ses chaussures avant même le départ. S’il gagne, Papa ne pourra rien dire. Et vaincre à Rome, vingt ans après la prise d’Addis-Abeba par Mussolini, et pieds nus de surcroît, ce serait comme vaincre mille fois.
Mon avis
Tous les passionnés de sport ont déjà entendu parler d’Abebe Bikila, ce valeureux soldat éthiopien, premier athlète noir à gagner le marathon olympique. Et pieds nus s’il vous plaît ! En effet, pour lui qui a toujours couru comme ça dans sa jeunesse en Éthiopie, les chaussures sont plus gênantes qu’autre chose et source d’ennuis potentiels, à commencer par les ampoules.
Auteur d’une dizaine de romans depuis 2002, Sylvain Coher est un auteur assez touche-à-tout dans les thématiques qu’il aborde. Avec Fidéicommis (Naïve, 2006, Prix du roman de la ville de Carhaix), il se frottait à la question de la paternité via une histoire d’héritage quelque peu tordu. Nord Nord Ouest (Actes Sud, 2015, Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs) était un huis clos sur un bateau traversant la Manche mettant en scène un couple qui veut mettre les voiles et une adolescente qu’on imagine fugueuse. L’auteur a même flirté avec le polar avec ses Trois cantates policières.
Ici, il s’attaque au sport par le biais de la performance historique d’Abebe Bikila.
Sylvain Coher prend un parti pris narratif fort, un peu déroutant au départ mais qui a le mérite de rendre cette course de 42,195km intéressante jusqu’au bout, quand bien même on sait déjà qu’il va le remporter, ce fameux marathon de Rome. Grâce à l’usage de la première personne du singulier, nous sommes dans la tête et dans le corps d’Abebe tout au long de la course.
Ce procédé est intéressant et bien employé dans l’ensemble mais pose aussi quelques questions si l’on s’attache au côté vraisemblable du personnage. Certains passages sur l’anatomie et la biomécanique humaine lors de l’effort sont très précis. Ils sont intéressants mais on ne peut s’empêcher de se demander si Abebe, jeune soldat de la garde impériale éthiopienne né en 1932, avait ces connaissances. On peut en douter, ce qui ne l’empêchait pas de courir mieux que tous les autres sur cette distance – le roman ne l’évoque pas mais il remporta aussi le marathon des J.O. de Tokyo quatre ans plus tard.
Né le jour-même du marathon des Jeux Olympiques de Los Angeles avant d’en remporter deux et de mourir jeune et paraplégique après un terrible accident de la route, Abebe Bikila a connu une destinée hors-du-commun à tous les égards. Pas étonnant que certains, à commencer par Sylvain Coher, aient décidé de s’emparer de ce matériau historique épique. À l’instar de Lola Lafon avec son ouvrage sur Nadia Comăneci, Vaincre à Rome est un roman penchant par certains aspects du côté du documentaire. Bien écrit, il n’est peut-être pas très accessible aux personnes éloignées de la littérature classique.
Vaincre à Rome, de Sylvain Coher, Actes Sud (2019), 176 pages.