Articles Tagués ‘Ombres noires’

Candyland est un roman de Jax Miller paru dans la collection Ombres Noires de Flammarion en 2017. Il est traduit par Claire-Marie Clévy et désormais disponible au format poche chez J’ai Lu.

pol_cover_24713Résumé

Sadie Gingerish, élevée dans une famille Amish, tient désormais une confiserie artisanale dans une petite ville de Pennsylvanie. Sa vie pourrait être meilleure, mais ça pourrait aussi être pire.
C’est d’ailleurs ce qui va se passer lorsqu’elle apprend la mort de son fils, vraisemblablement assassiné par sa petite amie.
Voulant noyer son chagrin, Sadie décide, elle qui ne boit pas, d’aller se saouler dans un bar. Elle y rencontre Danny, qui semble différent des autres poivrots présents dans l’établissement. Non seulement il l’écoute, mais il semble la comprendre. Entre eux, quelque chose se passe. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que la fille de Danny, Allison, n’est autre que la meurtrière présumée de Thomas. Chienne de vie.

Mon avis

Une fois n’est pas coutume, commençons par le bémol. Sans trop dévoiler l’intrigue, disons simplement qu’une grande partie des personnages de ce roman va être amenée à interagir à bien des égards, et rarement pour le meilleur. C’est souvent le cas dans les romans noirs ceci dit. Sauf qu’ici ça paraît parfois un peu gros. Peut-être une question de dosage ?

Pour autant Candyland se lit avec passion et Jax Miller s’avère être une virtuose du détricotage chronologique alors même qu’il ne s’agit là que de son second roman – après Les Infâmes, salué à sa sortie et plusieurs fois récompensé. Les flashbacks sont incessants, donnant à voir le passé des protagonistes à diverses périodes de leurs existences mouvementées. On imagine le travail titanesque que tout cela à dû demander. Pourtant, tout est fluide, simple, et le lecteur n’est jamais perdu. Une gageure réussie haut la main.

Les personnages, assez nombreux au demeurant, sont tous plus ou moins fêlés – l’acception exacte importe peu ici – et ont tous eu à vivre des moments pour le moins délicats dans leur existence. Les tragédies personnelles – destins contrariés, amours impossibles, addictions diverses… – sont nombreuses et vont amener les uns et les autres à être ce qu’ils sont et à faire ce qu’ils font. Le tableau général est très sombre, de même que le décor, une cité minière du Rust Belt en pleine déliquescence. Le Candyland du titre, qui donne le la, est un ancien parc d’attractions dédié aux confiseries, et qui, désaffecté, rouille sur place, offrant désormais un abri aux jeunes désireux de se livrer à quelques activités interlopes loin du regard de leurs parents. Pour autant, Jax Miller parvient à insuffler une touche d’espoir à ses personnages, qui conservent pour la plupart une dose d’humanité. Le rôle de Sadie, central, est intéressant, mais peut-être pas le plus réussi. Danny et sa relation avec sa fille sont intéressants. Certains seconds couteaux sont assez caricaturaux, mais peut-être était-ce voulu ?

Bien que souffrant de quelques imperfections et d’un côté un peu hollywoodien par moments, Candyland est un très bon roman, oscillant entre noir et thriller et flirtant même avec le conte façon Grimm, qui ne laisse quasiment aucun répit au lecteur. On ne voit pas passer les quelque 500 pages, qui se lisent admirablement bien.

Candyland (Candyland, 2015), de Jax Miller, Flammarion/Ombres Noires (2017). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire-Marie Clévy, 480 pages.

 

 

Rouge armé est un roman de Maxime Gillio paru chez Ombres Noires en 2016.

pol_cover_22957Résumé

Přestanov, Tchécoslovaquie, 1943.
Anna a beau être une citoyenne tchèque et avoir un comportement exemplaire, elle se met à craindre les réactions des habitants de son village. Elle n’a rien à se reprocher mais elle sent bien que la tension est palpable dès qu’elle arrive quelque part. Les regards se font fuyants, les conversations se muent en messes basses. La raison ? Elle est sudète, c’est à dire tchèque d’origine allemande. Pire, son mari est parti au front avec les Nazis.

Heidenau, Basse-Saxe, 2006.
Patricia est journaliste au Spiegel. Elle prépare un livre sur les Allemands qui ont réussi à rallier l’Ouest après l’instauration du rideau de fer. Pour ce faire, elle a consulté les archives de la Stasi et se rend chez des personnes âgées pour collecter leurs témoignages. Celui d’Inge ne la laissera pas indifférente.

Mon avis

Outre les sommes de témoignages et autres documentaires, la littérature, tout comme le cinéma, nous a proposé de nombreuses fictions de qualité sur la Seconde Guerre mondiale, la partition de l’Allemagne puis la rivalité RFA/RDA. Alors un énième roman sur ce sujet, écrit par un jeune Français qui plus est… L’on pouvait émettre quelques doutes.

Quelques poncifs sont au rendez-vous, il est vrai, mais pouvait-il en être vraiment autrement ? Pour autant, le texte de Maxime Gillio vaut le détour, pour la qualité de ses personnages comme pour celle de son intrigue à tiroirs.

Si le roman met en scène de multiples personnages à travers les décennies, le nœud de l’intrigue repose sur le dialogue entre Inge et Patricia. La vieille dame, peu avenante pour ne pas dire acariâtre au départ, va s’adoucir peu à peu en apprenant à connaître Patricia. La journaliste quant à elle, sur le fil du rasoir et à l’extrême limite du burn out, n’est pas sans rappeler Carole Matthieu, le médecin du travail à l’oeuvre dans Les visages écrasés de Marin Ledun et incarné à l’écran par Adjani. Patricia n’arrive pas à avoir d’enfants, enchaîne les conquêtes d’un soir mais se désespère de trouver l’âme sœur. En se livrant à Inge presque autant qu’elle recueille son témoignage, sa carapace va se fissurer.

Rouge armé, de par les sujets évoqués, laissera sans doute certains lecteurs sur le bord du chemin. Les amateurs de polars historiques en revanche, y trouveront sans doute leur bonheur tant le roman est riche à ce niveau-là, lui qui, des exactions des Einsatzgruppen au terrorisme d’extrême gauche de la Fraction armée rouge, embrasse un demi-siècle d’histoire allemande avec une certaine maestria.

Rouge armé, de Maxime Gillio, Ombres noires (2016), 347 pages.

Retour aux affaires après une colo (top) et les Vieilles Charrues (pas le meilleur cru mais on s’est bien amusés).

La dette est un roman du Sud-africain Mike Nicol paru chez Ombres Noires en 2013. Il est annoncé comme le premier d’une trilogie.

Résumé

Mace Bishop et Pylon Buso sont amis et partenaires depuis des années. Désormais « recyclés » dans la sécurité, ils étaient auparavant plutôt spécialisés dans le trafic international d’armes et de munitions en tous genres.
Une ancienne connaissance, Ducky Hartnell, leur demande d’assurer la protection de son fils Matthew, gérant d’une boîte de nuit réputée du Cap, qu’une association contre la drogue menace sérieusement. Normalement, les deux compères auraient refusé. Seulement, ils ont une dette envers Ducky, lequel parvient à les convaincre.

Mon avis

Plus qu’une intrigue policière classique, avec meurtre et élucidation, La dette est une sorte de course poursuite incessante entre de nombreux personnages, tous plus ou moins liés entre eux, et parfois amenés à s’épauler par la force des choses alors qu’ils se souhaitent mutuellement le pire. Le roman ne commence pas immédiatement sur les chapeaux de roue, le temps pour Mike Nicol de planter le décor et d’introduire les protagonistes. Mais à partir du moment où les choses dérapent, il n’y aura plus de répit pour le lecteur – pas plus que pour les personnages – jusqu’à la dernière et six-centième page (pour la version poche, chez J’ai Lu).

Les personnages de Mace et Pylon, pourtant moralement atroces, sont rendus peu à peu humains par l’auteur, qui nous fait aussi voir leur vie de famille et leurs atermoiements sentimentaux – Mace, par exemple, est particulièrement touchant dans son lien avec sa fille handicapée. Ces grosses brutes sans peur ont donc aussi dans leur musculeuse poitrine un petit cœur qui bat. La jolie et mystérieuse Sheemina February, avocate représentant la PAGAD (association anti-drogue), prête à tout pour arriver à ses fins, est également intéressante. Au fil des pages, on se demande, tout comme Mace, pourquoi elle lui en veut à ce point. On ne connaîtra la réponse que dans les toutes dernières pages.

Le décor, Le Cap, est bien décrit par l’auteur, qui nous fait voir cette grande ville sud-africaine sous toutes ses coutures, des quartiers huppés pour blancs richissimes aux ghettos où tentent de survivre des enfants noirs faméliques et souvent malades du SIDA. Si l’action se déroule principalement en Afrique du Sud, certains personnages voyagent aussi, à New York ou encore à Luanda dont le carnaval (véridique ?) est décrit de manière particulièrement inquiétante.

Avec La dette, Mike Nicol signe un pur roman d’action aux rebondissements incessants qui tient sans peine le lecteur en haleine. S’agissant du premier opus d’une trilogie annoncée, on retrouvera Mace et Pylon dans d’autres aventures, notamment dans Killer Country, déjà paru aux éditions Ombres Noires.

La dette (Payback, 2009), de Mike Nicol, Ombres Noires (2013). Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet, 554 pages.
Lu en poche chez J’ai lu (2014), 599 pages.

Un peu moins de temps à consacrer à la lecture en ce moment, et un peu moins de courage à me mettre aux chroniques une fois les livres lus. Je m’y remet avec un auteur que j’aime beaucoup, Marin Ledun.

Son roman L’homme qui a vu l’homme est paru aux éditions Ombres Noires en janvier dernier.

Résumé

Janvier 2009. Jokin Sasko, un jeune militant basque soupçonné de faire partie de l’ETA, disparaît du jour au lendemain sans laisser la moindre trace. Ses proches s’en inquiètent et convoquent la presse pour essayer de faire la lumière sur cette affaire. Règlement de comptes entre terroristes ? Suicide ? Bavure policière ? En l’absence d’indices, toutes les thèses sont possibles.

Iban Urtiz couvre l’affaire pour le journal Lurrama. Soupçonnant rapidement les forces de l’ordre de ne pas avoir tout dit, il décide de mener l’enquête à son tour.
Seulement, certaines personnes ont tout intérêt à ce qu’on ne découvre jamais ce qui est arrivé à Jokin.

Mon avis

« Elle voit bien que ces histoires de guerre sale qui ressurgissent les ennuient au plus haut point. Qu’ils aimeraient lancer une autre rumeur autour de la disparition de son frère. L’idée d’un règlement de comptes entre factions rivales ou d’une guerre de succession au sein d’ETA leur conviendrait parfaitement.

Après tout, c’est peut-être le cas.

Qui pourrait apporter la preuve du contraire ?

Fausses informations, préjugés, théorie du complot. Répétition, déformation, propagation. Eztia peut presque lire dans la tête des deux flics présents dans la pièce : la thèse qui fleurit sur les murs de Bayonne, celle de l’homme qui a vu l’homme qui a vu Jokin se faire enlever, n’est qu’une fable invérifiable.
Ils proposent de lui substituer une autre fable : les indépendantistes se sont foutus dedans tout seuls comme des grands.
»

Après avoir traité de sujets aussi variés que la souffrance au travail (Les visages écrasés), le marketing (Marketing viral) ou encore les suicides adolescents (La guerre des vanités), Marin Ledun aborde ici la question basque. Pour sa seconde collaboration avec Ombres noires (après Dans le ventre des mères en 2012), le néo-Landais s’attaque donc à un sujet encore brûlant dans le Sud-Ouest en s’inspirant largement d’une histoire vraie, la disparition de l’etarra Jon Anza.

Marin Ledun n’étant pas un tiède, on pouvait craindre sur un sujet sensible un roman partisan, par trop engagé politiquement. L’auteur se sort habilement de cet écueil en prenant pour personnage principal un journaliste qui découvre la question basque au fil de l’histoire (le père d’Iban est d’origine basque mais lui n’a pas grandi dans ce milieu), en même temps que le lecteur. Cela permet à l’auteur de poser le décor et de nous donner à voir les tenants et les aboutissants sans être par trop didactique ni sombrer dans le manichéisme de bas étage.

« À court d’explications, il se lève et sort fumer une cigarette dans l’escalier. Des hypothèses en forme de spirale se superposent dans son esprit par couches successives, avec pour point de départ un constat sans équivoque : tout le monde ment.

Pour se protéger.

Pour le fric.

Le pouvoir.

Ou les deux.

Par peur.

Par stratégie.

Pour que les baisés restent avec les baisés.

Et que l’ordre des choses ne s’inverse surtout pas.

Tout le monde, sans exception : le procureur, son substitut, les flics, les Français et les Espagnols, les amis des victimes et les bourreaux, les amis des baisés et les baiseurs. Aucun n’échappe au Grand Bordel. Personne ne passe entre les mailles du filet. »

S’appuyant sur des personnages forts (Iban, Eztia Sasco…), souvent idéalistes et globalement représentatifs sans pour autant être caricaturaux, Marin Ledun parvient à nous immerger chez les euskaldun (ceux qui parlent le basque).
Enfin, bien que l’on puisse rapidement se douter de la teneur du final, le suspense est maintenu jusqu’aux dernières pages.

Avec l’humanité qui le caractérise, Marin Ledun signe une fois de plus un excellent roman noir, passionnant et habilement construit, sur un sujet peu abordé par le polar français.

L’homme qui a vu l’homme, de Marin Ledun, Ombres Noires (2014), 464 pages.

Polars Pourpres et la toute nouvelle maison d’édition Ombres Noires vous proposent de gagner un exemplaire du nouveau roman noir de Marin Ledun, Dans le ventre des mères.

Pour une fois, j’organise un concours sans avoir lu le roman en question, mais vu que j’aime beaucoup ce que fait l’auteur en général, ça ne me pose pas de problème. Et puis le roman a l’air bon, et la thématique intéressante. Je reviendrai ici en parler une fois que je l’aurais lu, promis.

En attendant, vous avez jusqu’au 27 octobre pour tenter votre chance sur Polars Pourpres.

A vous de jouer !