Articles Tagués ‘Histoire’

La Maison du commandant, paru au printemps 2021 chez Agullo, est le sixième roman de Valerio Varesi traduit en français (ici par Florence Rigollet).

Résumé

On retrouve dans ce sixième opus des enquêtes du commissaire Soneri les rives du Pô, et plus particulièrement la Bassa, la basse plaine du Pô, avec ses immensités inondables et ses brumes caractéristiques. Soneri est dépêché pour enquêter sur la mort d’un anonyme retrouvé sur le bord du fleuve, abattu d’une balle en pleine tête. Si la piste du règlement de compte est rapidement privilégiée, qui était ce jeune homme, vraisemblablement originaire d’Europe de l’est, et surtout, qui l’a tué, et pourquoi ?

Mon avis

Le manque d’éléments pour faire avancer l’enquête, sa connaissance de la région et ses élucubrations amènent bientôt le commissaire au domicile du « Commandant », qui s’avère être mort chez lui depuis un certain temps et ce sans qu’il soit certain qu’il s’agisse d’un acte criminel. De toute manière, qui aurait eu intérêt à tuer ce vieillard, un ancien partisan qui s’était visiblement retiré des affaires et vivait pour ainsi dire en ermite ? Sa mort pourrait-elle néanmoins avoir un quelconque rapport avec celle du jeune anonyme ou bien s’agit-il simplement d’une curieuse coïncidence ? L’opiniâtreté de Soneri, ici souvent épaulé par sa chère Angela, fera ressurgir des brumes insondables de la Bassa des secrets depuis trop longtemps enfouis.

Comme de coutume dans cette excellente série, l’enquête va piano piano, l’atypique commissaire est attachant et c’est toujours un plaisir que de s’attabler avec lui pour déguster les spécialités locales. Cette nouvelle aventure de Soneri est peut-être un tantinet moins entraînante que les précédentes mais pas au point de décevoir les amateurs de Valerio Varesi.

La Maison du commandant (La casa del comandante, 2008), de Valerio Varesi, Agullo/Noir (2021). Traduit de l’italien par Florence Rigollet, 306 pages.

La nuit tombée sur nos âmes est un roman de Frédéric Paulin paru en septembre chez Agullo.

Résumé

Italie, juillet 2001.
La ville de Gênes, 500 000 habitants, se prépare à recevoir les chefs d’État des huit pays les plus puissants du globe. Le centre-ville est en état de siège. La plupart des habitants ont fui la capitale ligurienne ; les autres se sont calfeutrés chez eux. En effet, les forces de l’ordre attendent un demi-million d’opposants de tout poil, organisant pour certains, en parallèle du G8, le Forum social de Gênes. Partis politiques traditionnels de la gauche de la gauche, organisations syndicales, associations altermondialistes pacifistes, mais aussi de nombreux autres opposants anticapitalistes. Avec la crainte pour les autorités italiennes que les électrons libres soient violents.


Mon avis

Après avoir conclu avec La Fabrique de la terreur sa brillante trilogie algérienne, Frédéric Paulin est de retour avec un nouveau roman noir, toujours chez Agullo. Vingt ans après, tout le monde se souvient plus ou moins du G8 de Gênes et des violences qui ont secoué la ville italienne, à commencer par la mort de Carlo Giuliani, tué à 23 ans lors des émeutes par un tir policier. Ce que l’on sait moins, c’est l’état de bouillonnement qui a amené à ces émeutes et à cette violence extrême.

S’emparer d’un pan de l’histoire contemporaine et en faire un roman n’est pas donné à tout le monde. À l’instar de Dominique Manotti, faisant s’entrecroiser de nombreux personnages réels et de son cru, l’auteur rennais s’en sort avec maestria. Les grands de ce monde, Berlusconi et Chirac en premier lieu sont là, tout comme les forces de l’ordre et les principaux leaders altermondialistes. Frédéric Paulin ajoute à ce roman choral maîtrisé quelques êtres de papier, sans doute largement inspirés de son expérience personnelle. Alors âgé de 28 ans, l’auteur était allé manifester à Gênes, une expérience qui l’a durablement marqué. Au gré des pages, on suit Wag et Nathalie, un fougueux couple de militants rennais. Lui est à la LCR et obligé de rendre des comptes aux renseignements intérieurs, qui ont sur lui un moyen de pression. Elle est à la CNT et se moque de tout. On voit aussi évoluer Génovéfa, une journaliste du JDD qui découvre avec stupeur cette ambiance de quasi guerre civile ; Lamar, le conseiller en communication de Chirac ; Martinez et Cazalon, deux agents infiltrés de la DST qui tiennent Wag et se mêlent incognito aux militants.

En suivant en alternance et chronologiquement les nombreuses forces en présence, Frédéric Paulin nous donne à comprendre comment un simple rassemblement d’opposants au G8 a pu déboucher en quelques jours sur des combats de rue d’une rare violence. Le bilan sera finalement d’un mort et plus de 600 blessés, certains manifestants ayant été passés à tabac voire torturés en toute impunité par les policiers italiens dans les locaux de l’école Diaz.

S’emparant d’un morceau d’histoire qu’il a lui-même vécu et qui l’a profondément choqué, Frédéric Paulin signe avec La Nuit tombée sur nos âmes un brillant roman noir, aussi documenté que passionnant.


La nuit tombée sur nos âmes, de Frédéric Paulin, Agullo (2021), 288 pages.

Les Suppliciées du Rhône est un roman de Coline Gatel paru chez Préludes le mois dernier.

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Lyon, 1897.
Alexandre Lacassagne, professeur à la renommée grandissante, fait des progrès considérables dans le domaine de la médecine légale. Ses autopsies publiques attire une foule d’étudiants en médecine et de journalistes. Grâce à la température du corps et à la rigidité des tissus, il pense qu’il est possible de dater approximativement le décès d’une personne.
Une jeune fille est retrouvée morte, vraisemblablement victime d’un avortement raté. Puis une deuxième. Quelqu’un essaierait-il de tuer des jeunes femmes enceintes ou n’ayant pas souhaité poursuivre leur grossesse ?
Lacassagne, qui a réalisé avec ses étudiants l’autopsie de la première victime, confie à l’un de ses plus prometteurs disciples, Félicien Perrier, le soin de mener l’enquête. Le jeune homme s’entoure de son ami Bernard Lécuyer, étudiant en médecine comme lui, et d’Irina Bergovski, une jeune journaliste d’origine polonaise.

Mon avis

Les Suppliciées du Rhône est le premier roman de Coline Gatel, stéphanoise d’origine mais qui semble bien connaître la cité des gones. Le point fort de cet opus est assurément son contexte, très solidement documenté. L’auteur mêle avec talent des personnages et des événements historiques et des inventions de son cru. Lacassagne, un des fondateurs de l’anthropologie criminelle, joue un rôle important dans l’histoire. Mais on croise aussi d’autres figures de l’époque, et ce de chaque côté de la loi, des théories de Cesare Lombroso sur le « criminel né » aux ignominies de Joseph Vacher, l’Éventreur du Sud-Est.

Les conditions de vie, en particulier des canuts et autres petites gens de Lyon sont bien rendues, de même que la topographie (quelques notes de bas de pages nous renseignent sur les lieux qui ont depuis changé de nom). Un soin particulier est également porté par l’auteur au vocabulaire de l’époque. Ainsi, les infirmières ou les homosexuels, pour ne prendre que ces deux exemples, ne s’appelaient pas encore de cette façon.

Les mœurs et les femmes sont d’une certaine manière au cœur de ce roman et quelques vérités, qui paraissent aujourd’hui aberrantes, sont bonnes à rappeler, comme ce « certificat de travestissement » dont devait se doter une femme pour avoir légalement le droit de porter un pantalon. Si l’intrigue passionne sans mal, certains développements sont un peu tirés par les cheveux et le final, hollywoodien, ne convaincra sans doute pas tous les lecteurs.

Les Suppliciées du Rhône, joliment documenté est un polar historique passionnant sur les débuts de la police scientifique et ce que l’on a plus tard appelé « l’école lyonnaise ». Malgré des qualités certaines, l’intrigue peine à convaincre totalement, particulièrement dans le final.

Les Suppliciées du Rhône, de Coline Gatel, Préludes (2018), 439 pages.

Merci à Babelio pour l’envoi de ce roman.

L’Affaire Jules Bathias est un roman de Patrick Pécherot paru en 2006 dans la collection Souris Noire (Syros).

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Valentin Moineau doit préparer un exposé sur son arbre généalogique pour sa professeur d’histoire. Orphelin de père, chahuté voire harcelé plus qu’à son tour, le collégien aime à se réfugier dans les livres. L’histoire lui plaît et, ça tombe plutôt bien, sa mère lui apprend que son paternel avait commencé – avant de se noyer dans le canal – à rechercher ses propres racines.
S’attelant à la tâche, l’adolescent s’interroge sur l’existence d’un de ses aïeux. Pourquoi ce point d’interrogation rouge à côté de la date de décès supposée de cet arrière-arrière-grand-père qui a visiblement, à en juger par cette photo sépia, été un poilu ? Qui était vraiment ce Jules Bathias ? A-t-il péri durant la Grande Guerre ?

Mon avis

Passionné d’histoire, et en particulier des implications qu’elle peut avoir sur les destins des petites gens, Patrick Pécherot proposait en 2006 ce roman jeunesse dans la collection Souris Noire (Syros). La gouaille de l’auteur, particulièrement à l’œuvre dans sa trilogie parisienne, et son attachement à faire vivre le parler populaire est moins présent dans cet opus, sans doute en raison du jeune lectorat auquel il s’adresse. Pour autant, le style est agréable et on retrouve intactes certaines préoccupations de l’auteur d’Hével. À commencer par l’histoire donc, et en particulier ce qui a trait à la Première Guerre mondiale.

Timide, intelligent, taiseux, Valentin a des centres d’intérêts différents de la plupart des jeunes de son âge et une certaine tendance à la mélancolie contemplative. Pas étonnant qu’il apparaisse alors comme un souffre-douleur idéal pour certains garnements, qui aiment à le molester dès que possible. Malgré cela, grâce à son amie Léa, à sa mère et à quelques autres personnes, le quotidien du jeune homme reste supportable.

Si l’intrigue proposée par Patrick Pécherot, avec son lot de rebondissements, est des plus intéressantes, le roman souffre de certaines facilités. Quelques ficelles amenant l’ado à progresser dans son enquête sont un peu grosses – une tante qui travaille au ministère de la Justice, comme c’est pratique ! Certains personnages, à commencer par les trois caïds ayant Valentin dans le nez, sont caricaturaux. D’autres, heureusement, sont excellents, à commencer par la Marine, tenancière du café que fréquentait son père après qu’il se soit retrouvé au chômage.

Bien que comportant quelques défauts, ce roman d’enquête pour la jeunesse se révèle passionnant et bien écrit, ce dont ne pouvaient guère douter les lecteurs de Patrick Pécherot. Les quelques scènes mettant en scène Jules Bathias dans les tranchées sont puissantes et préfigurent déjà Tranchecaille, le chef-d’œuvre de l’auteur.

L’Affaire Jules Bathias, de Patrick Pécherot, Syros/Souris Noire (2006), 163 pages.

La Guerre est une ruse est un roman de Frédéric Paulin paru chez Agullo en ce mois de septembre. C’est aussi le premier roman français de la collection Agullo/Noir.

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Algérie, 1992.
Les élections sont remportées par le Front islamique du salut. Des généraux – les « Janviéristes » – prennent aussitôt le pouvoir et annulent les résultats du scrutin. L’état d’urgence est déclaré et la chasse aux islamistes est ouverte. Dans ce contexte, Tedj Benlazar, un agent de la DGSE (le renseignement extérieur français) suit de près la situation, et notamment les agissements en coulisse de la DRS (le renseignement militaire algérien), qui pratiquerait la torture dans un supposé camp de concentration pour islamistes. De plus, des accointances pourraient exister entre le DRS et les terroristes islamistes du GIA, mais Benlazar peine à convaincre sa hiérarchie de s’intéresser à la chose.

Mon avis

Loin d’en être à ses débuts mais essentiellement publié par l’éditeur rennais Goater jusqu’à présent, Frédéric Paulin fait son entrée chez Agullo, qui publie là son premier auteur français. Le texte est annoncé comme le premier d’une trilogie consacrée à l’Algérie et à son histoire, ainsi qu’à la montée en puissance du terrorisme islamiste que l’on ne connait désormais que trop bien.

À l’instar d’une Dominique Manotti ou d’un DOA dans son diptyque Pukhtu, Frédéric Paulin, prend son sujet à bras-le-corps, de manière on ne peut plus sérieuse. L’auteur s’est assurément beaucoup documenté et, sans être spécialiste, on imagine bien qu’il n’y a pas de place pour les approximations, historiques ou autres dans son récit. L’auteur n’est jamais rébarbatif et ne noie pas le lecteur de détails inutiles. Pour autant, l’histoire passionnera plus ou moins, selon l’intérêt qu’on peut porter aux divers sujets traités – Algérie, islamisme radical, espionnage – loin des préoccupations et du vécu de certains. De plus, bien que l’auteur soit clair, il n’est pas toujours évident de s’y retrouver dans ces histoires d’espionnage, de contre-espionnages, d’agents doubles et d’intérêts géopolitiques et stratégiques divers et variés.

Les personnages sont dépeints avec justesse et sans manichéisme. La figure de Tedj Benlazar est intéressante, de même que les rapports qu’il entretient avec son mentor, le Commandant Bellevue, un officier d’expérience qui en a vu d’autres.

Passionnant pour qui s’intéresse à l’Histoire du monde et à celle de l’Algérie en particulier, La Guerre est une ruse donne d’ores et déjà envie de poursuivre avec le prochain opus. Pour autant, sa spécificité et la densité de son intrigue et de ses personnages en font une œuvre qui ne conviendra pas à tous les lecteurs de polars.

La Guerre est une ruse, de Frédéric Paulin, Agullo/Noir (2018), 384 pages.

Underground Railroad est un roman de Colson Whitehead paru chez Albin Michel en août 2017 dans une traduction de Serge Chauvin.
Il a reçu le Prix Pulitzer l’an dernier.
J’ai pour ma part écouté ce texte, chez Audiolib, lu par la comédienne Aïssa Maïga.

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Géorgie, avant la Guerre de Sécession.
Cora est une jeune esclave qui n’a jamais connu la liberté. Et pour cause, elle est née à la plantation Randall. Sa mère Mabel, elle-même fille d’esclave, s’est enfuie lorsque Cora avait dix ans, la laissant sans famille, livrée à elle-même. Débrouillarde et forte, la jeune fille est une travailleuse efficace et sans histoires. Un jour, un garçon de son âge, Caesar, lui propose de faire la belle. Face aux dangers que cela comporte, Cora décline l’offre du jeune homme. Avant de se raviser.

Mon avis

Sixième roman de Colson Whitehead, Underground Railroad est un texte très puissant et quasi exempt de défauts. Tout au plus pourra-t-on s’étonner de la chance de Cora sur son parcours vers la liberté et des concours de circonstances favorables dont elle bénéficie, eu égard à cruelle réalité des fugues d’esclaves alors. Si la plupart des fugitifs mourraient rapidement dans la nature (faim, froid, maladie, bêtes sauvages…) ou était rattrapés par des chasseurs d’esclaves, puis pendus publiquement, pour faire passer l’envie aux autres de prendre la poudre d’escampette, quelques uns, une infime proportion, s’en sortait. Dont Cora donc. Et le roman n’aurait évidemment pas été possible si l’héroïne mourrait tout de suite.
L’Underground Railroad, c’est donc ce réseau clandestin qui aurait permis à environ 100 000 esclaves de fuir les plantations du sud des États-Unis pour trouver refuge au Nord de la ligne Mason-Dixon (ligne de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et les États esclavagistes du Sud) et jusqu’au Canada. En vérité, seule une portion était une véritable voie ferrée, le reste étant plus un réseau d’entraide des fugitifs par des abolitionnistes ou sympathisants à la cause de l’émancipation des esclaves. Comme il est montré dans le roman, ceux-ci risquaient très gros dans certains États, ou toute personne hébergeant un esclave en fuite risquait la pendaison sans autre forme de procès.
L’auteur met habilement en scène, autour de Cora, toute une galerie de personnages divers et variés : chef de gare du chemin de fer clandestin, chef de la plantation, personnes accueillant des fugitifs, chasseurs d’esclaves aux dents longues, etc.
Sans jamais s’immiscer lui-même dans le récit, Colson Whitehead donne à voir, à travers les opinions très diverses de ses protagonistes toutes les tensions et les différents points de vue, parfois extrêmement opposés et vigoureux, qui agitait alors la société actuelle autour de la question noire et de l’esclavage, sans doute le sujet le plus épineux du moment. Certaines mentalités, parmi les suprématistes blancs notamment, passant alors pour normales à l’époque, font d’ailleurs sinistrement froid dans le dos aujourd’hui.

Passionnant du début à la fin, très documenté mais jamais par trop didactique, Underground Railroad est un excellent roman qui devrait ravir les amateurs d’Histoire et de romans d’aventure.

Underground Railroad (The Underground Railroad, 2016), de Colson Whitehead, Albin Michel/Terres d’Amérique (2017). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin, 416 pages.
En livre audio chez Audiolib (2017), lu par Aïssa Maiga, 10h45.

La Revanche de la guillotine est un document de Luc Briand paru chez Plein jour en janvier dernier.

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27 octobre 1975, Arleux, Nord.
Jérôme Carrein, s’enivre dans le troquet de Fernande Devimeux. Apercevant sa fille Cathy, dont il sait qu’elle aime la pêche, rentrer de l’école, il lui propose d’aller au bord des marais de Palluel. Là, il est pris d’une envie de la violer mais échoue, tant à cause de son ébriété que de la résistance que lui oppose la fillette de huit ans. De peur qu’elle lui échappe et aille tout raconter, il décide de la noyer et la laisse sur place. Avant de revenir au bar comme si de rien n’était.

Mon avis

Si des noms comme Christian Ranucci ou Patrick Henry évoquent encore quelque chose chez la plupart des gens, rares sont ceux à connaître celui de Jérôme Carrein. Il fut pourtant l’avant-dernier condamné à mort en France et même le dernier de nationalité française puisque la dernière exécution par guillotine fut celle d’Hamida Djandoubi, un ressortissant tunisien, le 10 septembre 1977.
Magistrat à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Luc Briand connaît parfaitement les rouages de la justice. Ayant eu accès au dossier et ayant interrogé certains de ses protagonistes, il nous livre tout à la fois un document sur l’affaire Carrein à proprement parler – façon Faites entrer l’accusé – ainsi qu’une réflexion sur l’histoire de la fin de la peine de mort en France. Car comme l’explique l’auteur, appuyé par le témoignage de Robert Badinter, si Jérôme Carrein a été jugé si vite et de manière si implacable, c’est surtout parce que le contexte s’y prêtait. Bien que d’après les sondages de l’époque la majorité des Français étaient encore favorables à la peine de mort, on commençait à sentir le vent tourner et beaucoup pensaient, y compris au sein de la magistrature, que la guillotine allait bientôt être définitivement remisée. Surtout, le jugement de Carrein intervient deux semaines après celui de Patrick Henry, coupable de l’enlèvement et du meurtre du petit Philippe Bertrand, âgé de sept ans. Brillamment défendu par Me Robert Bocquillon et par Robert Badinter lui-même – qui allait bientôt, en tant que Garde des Sceaux du gouvernement Mitterand, abolir la peine capitale – Henry échappe au couperet fatal et se voit condamné à la prison à perpétuité.
Après quoi La France a peur et le jury populaire du procès de Carrein ne fléchit pas malgré la description par son avocat du parcours de vie misérable de l’accusé, pourtant bien moins cynique que Patrick Henry.

Fort documenté et passionnant, La Revanche de la guillotine captivera sans peine les amateurs d’Histoire s’intéressant à la peine de mort et à son abolition. Offrant aussi une brillante réflexion sur l’évolution de la justice en France, ce document mérite de rencontrer ses lecteurs.

La Revanche de la guillotine, de Luc Briand, Plein jour (2018), 200 pages.

Avant que les ombres s’effacent est un roman Louis-Philippe Dalembert paru l’an dernier chez Sabine Wespieser.

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Ruben Schwarzberg nait dans une famille juive en Pologne en 1913. Face à la montée de l’antisémitisme, la famille se décide à fuir Łódź pour Berlin. Mais la montée du nazisme en fait vite une ville hostile aux juifs également. La famille éclate, chacun allant chercher refuge où il peut, qui aux États-Unis, qui en Israël, qui à Paris, Cuba ou Haïti. Quant aux moins chanceux, ils seront amenés dans des camps. C’est l’histoire de cette famille et du parcours hors-du-commun du Dr Schwarzberg que conte ce roman.

Mon avis

Si le personnage de Ruben Schwarzberg est fictif, quasiment tout le reste est vrai. À travers le périple atypique de son personnage, qui traverse la guerre et les pays avec une chance hors-du-commun, même dans ses malheurs, Louis-Philippe Dalembert mêle très intelligemment les destinées personnelles et la grande Histoire.
Et notamment certains épisodes peu connus de la Seconde Guerre mondiale, comme la déclaration de guerre d’Haïti à l’Allemagne nazie, le 12 décembre 1941 qui, même sur l’île, prête plutôt à sourire. Mais auparavant, dès le 29 mai 1939, le président Sténio Joseph Vincent avait signé un décret octroyant «  la nationalité par contumace et la citoyenneté haïtienne in absentia » à tous les juifs persécutés par les nazis. Plus concrètement, il proposa que la petite république, premier État à avoir officiellement aboli l’esclavage, accueille 50 000 réfugiés juifs fuyant l’Europe.
Ayant débarqué sur l’île à l’automne 1939 après bien des péripéties, celui que tout Port-au-Prince connaîtra sous le nom de Dr Schwarzberg est taiseux quant à son parcours épique. Mais, arrivé au crépuscule de sa vie, survient une conjonction d’événements inattendus.
La terre tremble comme jamais ce 12 janvier 2010 et voilà que des professionnels des secours accourent du monde entier pour sauver qui peut encore l’être. Parmi cette foule d’humanitaires, Deborah, la petite-fille de sa tante Ruth, qu’il n’avait jamais vue auparavant. À elle, il accepte enfin de raconter sa vie, tranquillement installé dans sa véranda.

Le parcours de Ruben est tellement épique qu’Avant que les ombres s’effacent tient tout à la fois du roman d’aventure que du roman historique. Conteur hors-pair, Louis-Philippe Dalembert évoque avec brio bien des éléments peu connus des lecteurs, même férus d’Histoire, notamment concernant son petit pays, encore trop méconnu dans l’Hexagone.

Ce roman m’a donné envie d’en savoir plus sur Haïti et son histoire, ainsi que sur Louis-Philippe Dalembert dont l’approche de la nationalité – ou plutôt le refus d’être enfermé dans une nationalité – me plaît beaucoup (voir cet entretien dans l’émission D’ici et d’ailleurs de France Inter).

Avant que les ombres s’effacent, de Louis-Philippe Dalembert, Sabine Wespieser (2017), 296 pages.

L’Ennemi intime est un film sur la guerre d’Algérie sorti sur les écrans le 3 Octobre 2007. Il a été réalisé par Florent Emilio Siri (Nid de guêpes, …) et on retrouve dans les rôles principaux Benoît Magimel, Albert Dupontel ou encore Marc Barbé.

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Algérie, 1959.
Les opérations militaires s’intensifient. Dans les hautes montagnes Kabyles, Terrien, un lieutenant idéaliste, prend le commandement d’une section de l’armée française. Il y rencontre le sergent Dougnac, un militaire désabusé. Leurs différences et la dure réalité du terrain vont vite mettre à l’épreuve les deux hommes. Perdus dans une guerre qui ne dit pas son nom, ils vont découvrir qu’ils n’ont comme pire ennemi qu’eux-mêmes.

Mon avis

La guerre d’Algérie est une période historique que je trouve particulièrement intéressante, et je me suis décidé à voir ce film tant les critiques étaient bonnes.

La guerre d’Algérie, terme officialisé en 1999 (on préférait parler d’évènements auparavant) est une des guerres françaises dont on ose encore à peine parler. Très peu de films existent à ce sujet (citons tout de même l’excellent Avoir 20 ans dans les Aurès réalisé par le précurseur René Vautier en 1972) et comme a si bien dit Juliette Bénabent de Télérama :  « rien qu’à ce titre, le film de Florent Emilio Siri est un événement. »

Le film évite toute vision simpliste ou manichéiste du conflit et nous montre au contraire la complexité de cette guerre, les dilemmes imposés à tous les combattants, l’engrenage des violences, …
Les scènes de batailles n’ont rien à envier aux plus grands films de guerre et sont d’un réalisme à toute épreuve. Le tout début m’a beaucoup plu et annonce tout de suite la couleur.
Les acteurs sont tous vraiment excellents.
La réalité du conflit est à mon avis bien rendue.
Pour ceux que ce sujet intéresse, ce film est vraiment à voir.
Je préfère préciser que certaines scènes sont très dures (massacres de civils, soldats tués au napalm, tortures à la gégène…), à la limite du supportable.

La Naissance de la Grèce est un petit livre d’Histoire écrit par Pierre Lévêque, un des grands spécialiste de la Grèce Antique, décédé en 2004.

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Démocratie et aristocratie, tragédie et comédie, mathématique et histoire, tout nous vient des Grecs. Des Grecs d’Athènes, mais aussi de Sparte, de Delphes, Corinthe et Syracuse. Hommes, héros ou dieux, Homère, Pythagore, Hérodote, Périclès, Socrate, mais aussi Héraclès, Ulysse et Athéna, innombrables sont ceux qui ont fait la Grèce.

Mon avis

Pour quelqu’un qui souhaite une entrée en matière assez simple dans un sujet relativement précis, la collection Découvertes Gallimard est surement ce qui se fait de mieux, et ce volume n’échappe pas à la règle. Les ingrédients de la collection sont là : un spécialiste du sujet qui écrit sans mots jargonneux et universitaires à destination d’un public de non-initiés, de nombreuses illustrations, des documents annexes, une chronologie très synthétique, et même une bibliographie pour ceux qui voudrait aller plus loin.

La Naissance de la Grèce, de Pierre Lévêque, Gallimard/Découvertes (1990), 176 pages.