Nafar / Mathilde Chapuis

Publié: 17 avril 2020 dans Littérature française
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Nafar est un roman de Mathilde Chapuis paru chez Liana Levi en 2019.

Wet Eye GlassesRésumé

Il attend devant le fleuve Meriç de pouvoir traverser sans se faire arrêter par les gardes-frontière turcs ou grecs. Il a fui la guerre et les bombardements de Oms et connu mille difficultés déjà depuis sa Syrie natale. Mais il ira en Suède, coûte que coûte. Aucun obstacle ne saurait lui résister. S’il tombe sept fois, qu’importe, il se relèvera huit.

Mon avis

Mathilde Chapuis a beaucoup voyagé (Grèce, Liban…) et vécu deux ans à Istanbul où elle a côtoyé de nombreux exilés syriens. Pas étonnant qu’elle ait choisi ce thème pour son premier roman. Si le sujet intéressera d’emblée beaucoup de lecteurs, les partis-pris stylistiques pourront, peut-être, en déconcerter certains.

« C’est une nuit d’octobre. Tu marches, pressé mais silencieux, tu t’enfonces dans l’étoffe d’une abondante végétation, le cœur battant, le souffle court. Tu ne sais ni dans quoi ni sur quoi tu marches mais droit devant toi tu hâtes le pas, butant, trébuchant, les bras tendus comme pour repousser l’obscurité. »

Le texte s’ouvre de cette manière, à la deuxième personne du singulier, et une voix – dont on ne sait au départ à qui elle appartient – nous raconte, a posteriori, le parcours de cet homme dont on saura beaucoup de choses mais jamais le nom. Il est un et unique mais il pourrait aussi être des milliers d’autres.

Il est un « nafar », terme que les passeurs utilisent « pour parler des prétendants à l’Europe, les nommant ainsi par paquet, comme une quelconque marchandise de contrebande ».

Les 150 pages de ce roman très sensible se lisent avec grand intérêt. Mathilde Chapuis nous donne à voir le quotidien de ceux qui n’ont pas d’autre choix que de fuir leur pays et qu’on refoule trois fois, cinq fois, dix fois… Rentrer dans une ville en ruine où les proches et l’avenir sont morts n’est pas une option envisageable. Alors qu’importe, ils réessaieront, autant de fois que nécessaires, quitte à enrichir des passeurs peu scrupuleux, quitte à y laisser la vie, dans le froid ou dans la Méditerranée.

Nafar est un premier roman de grande qualité, jamais bavard, parfois teinté d’onirisme, toujours juste.
Sur le même sujet et chez le même éditeur, en complément, on n’a de cesse de conseiller l’excellent récit de l’itinéraire d’Enaiatollah Akbari par le journaliste italien Fabio Geda : Dans la mer il y a des crocodiles.

Nafar, de Mathilde Chapuis, Liana Levi (2019), 151 pages.

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