D comme Tim Dorsey, Florida Roadkill

Publié: 21 février 2014 dans Faudrait peut-être songer à A.B.C. ta PAL, Polar américain
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Florida Roadkill, paru aux États-Unis en 1999, est le premier roman de Tim Dorsey.

Traduit par Laetitia Devaux, il a été publié en France par Rivages l’année suivante.

Cet auteur m’a été plusieurs fois conseillé et cela faisait des années que j’envisageais de le lire. Voilà qui est fait.

Résumé

Serge et Coleman, deux types que beaucoup qualifieraient de psychopathes, vont rencontrer la superbe Sharon, une espèce de mante religieuse qui épouse de riches types avant de les éliminer – souvent de façon originale – pour mieux récupérer leur assurance vie. En virée, les trois dingos (qui carburent à tout et n’importe quoi pourvu que ça procure des sensations fortes) vont tomber sur Veale, un orthodontiste aussi riche que magouilleur. Ce dernier a le malheur de clamer haut et fort qu’il a fait assurer ses mains à hauteur de cinq millions de dollars. Il va être victime d’un « malheureux accident » de tronçonneuse puis amené aux urgences avec quelques doigts en moins. Mais alors que le trio pensait le contraindre à verser les millions promis par l’assurance, Veale parvient à prendre la poudre d’escampette. Commence alors une virée haute en couleurs dans toute la Floride du sud.

Mon avis

« – Jusque-là, on est en vacances, répondit Serge. Ça te dit de découvrir la vraie Floride ?

Sharon retourna à la voiture et sniffa du speed à même le tapis de sol. Coleman s’assit au bord de la Banana River avec sept bières. Serge lui conseilla de s’éloigner de l’eau, qui pullule en général d’alligators. Car même si, avant chaque lancement, des trappeurs viennent les exterminer en secret, ils en oublient toujours quelques uns.

– Je crois que j’en vois un ! lança Coleman, ivre, en désignant un morceau de cheeseburger à la surface.

– Je crois que t’as raison, lança Serge.

Coleman recula précipitamment jusqu’à Serge. »

De la lecture des premières pages de Florida Roadkill ressortent plusieurs impressions : c’est drôle, déjanté à souhait, mais aussi (de fait ?) très décousu. Le roman, choral, passe d’un personnage à un autre, puis à un autre, tous plus foutraques les uns que les autres, sans qu’on ne comprenne toujours où l’auteur veut en venir. Peu à peu notre cerveau s’habitue à cette gymnastique et l’on prend plaisir, au fil des pages, à retrouver les différents énergumènes précédemment évoqués. Au final, c’est habilement construit car ils joueront tous tôt ou tard un rôle dans les pérégrinations de Serge, Coleman et Sharon. Les membres du trio se disputent, s’aiment (sauvagement), picolent, fument, regardent le baseball, mais surtout, cherchent à mettre la main sur les millions évaporés dans la nature. Et pour ça, pas de pitié, tous les moyens sont bons.

« – C’est juste une question de temps, ou quoi ? demanda Sean. On est en sécurité dans cet État, ou on a eu de la chance jusqu’à présent ?

– Tu est paranoïaque, lui répondit David en traversant Tavernier Creek. J’ai lu un article dans le journal. Il disait que les habitants de Floride ont une peur injustifiée des vols à main armée. Une étude montre qu’ils les craignent quinze fois plus que dans le reste du pays, alors qu’ils n’ont que dix fois plus de raisons d’avoir peur. »

Comme Serge, Tim Dorsey, qui a été reporter au Tampa Tribune pendant une douzaine d’années, est un vrai passionné de la Floride. Avec eux, on découvre avec plaisir l’État ensoleillé et ses habitants, sans doute pas tous aussi givrés dans la réalité, espérons-le.

« Les Indians en étaient à trois-zéro dans le troisième tour de batte. Coleman sortit des bouteilles d’alcool miniatures du frigo et les versa dans une espèce de poche qu’il avait formée avec le devant de sa chemise à quatre cent dollars. Il retourna s’allonger près de Serge. Tous deux mirent leur chapeau en mousse des Marlins et s’apprêtèrent à suivre le match.
Sharon alla se planter devant la télévision, nu
e.

– Je m’ennuie, dit-elle d’une voix câline.

Serge attrapa le TEC 9 posé sur la table de nuit et le pointa sur elle.

– Casse-toi. »

Au programme de ce road trip déjanté avec en fil rouge la finale des World Series : le cartel le moins dangereux du monde (le bien-nommé « Cartel de Mierda »), un bébé caïman congelé, un meurtre commis à l’aide d’une navette spatiale modèle réduit, un assureur qui meurt à cause des clauses qu’il a lui-même écrites pour escroquer les clients, un présentateur radio élu sénateur grâce à son homophobie affichée, des « bikers » sans moto refusés par tous les Hell’s Angels, ou encore une procession de sosies d’Ernest Hemingway !

« La clientèle avait quelque chose de bizarre : elle était exclusivement composée d’hommes âgés et ventripotents, barbus, avec des cheveux blancs ou gris. Visages roses et rebondis, certains tannés par le soleil, d’autres parsemés de nombreux capillaires sous la peau. Ils portaient presque tous un pull à col roulé blanc.

– Je crois qu’ils se prennent tous pour Hemingway, déclara Sean. »

La lecture des aventures de Serge & co n’est pas forcément des plus faciles au premier abord mais, pour peu qu’on s’adapte à ce rythme endiablé, on passera une belle partie de plaisir. Tim Dorsey a l’imagination débridée au possible et rarement on aura autant ri en découvrant, comme certains policiers du roman, des crimes abracadabrantesques.

On retrouvera Serge et la Floride dans plusieurs autres romans parus chez Rivages (pour l’instant, seulement 6 sur les 14 que compte la série aux USA par contre).

Florida Roadkill (Florida Roadkill, 1999), de Tim Dorsey, Rivages/Thriller (2000), traduit de l’américain par Laetitia Devaux 289 pages.
Réédité en Rivages/Noir n°476 (2003), 384 pages.

commentaires
  1. Hannibal dit :

    Ça faisait un bail que je voulais lire Dorsey. Je pense que je poursuivrai tranquillement son œuvre car c’est vrai qu’on rigole bien.

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  2. wollanup dit :

    Heureuse initiative que de donner un coup de projecteur sur ce premier volet de la saga de Serge qui me fait "méchamment" hurler de rire. Serge élimine tous les emmerdeurs ce que je ne peux faire dans la vie et c’est bien plaisant.

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