Articles Tagués ‘Denoël / Sueurs froides’

Un Vent de cendres est un roman de Sandrine Collette paru chez Denoël en 2014.
Je l’ai écouté dans sa version audio (CdL éditions) interprétée par Kriss Goupil.

51zdwup5p-lRésumé

Malo et Camille sortent à peine de l’adolescence et décident de faire leurs premières vendanges ensemble, histoire de mettre un peu d’argent de côté. Sur place, le travail ne manque pas et frère et sœur ne mettent pas le même cœur à l’ouvrage. Elle bosse pour deux avec une motivation qu’elle ne se soupçonnait même pas tandis qu’il ronchonne en espérant que ça se termine au plus vite.
Chaleur, fatigue, vin, contremaître sévère, propriétaire sinistre… Tous les éléments sont réunis pour que la tension monte, ce qui ne manque pas d’arriver. Malo s’emporte et disparaît.
Mais qu’il ne soit pas de retour le lendemain, ça, Camille ne peut pas le concevoir. Il ne lui aurait jamais fait ça, pas sans la prévenir. Pour elle, c’est obligé, il s’est passé quelque chose.

Mon avis

Après le succès de son premier roman, Des nœuds d’acier, huis clos efficace rappelant Misery, et avant les nombreux autres titres qu’on lui connaît désormais, à commencer par les très bons Les Larmes noires sur la terre et Juste après la vague, Sandrine Collette nous proposait en 2014 ce deuxième roman. Elle a d’ailleurs commencé à l’écrire avant la sortie en librairie et la fortune du premier, lauréat du Grand Prix de Littérature policière en 2013, ce qui lui a, dit-elle, évité de trop angoisser durant la phase d’écriture. S’il est toujours rural, on change ici de décor, quittant les montagnes pour les plaines de la Champagne. Le quotidien des vendanges y est bien décrit – ça sent le vécu – et les personnages sont globalement réussis, aussi bien les principaux que les seconds couteaux.

Le roman démarre sur les chapeaux de roues avec une atroce scène d’accident de voiture d’anthologie. S’ensuit l’arrivé des deux jeunes au domaine et leur découverte du travail, des autres vendangeurs et des habitués des lieux. C’est ensuite que l’air devient électrique et que la tension commence à monter petit à petit pour ne plus vraiment redescendre avant le final, surprenant, et un épilogue d’une rare noirceur.
Camille a une grande force de caractère, avec sa volonté farouche de tout faire pour retrouver son frère. Octave, le propriétaire des lieux, est mystérieux à souhait et son attirance soudaine pour Camille est immédiatement dérangeante aussi bien pour la jeune fille que pour le lecteur. Malgré la différence d’âge et son physique abîmé, elle éprouve des sentiments contradictoires à son égard et bien difficile de savoir comment tout cela va bien pouvoir se terminer.

Les ingrédients pour un grand roman semblent au rendez-vous. Difficile alors de savoir pourquoi Un vent de cendres a du mal à convaincre. Peut-être parce qu’on peine, malgré leur qualité, à s’attacher aux personnages. Au point d’être le moins abouti des romans de l’auteur ? Chacun se fera son avis.

Évoquant quelque part La Belle et la Bête, Un Vent de cendres est un thriller glaçant auquel il manque un petit quelque chose pour en faire un grand roman. Au vu du texte et de l’écriture, on ne peut que se demander si le nom d’un des chevaux, Moloch, n’est pas un clin d’œil au roman de Thierry Jonquet.
Profitons de ce billet pour signaler la sortie récente, toujours chez Denoël, d’un nouvel opus de Sandrine Collette : Animal.

Un Vent de cendres, de Sandrine Collette, Denoël/Sueurs Froides (2014), 272 pages.
Écouté dans la version audio, CdL éditions (2015), interprétée par Kriss Goupil, 6h40mn.

Gangs of L.A. (IQ) est un roman de Joe Ide qui vient de paraître chez Denoël dans une traduction de Diniz Galhos.

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Calvin Wright a.k.a. « Black the Knife » est l’un des rappeurs les plus en vue de la côte Est. Il a collectionné les disques d’or et de platine. Mais sa femme l’a quitté, il n’a plus goût à grand-chose, plus d’inspiration… Pire, depuis qu’un énorme pitbull s’est introduit dans sa propriété et l’a attaqué, il est persuadé qu’on veut le tuer. Il reste cloîtré chez lui et fait appel à Isaiah Quintabe, dont il a entendu parler en bien. Il lui promet une forte récompense s’il parvient à trouver qui veut attenter à ses jours. IQ, jeune homme aux cellules grises on ne peut plus alertes, accepte immédiatement. Cette offre généreuse est une aubaine : il a besoin d’argent.

Mon avis

Gangs of L.A. est le premier roman de Joe Ide, passionné de littératures policières – il est semble-t-il un inconditionnel de Sherlock Holmes – ayant grandi dans les quartiers populaires de Los Angeles. On comprend aisément, de par la teneur du roman, qu’il est le premier d’une série qui verra Isaiah Quintabe résoudre d’autres enquêtes. Le fil rouge est la recherche de l’auteur de la probable tentative d’assassinat du rappeur mais le roman est émaillé de petites intrigues parallèles où IQ fait parler son flair. Par un habile jeu de va-et-vient entre les époques, on en apprend davantage sur les raisons ayant amené le jeune surdoué à laisser tomber ses études puis, à vouloir enquêter à son propre compte. À commencer par la mort de son grand frère, qui l’élevait et qui était tout pour lui. En effet, Marcus a été criblé de balles au coin d’une rue depuis une voiture ayant immédiatement pris la fuite. Assassiné sous les yeux d’Isaiah sans qu’il ne puisse rien faire pour le sauver. La police n’a fait aucun progrès significatif sur le dossier et le meurtre est resté depuis impuni.

Le personnage du rappeur dépressif, bien que caricatural en un sens, est assez marquant et certaines scènes, très visuelles, sont truculentes, comme celle où il entasse tous ses objets hors de prix afin d’en faire un bûcher sous le regard interloqué des membres de son crew. La relation aussi amicale que conflictuelle entre IQ et Dodson, son ex-colocataire, dealer notoire, est intéressante et il y a fort à parier qu’ils n’ont pas fini de se chamailler tout en s’entraidant régulièrement.

Peut-être IQ manque-t-il un peu de charisme pour en faire un personnage vraiment mémorable mais le roman se lit avec plaisir. Joe Ide nous offre avec Gangs of L.A. un bon moment de divertissement et les lecteurs convaincus par cet opus initial pourront vraisemblablement retrouver Isaiah Quintabe dans de prochaines aventures puisqu’un troisième tome paraîtra bientôt aux États-Unis.

Gangs of L.A. (IQ, 2016), de Joe Ide, Denoël (2019). Traduit de l’anglais (Etats-UNis) par Diniz Galhos, 400 pages.

Que le diable soit avec nous (The Devil Crept In) est un roman d’Ania Ahlborn paru chez Denoël dans la collection Sueurs froides en février 2018, dans une traduction de Samuel Sfez.

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Deer Valley, Oregon.
Steve Clark et Jude Brighton sont comme cul et chemise bien qu’il leur arrive parfois de se disputer. Lorsque Jude disparaît, la police pense à une fugue. Steve est inquiet à plus d’un titre. Non seulement son copain a disparu, mais il est aussi persuadé qu’il n’a pas quitté le domicile familial de son plein gré. Il n’aurait pas fait ça sans le prévenir, c’est sûr.
On se met à sa recherche, des battues sont organisées, des affiches collées en ville… Et dans certaines conversations, ressurgit une vieille histoire : celle d’un enfant retrouvé trucidé une dizaine d’années plus tôt, dans le même secteur.

Mon avis

Une énième histoire de disparition ? C’est ce que pourrait laisser penser le début du résumé de l’éditeur, malheureusement trop bavard dans sa seconde partie puisse qu’il divulgâche des éléments importants de l’intrigue qui n’interviennent pas avant d’avoir bien entamé sa lecture.

Plus qu’une enquête policière stricto sensu, Que le diable soit avec nous a plutôt à voir avec des œuvres que beaucoup aimaient à lire ado : les histoires horrifiques façon Stephen King, Dean Koontz ou autres Graham MastertonAnia Ahlborn ne cache d’ailleurs pas son admiration pour le célèbre auteur du Maine.

La disparition de Jude (re)met en lumière des éléments troublants se déroulant dans la région. Pourquoi n’y a-t-il presque pas d’animaux de compagnie à Deer Valley ? Où disparaissent donc ces chats et ces chiens ? Qui vit dans cette maison à la sortie de la ville, tellement sinistre que les enfants des environs la croient hantée ? Par petites touches, la romancière instille des éléments inquiétants et le doute dans l’esprit du lecteur. Si le procédé est classique, il est ici bien maîtrisé. Dans un second temps, le récit bascule dans une dimension sinistre et quasi surnaturelle, bien que plusieurs niveaux de lecture soient possibles, à la réflexion. Le fait qu’on suive l’histoire aux côtés de Steve, qui voit le monde à travers ses yeux d’enfant, ajoute sans doute au côté anxiogène de ce qui se passe à Deer Valley.

Redoutable d’efficacité et effrayant, Que le diable soit avec nous est un de ces romans d’horreur qu’on peut difficilement lâcher en cours de lecture… surtout avant d’éteindre sa lampe de chevet.

Que le diable soit avec nous (The Devil Crept In, 2016), d’Ania Ahlborn, Denoël/Sueurs froides (2018). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Samuel Sfez, 352 pages.

Là où vivent les loups est un roman de Laurent Guillaume paru dans la collection Sueurs Froides de chez Denoël le mois dernier.

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Priam Monet est inspecteur à l’IGPN, la police des polices. On l’envoie à Thyanne dans les Alpes pour un simple contrôle de routine. Tout se passe d’abord à peu près comme prévu, avant que le corps d’un migrant soit retrouvé mort au pied d’une falaise. Pour beaucoup, l’enquête aurait été close avant de commencer. Oui, mais voilà, Monet est de la trempe des bons flics, et son petit doigt lui dit de creuser. Et s’il ne s’agissait pas d’un accident ? Et si la victime n’était finalement pas un migrant ?

Mon avis

Obèse, antipathique au possible et même content de ne pas plaire à tout le monde, ou plutôt à personne, Priam Monet ressemble en certains points à l’excellent Vertigo Kulbertus récemment mis en scène par Franz Bartelt dans Hôtel du Grand Cerf – la truculence des réparties et les curieuses habitudes alimentaires en moins. Il s’avère que Monet, flic coriace comme on n’en fait plus beaucoup, en plus d’être efficace, est un peu moins invivable qu’il n’y paraît, pour peu qu’on parvienne à faire craqueler cette carapace tannée par les ans et les déconvenues en tous genres.

Avec ce huitième opus, Laurent Guillaume, auteur du remarqué Doux comme la mort entre autres, ne révolutionne assurément pas le genre. Cependant, l’intrigue passionne dès le départ et connaît de nombreux développements, parfois assez inattendus pour prendre le lecteur de court. La thématique des migrations vers l’Europe – transalpines ici – est rarement mise à l’honneur. Surtout, l’auteur, ancien policier de son état, montre ses « collègues » à l’œuvre de manière on ne peut plus réaliste, bien loin des Experts, qu’ils soient de Manhattan, de Miami ou d’ailleurs. Monet aura fort à faire pour faire parler les habitants de cette petite ville où des secrets anciens semblent bien gardés et où personne n’a intérêt à froisser les potentats locaux. Pour progresser, l’inspecteur devra se faire épauler, et le personnage de la journaliste Marie Cadoux est à ce titre intéressant. Monet fuit les gratte-papiers. Mais s’ils peuvent être utiles et que l’enquête stagne, le pragmatisme peut parfois avoir le dessus sur les habitudes, non ? Surtout si ça permet de quitter ce bled pourri plus vite !

Si elles ne resteront vraisemblablement pas dans les annales, les quelque trois cents pages de Là où vivent les loups font déjà passer un agréable moment de lecture de littérature policière. Les lecteurs n’en demandaient pas forcément plus, et Laurent Guillaume non plus peut-être ?

Là où vivent les loups, de Laurent Guillaume, Denoël / Sueurs Froides (2018), 303 pages.

Il reste la poussière est un roman de Sandrine Collette paru dans la collection Sueurs Froides de Denoël en janvier 2016.
Il est depuis paru au Livre de poche.

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Dans la pampa patagonienne vit une famille. Il y a eu le père, avant. Il reste désormais la mère, et quatre fils : Steban, les jumeaux Mauro et Joaquin, et Rafael. Les premiers mènent la vie dure au (petit) dernier, dix ans, qu’ils haïssent pour le simple fait qu’il existe alors que leur père n’est plus là. Leur quotidien est qui plus est aussi rude que l’environnement immédiat. Pas de temps pour les loisirs et l’oisiveté, pas plus que pour les sentiments. Le travail ne manque pas à la ferme entre les bœufs, les moutons et les chevaux. Et si l’un deux fléchit, la mère, impitoyable, saura vite le remettre en selle. Face à la concurrence des énormes estancias avoisinantes, leur modeste exploitation familiale commence à souffrir la comparaison. Il faut donc travailler encore plus, sans se révolter. Mais jusqu’à quand ?

Mon avis

Celles et ceux qui ont déjà lu Sandrine Collette savent qu’elle n’est pas tendre avec ses personnages. Ici, le jeune Rafael, à l’âge où l’on devrait encore aller à l’école, partage ses journées entre l’entretien des chevaux, la tonte des moutons et les brimades de ses frères qui n’aiment rien de plus que le molester, gratuitement et à longueur de temps. Le petit ne dit rien. Il encaisse tout. Ne rechigne jamais. De quoi vous forger un caractère.
Paradoxalement, c’est au moment où la santé financière de l’entreprise familiale a commencé à décliner que la mère s’est mise à brûler la chandelle par les deux bouts. Lorsqu’elle se rend à la ville – de plus en plus souvent –, elle dilapide ses économies dans l’alcool et le poker. Jusqu’à ce qu’elle s’endette au point d’être amenée à prendre une décision sans retour.
C’est à peu près au même moment que le petit Rafael, en virée à cheval dans la pampa, fait par hasard une rencontre inattendue, laquelle sera finalement lourde de conséquences.
Sandrine Collette est toujours à son avantage lorsqu’il s’agit de décrire les relations, souvent houleuses, entre membres d’une même famille, qu’elle soit de sang (Juste après la vague) ou de circonstance (Six fourmis blanches, Les larmes noires sur la terre). Mais ses familles sont rarement des plus unies, et celle d’Il reste la poussière, bien que nucléaire, n’est pas loin de l’explosion. Déjà présente dès le départ du roman, on sent la pression entre les uns et les autres monter, comme à l’intérieur d’une cocotte-minute.
Le scénario n’est sans doute pas des plus exceptionnels – c’est peut-être le roman de l’auteur le plus faible à cet égard – mais le personnage de Rafael est assez passionnant pour ne pas s’ennuyer un instant au cours de ces quelque trois cent pages.

Rude, sec, violent : ce roman et les relations entre les différents personnages qui le peuplent sont à l’image du décor et du climat de la pampa patagonienne où ils évoluent. Un Sandrine Collette très efficace, à défaut d’être brillant.

Il reste la poussière, de Sandrine Collette, Denoël/Sueurs froides (2016), 304 pages.
Existe aussi au Livre de poche (2017), 352 pages.

Les larmes noires sur la terre est un roman de Sandrine Collette paru chez Denoël dans la collection Sueurs Froides en 2017.

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Quelque part en France, dans un futur proche.
Moe est une jolie jeune femme originaire des îles. Elle y rencontre Rodolphe et le courant passe bien. Il voudrait la ramener en métropole et l’épouser. Il n’y a pas d’avenir pour elle sur l’île et Moe est amoureuse. Elle accepte. Mais peu à peu, Rodolphe change. Il boit. Il est violent. Sa mère, qui vit avec eux, laisse faire. De toute façon, elle n’aime pas cette colorée qu’a ramenée son fils. Et puis survient l’enfant. Mais Rodolphe ne touche plus Moe depuis longtemps, sauf avec ses poings. Il sait, il est aigri. Il boit, plus. Il tape, plus fort. Alors un jour, avant qu’il ne soit trop tard, Moe prend l’enfant avec elle. Elle part.

Mon avis

Qui a déjà lu Sandrine Collette sait que ses romans sont durs mais pas totalement désespérés. Les personnages sont généralement en proie à de grandes difficultés, pour ne pas dire des horreurs, mais tiennent debout, vaille que vaille. Les Larmes noires sur la terre en est la parfaite illustration.
Moe pensait fuir l’enfer, mais elle est vite rattrapée par les autorités et envoyée à la Casse. Ce camp de malheur où l’on parque les marginaux et les délinquants, qui se voient attribuer une vieille voiture comme unique logement – une caravane pour les plus chanceux. Un lieu dont on ne ressort que les pieds en avant ou moyennant une somme d’argent impossible à amasser. Il faut travailler à la Casse, des heures durant le dos plié dans les champs, pour un salaire de misère. Bien qu’elle peine à l’aimer, Moe ne veut pas abandonner l’enfant. Mais travailler avec lui n’est pas permis. Heureusement, dans ce microcosme où prévalent la loi de la jungle et les coups fourrés, il se trouve quelques belles âmes. Et lorsqu’on lui a imposé cet emplacement, la jeune femme aurait pu plus mal tomber. Elles sont cinq : Ada, Jaja, Marie-Thé, Poule et Nini. Cinq femmes à se serrer les coudes, à partager leur pécule, leur repas, leur journées. Elles acceptent Moe et l’enfant.
Cette galerie de femmes, debout malgré l’adversité, est rendue avec une grande bienveillance par Sandrine Collette. Difficile de ne pas les prendre en affection malgré leurs défauts, mais qui n’en a pas. Les épreuves ne manqueront pas pour Moe et ses compagnes d’infortunes.
L’auteur est peu diserte concernant l’origine de cette « Casse ». Quand est-ce arrivé ? Qui l’a mise en place ? Pourquoi ? Le roman apporte en vérité plus de questions que de véritables réponses, mais c’est là aussi que réside tout son intérêt.

Dur mais profondément humain, Les larmes noires sur la terre – roman davantage dystopique que policier soyons clairs – est une nouvelle réussite à mettre au crédit de Sandrine Collette, qui parvient à garder une constance dans ses textes tout en se renouvelant à chaque fois. Une gageure.

Les larmes noires sur la terre, de Sandrine Collette, Denoël/Sueurs froides (2017), 302 pages

Juste après la vague, qui paraît aujourd’hui chez Denoël, est le sixième roman de Sandrine Collette.

51uvt2pq1llRésumé

Six jours plus tôt, un flanc du volcan s’est effondré dans l’océan provoquant un gigantesque tsunami et une montée du niveau de la mer jamais vue de mémoire d’homme. Une famille nombreuse, résidant sur une colline, est encore saine et sauve. Clairement, le promontoire où se trouve leur maison leur a sauvé la vie. Mais la butte est devenue une île où viennent s’échouer au gré des vagues débris et corps. À cause du déluge, l’eau ne cesse de monter. Pata et Madie observent, angoissés, l’avancée inéluctable de la mer sur leurs terres. Ils ont bien une barque qui pourrait, avec de la chance, leur permettre d’atteindre les terres hautes. Mais elle ne peut accueillir, au mieux, que huit personnes. Seulement, le problème, c’est qu’ils ont neuf enfants…

Mon avis

Juste après la vague est le sixième roman de Sandrine Collette. Contrairement à certains auteurs, on ne peut absolument pas lui reprocher de nous proposer une sempiternelle resucée du même texte. Après s’être fait connaître avec un huis clos miseryesque, Des noeuds d’acier, elle nous a entraînés vers les sommets escarpés des Alpes dinariques (Six fourmis blanches), guidés à travers les steppes arides de Patagonie (Il reste la poussière) ou, plus proche de nous, confrontés à la rudesse d’une casse francilienne (Les larmes noires sur la terre). Ici, elle se renouvelle encore, nous proposant un suspense psychologique qui, par bien des aspects, tient de la robinsonnade.

Les conditions – exceptionnelles – exposées et les personnages brossés, le cœur de l’intrigue, à savoir ce dilemme atroce de parents qui doivent abandonner certains de leurs enfants pour espérer sauver les autres, intervient assez vite. Nous n’en dirons pas beaucoup plus pour ne pas déflorer l’intrigue.

L’écriture de Sandrine Collette est redoutable d’efficacité tout en laissant affleurer les sentiments des personnages. On ressent leurs atermoiements et on est comme eux, déboussolés et paniqués, sans qu’elle ait besoin d’en faire des tonnes.
Si le potentiel de départ était énorme, on a parfois l’impression qu’il n’a pas été exploité au mieux. L’intrigue pêche parfois un peu par facilité. Plutôt linéaire, la seconde partie du roman manque de rebondissements et les quelques péripéties proposées par l’auteur sont globalement si téléphonées qu’elles ne surprendront guère les lecteurs aguerris, qui resteront peut-être sur leur faim.

Il n’en demeure pas moins que grâce à l’écriture de l’auteur et au charisme de certains personnages – on pense à Louie notamment – on est vite embarqués dans cet univers post-apocalyptique aussi singulier qu’universel. Une fois ferré, Juste après la vague – pageturner efficace et non dénué de sentiments – ne relâchera pas le lecteur, prisonnier des rets tressés par Sandrine Collette.

Juste après la vague, de Sandrine Collette, Denoël / Sueurs froides (2018), 304 pages.

Des nœuds d’acier, paru chez Denoël en 2013, est le premier roman de Sandrine Collette.

Finaliste du Prix Polars Pourpres dans la catégorie Découverte et du Prix SNCF du polar (qui sera remis mi-mai), il a surtout remporté l’an dernier le Grand prix de littérature policière

Résumé

Théo a pris 19 mois fermes pour avoir passé son frère à tabac après avoir découvert qu’il avait fricoté avec sa femme. N’ayant pu s’empêcher de retourner le voir à sa sortie de prison alors que cela lui était formellement interdit, il décide de se mettre au vert. Il loue une chambre dans un gîte rural bien perdu et passe son temps entre repos et randonnée. C’est durant l’une de ses promenades qu’il est enlevé par deux types, qui vont le séquestrer dans leur maison isolée de tout. Le début de l’enfer…

Mon avis

Le huis clos centré sur un personnage enfermé à qui ses geôliers font vivre des horreurs, c’est vu et revu, ne peut-on s’empêcher de penser. On songe immédiatement au Misery du grand Stephen King (de nombreux lecteurs se souviennent encore de l’écrivain Paul Sheldon et de la terrible Annie Wilkes). Les Français ne sont pas en reste, de La forêt des ombres de Franck Thilliez aux Morsures de l’ombre de Karine Giebel.

Sans non plus révolutionner le genre, Sandrine Collette, qui signe là son premier roman, parvient à accrocher le lecteur, notamment par le choix de son personnage principal, qui n’est pas non plus exempt de tout reproche.

Persuadé de pouvoir s’échapper facilement et rapidement, Théo fait d’abord preuve de courage. Traité comme un chien par ses « maîtres », deux vieux frères pas tout à fait sains d’esprit, qui le font travailler jusqu’à l’extrême, l’attachent en permanence et lui donnent pour seule nourriture les restes de leurs repas, il sombre peu à peu psychologiquement et physiquement. Sans en faire trop (pas de scènes de violence gratuite ni de gore superflu), l’auteur parvient à nous rendre finalement plutôt sympathique ce quadragénaire pourtant monstrueux à certains égards.

Des nœuds d’acier n’est pas exceptionnel en ce qu’il n’est pas particulièrement original. Pour autant, il s’agit d’un bon thriller psychologique sur le thème rebattu de l’enfermement contraint. Bouclant son récit en quelque 250 pages qui se lisent d’une traite, Sandrine Collette ne tombe pas dans la mode du premier roman « pavé ». C’est sans doute en partie cette efficacité qui a été saluée par le jury du Grand prix de littérature policière, qui lui a décerné l’an dernier cette récompense convoitée. Depuis, Des nœuds d’acier est disponible en poche et l’auteur a poursuivi sur sa lancée avec Un vent de cendres, paru le mois dernier, toujours chez Denoël.

Des nœuds d’acier, de Sandrine Collette, Denoël (2013), 272 pages.
Sorti depuis en Livre de poche (2014), 264 pages.