Discount est un roman noir humoristique écrit à quatre mains par Denis Bretin et Laurent Bonzon. Il a été publié aux éditions du Masque en 2010.
Résumé
Devant son téléviseur, Robby est tombé amoureux de Leïla et ne comprend toujours pas comment elle a pu perdre la finale de Star&Strass. Il est bien décidé à aller lui déclarer sa flamme à l’occasion de son passage à l’hypermarché local.
Le Castor attend son frère Tattoo devant la sortie de la prison. Ce dernier retrouve aussi sa Dany après dix-huit mois de placard, laquelle s’est entre-temps faite apprécier de son employeur, le directeur de l’hypermarché.
Les frères décident de tenter rapidement un braquage avant d’aller se faire oublier à l’étranger. Mais alors qu’ils passaient récupérer Dany à l’hyper après sa journée de travail, tout dégénère, et ils n’ont d’autre choix que de se réfugier dans le magasin, où ils prennent en otage les quelques personnes encore présentes à cette heure tardive.
Mon avis
« Lost in the supermarket » chantaient les Clash en 1979 sur leur fameux album « London Calling ». Depuis, beaucoup d’eau a coulé dans les packs d’eaux minérales mais la société de consommation est toujours d’actualité, plus que jamais, et Denis Bretin et Laurent Bonzon sont bien décidés à la prendre pour cible façon chamboule-tout dans ce roman très rock’n’roll.
« Qu’il baise la responsable de l’accueil logistique ou ses concurrents directs de la grande distribution, Berthelon est un adepte de la performance. Dany ne s’en plaint pas. Et la liaison qu’elle entretient depuis trois semaines lui a procuré plus d’avantages que deux ans de ponctualité et de sérieux à la caisse de l’Hyper. Pour quelques parties de jambes en l’air, elle assiste maintenant aux réunions cadres. Un poste évolutif, lui a dit Berthelon en passant une première main sous sa jupe. Dany n’a pas trouvé ça désagréable au point de renoncer à faire avancer sa carrière. Elle est presque excitée au moment de retrouver le directeur à la photocopie. […]
En voyant le score de la partie défiler, la jeune femme comprend que Berthelon a calé son rythme sur celui du copieur, qui expulse les feuilles, chacune à sa place, dans un beau mouvement mécanique et organisé. Elle ne se trompe pas. Soumis à la pression par les récentes mesures destinées à lutter contre les marges arrière, le directeur de l’Hyper a besoin de nouveaux défis à relever. Celui que l’homme a lancé à la machine l’excite terriblement.
À la pression des mains sur ses hanches et à son souffle qui s’accélère, la jeune femme sait que le boss, manager du Groupe 2001 mention « Performance globale », aura du mal à remplir ses objectifs et ne tardera plus à vider son chargeur. »
Le premier chapitre, excellent, donne le ton d’entrée. Dany s’offre à son patron sur un photocopieur en espérant une promotion, un comble quand on bosse dans un hyper ! Les ébats sont rythmés par les feuilles sortant de la machine et les considérations à double-sens de l’employée quant aux performances de son manager. Dans Discount, les auteurs osent, sans retenue, mais toujours avec humour. Dans le genre, les deux compères – ils écrivent ensemble depuis des années – semblent en connaître un rayon, et c’est donc à chaque page qu’on se gondole. Situations loufoques, personnages ubuesques, calembours à gogo et jeux avec les références bien connues des consommateurs (pour ne pas nommer les marques) : il y a de quoi faire.
« Tattoo devrait raccrocher. Les spécialistes du groupe d’intervention sont forcément en train de localiser sa position par triangulation satellitaire. Le mieux, estime le Castor, ce serait de scotcher le téléphone dans le dos d’un otage et de le forcer à se déplacer sans cesse. Et surtout de ne jamais quitter le rayon surgelés, pour ne pas permettre les détections infrarouges. […]
Tattoo repose l’appareil sur une boîte de crevettes géantes de Madagascar élevées en Thaïlande et décortiquées en Pologne, puis se dirige vers Dany. »
Sans jamais tomber dans le lourdingue, nos deux fines plumes lancent pique sur pique contre le système marchand et nos petites vies minables avec un cynisme jubilatoire. Pour autant, l’intrigue n’est pas laissée pour compte et le récit va à cent à l’heure. Les rebondissements, nombreux et imprévisibles sans jamais être trop forts de chocolat, achèveront d’emballer le lecteur (non, pas dans le papier alu).
« Se faire sauter par Berthelon, balancer Tattoo, draguer le Castor, se laisser tripoter par la Montalembert ? Tout est possible dans une vie Discount. Simple question de packaging. Dany n’a encore qu’une idée très floue de ce qu’elle désire. Mais elle fera comme tout le monde. Elle comparera les étiquettes. Les promos et les points cagnotte l’aideront à faire ses choix. »
Plutôt habitués aux polars fantastiques ou d’espionnage, Denis Bretin et Laurent Bonzon signent avec Discount un polar humoristique haut de gamme. Un très bon divertissement, beaucoup plus intelligent qu’il n’y paraît. Un excellent moment de lecture garanti (mais pas remboursé). Vivement une prochaine livraison.
Discount, de Denis Bretin et Laurent Bonzon, Le Masque (2010), 266 pages.