La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert / Joël Dicker

Publié: 24 janvier 2013 dans Polar suisse
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La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est le second roman du jeune Suisse Joël Dicker. Il est paru en 2012 aux éditions de Fallois / L’Âge d’Homme.
Surtout, il a raflé de nombreuses récompenses, et non des moindres, comme le Grand Prix de l’Académie Française ou le Prix Goncourt des Lycéens, ce qui est assez rare pour un roman policier pour qu’on le signale.
Il est aussi lauréat du Prix Découverte Polars Pourpres.

Résumé

États-Unis, printemps 2008.
Marcus Goldman va mal. Le jeune écrivain, devenu star du jour au lendemain après la publication de son premier roman, n’a aucune inspiration et n’avance pas d’une ligne sur son nouveau texte qu’il doit rendre bientôt.
C’est à ce moment-là qu’Harry Quebert, son mentor, est rattrapé par son passé. La police l’accuse, preuves à l’appui, d’avoir assassiné la petite Nola Kellergan en 1975. On a retrouvé le corps de l’adolescente dans son jardin, avec dans son sac à main le manuscrit du roman que Quebert écrivait à l’époque. Marcus Goldman ne veut pas croire en la culpabilité d’Harry. Bien décidé à découvrir la vérité, et par la même occasion à satisfaire aux exigences de son éditeur, il ne sait pas encore qu’il n’est pas au bout de ses surprises.

Mon avis

« – Bon boulot Goldman, voici le genre d’info dont j’ai besoin. D’ailleurs, vous qui connaissez tous les péquenauds d’Aurora, interrogez-les un peu afin de savoir déjà quelles salades ils comptent servir aux jurés s’ils sont cités comme témoins pendant le procès. Et tâchez de découvrir aussi qui boit trop et qui tape sa femme : un témoin qui boit ou qui tape sa femme n’est pas un témoin crédible. »

Touchant un peu à tout, du whodunit à l’autofiction en passant par le roman d’amour, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est un texte très complexe sans pour autant être une lecture ardue. Le long récit (plus de 660 pages), très habilement construit, fait s’alterner les époques et les personnages en maintenant un suspense redoutable si bien que l’on peut parier sans risque que rares seront les lecteurs à s’ennuyer en chemin. Concernant le meurtre de Nola, plus on avance dans l’enquête avec Marcus, et moins on y voit clair. Chaque réponse aux interrogations du départ pose autant de nouvelles questions. Les rebondissements, incessants, sont si nombreux que l’on arrête rapidement de compter le nombre de suspects ou de motifs différents que nous propose astucieusement Joël Dicker.

« – Harry, pourquoi êtes-vous toujours si seul ?
Il hocha la tête ; je vis briller ses yeux.
– Vous essayez de me parler d’amour, Marcus, mais l’amour, c’est compliqué. L’amour, c’est très compliqué. C’est à la fois la plus extraordinaire et la pire chose qui puisse arriver. Vous le découvrirez un jour. L’amour, ça peut faire très mal. Vous ne devez pas pour autant avoir peur de tomber, et surtout pas de tomber amoureux, car l’amour, c’est aussi très beau, mais comme tout ce qui est beau, ça vous éblouit et ça vous fait mal aux yeux. C’est pour ça que souvent, on pleure après. »

Mais La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert va bien au-delà du simple roman à énigme et c’est sans doute pour cela qu’il a raflé de telles récompenses. Les deux personnages principaux, Marcus Goldman et Harry Quebert sont profondément décrits et très intéressants, aussi bien individuellement que dans leur relation, quasi filiale. Le travail de l’écrivain est aussi très largement abordé, avec ces histoires de romans dans le roman, sans que cela ne soit rébarbatif pour autant. Ce texte est aussi (avant tout ?) un magnifique roman d’amour(s). Tout d’abord celui d’un amour impossible entre la jeune Nola, 15 ans, et Harry Quebert, qui a alors l’âge d’être son père ou tout comme, mais aussi celui d’autres amours inabouties.

« – Pourtant je ne suis pas timide mais quand je vois Jenny, je suis comme bloqué. Je ne sais pas ce que c’est…
– C’est l’amour, fiston.
– Vous pensez ?
– Pour sûr.
– C’est vrai que votre fille, elle est formidable, M’sieur Quinn. Tellement douce, et intelligente, et si belle ! Je sais pas si je dois vous dire ça, mais parfois je passe devant le Clark’s juste pour la voir à travers la baie vitrée. Je la regarde… Je la regarde et je sens mon cœur exploser dans ma poitrine comme si j’allais étouffer dans mon uniforme. C’est l’amour, hein ?
– Pour sûr.
– Et vous voyez, à ce moment-là, je veux sortir de la voiture, entrer dans le Clark’s et lui demander comment elle va et si elle aurait pas par hasard envie d’aller au cinéma après son service. Mais j’ose jamais entrer. C’est l’amour aussi ?
– Nan, ça c’est la connerie. C’est comme ça qu’on passe à côté des filles qu’on aime. Faut pas être timide, mon garçon. »

L’humour sans être très présent, affleure parfois pour le bonheur du lecteur, avec les personnages secondaires notamment. Mentionnons par exemple l’éditeur, Roy Barnaski, prêt à tout pour que le livre de Goldman fasse un carton (« Rajoutez du sexe, ça fait vendre ! ») ou encore la mère de Goldman qui veut à tout prix marier son « petit Markie » et lui demande inlassablement s’il est sûr de ne pas être homosexuel lorsqu’il rejette ses propositions matrimoniales.

« L’amour, l’amour, toujours l’amour ! Mais l’amour ça ne veut rien dire, Goldman ! L’amour, c’est une combine que les hommes ont inventée pour ne pas avoir à faire leur lessive ! »

Avec La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, roman incroyablement riche et très intelligemment écrit, Joël Dicker place la barre très haut. Espérons qu’il ne soit pas atteint comme Goldman par la « maladie de l’écrivain » lorsqu’il s’agira d’écrire son troisième opus.



La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert
, de Joël Dicker, éditions de Fallois / L’Âge d’Homme (2012), 669 pages.

commentaires
  1. Xavier dit :

    J’ai bien aimé Echenoz aussi. En revanche, Le Murakami ne m’a pas emballé, quand on court et qu’on s’intéresse à l’écriture, ses propos paraissent banals. On aurait pu les appliquer à de nombreux autres domaines, par rapport à l’écriture. J’en parle un peu ici : http://ilcourt.wordpress.com/

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  2. Hannibal dit :

    OK, c’est bon à savoir. Je ne sais pas si je le lirai alors… Ah, tu cours donc ? Moi un peu, mais je suis loin d’être un accro (un footing hebdomadaire tout au plus). Vu que je fais déjà beaucoup de sport (lutte et foot gaélique = 5 entraînements/semaine), je n’en éprouve pas le besoin. Très intéressant ton blog, j’y ai traîné un peu tout à l’heure et j’y reviendrai. Pas trop dur de courir à Shanghaï, rapport à la qualité de l’air (j’ai dans l’idée que c’est tout pollué mais peut-être que je me trompe) ? Amitiés

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  3. Foxy dit :

    Terminé!!…j’ai trouvé le temps un peu long au milieu du bouquin mais les retournements de situation ont eu raison de mon « fléchissement ». Et au final je dois dire que la satisfaction est la malgré une structure narrative un peu déstabilisante avec les nombreux flashbacks, qui trouvent au final toute leur justification dans la construction du récit…un auteur que je retrouverai avec plaisir…

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  4. Hannibal dit :

    Content que ça t’ai plu alors. Je n’ai pas été dérouté pour ma part, mais je peux comprendre. Et l’épaisseur du bouquin peut aussi en faire fuir plus d’un, ce qui serait dommage.

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  5. Xavier dit :

    J’ajouterai que certains passages, qui semblent à première vue mièvres ou cucul, prennent tout leur sens avec the whole picture à la fin du livre. Un extraordinaire roman. Personnellement, je remarque que c’est un des rares romans qui lie écrire et courir.

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  6. Hannibal dit :

    D’accord avec toi sur les passages pas si « cucul » que ça. C’est pas fréquent en effet les livres évoquant la course à pied. J’ai bien aimé le Courir de Jean Echenoz, racontant de manière quelque peu romancée la vie de Zatopek. Alliant course et écriture, j’ai ouï dire que le bouquin Autoportrait de l’auteur en coureur de fond de Murakami était très bien mais je ne l’ai pas encore lu.

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