Ce cher Dexter / Jeff Lindsay

Publié: 1 juillet 2012 dans Polar américain
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Ce cher Dexter (Darkly Dreaming Dexter) de Jeff Lindsay a été initialement publié en 2004 aux États-Unis (bientôt dix ans !). Il s’agit de la première apparition publique de Dexter Morgan, personnage mondialement connu via la série Dexter, qui n’est toujours pas terminée (il y a six saisons à ce jour ; il y en aurait huit au final selon les dernières nouvelles).

https://i0.wp.com/polars.pourpres.net/img/uploads/2020639424.08.LZZZZZZZ.jpgRésumé

De jour, Dexter Morgan travaille pour la police de Miami comme expert médico-légal. Sa spécialité : faire progresser les enquêtes en décryptant les traces de sang sur les scènes de crime.
De nuit, Dexter a un hobby : il tue des gens. Mais rassurez-vous, il ne tue pas n’importe qui, seulement les méchants et plus précisément les tueurs passé au travers des mailles du filet judiciaire.

Tout allait bien pour Dexter, façon de parler, avant qu’il ne trouve sur son chemin un tueur au moins aussi perfectionniste que lui, ne laissant pas même une simple goutte de sang sur les lieux de ses crimes.

Mon avis

Bien que je connaissais le personnage de Dexter de réputation depuis un certain temps, c’est via l’adaptation télévisuelle et un collègue de boulot qui m’a vivement conseillé son visionnage que je suis arrivé à la lecture de ce roman. Si vous voulez tout savoir, j’ai regardé les deux premiers épisodes, qui m’ont plu, puis j’ai arrêté là le visionnage pour me plonger dans le roman, après quoi j’ai poursuivi avec la série (la première saison seulement pour l’instant).

Le roman m’a beaucoup plu. Le personnage de Dexter est des plus intéressants. Depuis tout jeune, quand la nuit tombe, une sorte d’autre lui, qu’il appelle son « Passager Noir », le pousse à aller tuer. La narration à la première personne nous fait plonger directement dans ses pensées. Bien qu’il soit un tueur en série et qu’il puisse se montrer particulièrement ignoble avec ses victimes (bon d’accord, elles sont elles-mêmes des ordures, mais quand même), on se surprend à lui trouver des excuses, à le trouver sympathique, voire même à le comprendre.

« Il ne pouvait s’imaginer faire partie de la même espèce. Et, d’une certaine façon, il avait raison. Il ne se transformerait jamais en cette saleté qu’étaient devenus les enfants par sa faute. Jamais je ne ferai une telle chose, je ne l’accepterais jamais. Je ne suis pas le père Donovan, pas ce style de monstre.

Je suis un monstre très soigneux, moi.

Le travail soigné me prend du temps, bien sûr, mais cela paie à la fin. Cela paie de faire le bonheur du Passager Noir, de le réduire au silence pour un temps. Cela paie de faire son travail correctement et proprement. Et un autre tas d’ordures de moins sur terre. Quelques sacs-poubelle soigneusement ficelés de plus, et mon petit coin sur terre s’en trouve plus net, plus tranquille. Bien plus juste. »

L’ambivalence à la Dr Jekyll et Mr Hyde de Dexter mise à part, la grande réussite de Jeff Lindsay dans ce roman est l’humour, noir bien sûr. Bien que le sujet ne s’y prête pas forcément, on passe son temps à sourire, voir à se fendre la poire en tournant les pages. En effet, Dexter – qui est le narrateur, vous l’aurez compris – nous fait part de ses réflexions et nous livre sa vision du monde sur un ton caustique et pour le moins plaisant. Sa nature totalement asociale – il n’éprouve aucun sentiment et doit donc sans arrêt faire de gros efforts pour paraître normal auprès de son entourage familial ou professionnel – l’amène aussi à vivre des situations étonnantes et parfois fort cocasses.

« D’un certain point de vue, c’est le paradis sur terre. Surtout quand on a la chance d’être un cafard. Des rangées et des rangées de bâtiments qui parviennent à scintiller et à s’effriter tout à la fois. D’éclatants néons qui décorent des constructions vétustes, sordides, rongées par la pourriture. Si l’on ne vient pas la nuit, on ne vient jamais. Car voir un tel lieu le jour, c’est entrevoir la vraie nature du fragile contrat passé avec la vie.

Toutes les grandes villes ont un quartier similaire. Si un nain souffrant d’un état de lèpre avancé souhaitait coucher avec un kangourou et une chorale d’adolescents, c’est ici qu’il viendrait louer une chambre. Après, il pourrait emmener toute la troupe au bar d’à côté pour prendre un café cubain et un sandwich medianoche, personne ne s’en soucierait, du moment qu’il laisse un pourboire. »

L’intrigue, somme toute assez classique et prévisible au moins en partie, n’est pas l’élément le plus réussi du texte, qui préfère s’attarder sur les relations entre Dexter et les différents protagonistes qui l’entourent. Il y a Debra, sa demi-sœur, la seule personne à qui il réserverait des sentiments s’il était capable d’en avoir. Il y a Rita, une belle femme divorcée avec deux enfants et un mari violent qui la terrorise encore, avec qui Dexter s’efforce de sortir pour paraître normal… Il y a aussi les collègues de boulot, avec entre autres : La Guerta, la chef, carriériste au possible ; le sergent Doakes, qui soupçonne Dexter de cacher quelque chose ; et Masuka, un légiste comment dire… dérangé (on se marre bien avec lui aussi!).

« Mon repli stratégique révéla le charmant diorama, et le jeune homme fut soudain très soucieux de trouver un endroit susceptible d’accueillir son petit déjeuner. Il réussit à atteindre une large poubelle située à trois mètres de là avant de commencer ses horribles borborygmes. Je restai immobile, attendant qu’il ait fini. Quelle saleté cette habitude de balancer comme ça des aliments à moitié digérés… Quel manque d’hygiène ! Et venant d’un garant de la sécurité publique en plus.

Plusieurs agents supplémentaires arrivèrent au trot, et bientôt mon simiesque ami dut partager sa poubelle avec quelques copains à lui. Le bruit était extrêmement déplaisant – sans parler de l’odeur qui parvenait à présent jusqu’à mes narines. Mais j’attendis poliment qu’ils aient terminé, car l’une des caractéristiques fascinantes des pistolets, c’est qu’ils peuvent très bien être actionnés par quelqu’un en train de vomir. »

Au final, on s’amuse bien à suivre les aventures du serial killer-justicier qu’est Dexter, et je pense que je retenterai l’aventure à l’occasion, pour voir si les romans suivants sont du même acabit.


Ce cher Dexter (Darkly Dreaming Dexter, 2004) de Jeff Lindsay, Seuil (2005). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sylvie Lucas, 282 pages.
En poche : Points (308 pages) ou Pointdeux (481 pages).

Les liens entre le roman et la série :
Sachez que la première saison de Dexter (douze épisodes) correspond à l’intrigue du roman susmentionné. L’adaptation est relativement fidèle, et a même été étoffée par les scénaristes de quelques rebondissements de taille supplémentaires. J’ai lu le roman avant de voir la série mais j’ai quand même pris du plaisir à voir ce que ça donnait sur écran.
Pour le reste (je n’ai pas encore regardé les autres saisons) il semblerait que seuls les personnages aient été conservés. Autrement dit, les intrigues des saisons suivantes ne correspondent pas aux trames des autres romans (six en comptant celui-ci à ce jour).

commentaires
  1. gridou dit :

    Salut Hannibal, pour une fois, je ne suis pas d’accord avec toi. J’adore la série mais j’ai détesté lire le bouquin (après avoir vu la série). Je n’ai aucun argument sous le coude pour me justifier parce que je l’ai lu il y a un moment et que je ne me souviens pas très bien …En tout cas je m’étais dit que je ne lirai pas la suite. On ne peut pas être d’accord sur tout…

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  2. Hannibal dit :

    Salut, Effectivement, un peu de désaccord ne fait pas de mal, c’est pas drôle sinon. J’ai lu le bouquin avant pour ma part, et j’ai trouvé la série très bien aussi. C’est juste que l’humour de Dexter (ou devrais-je dire de Jeff Lindsay), que j’aime beaucoup, a un peu disparu de l’adaptation, et c’est bien dommage.

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