L’homme qui a vu l’homme / Marin Ledun

Publié: 12 juin 2014 dans Polar français
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Un peu moins de temps à consacrer à la lecture en ce moment, et un peu moins de courage à me mettre aux chroniques une fois les livres lus. Je m’y remet avec un auteur que j’aime beaucoup, Marin Ledun.

Son roman L’homme qui a vu l’homme est paru aux éditions Ombres Noires en janvier dernier.

Résumé

Janvier 2009. Jokin Sasko, un jeune militant basque soupçonné de faire partie de l’ETA, disparaît du jour au lendemain sans laisser la moindre trace. Ses proches s’en inquiètent et convoquent la presse pour essayer de faire la lumière sur cette affaire. Règlement de comptes entre terroristes ? Suicide ? Bavure policière ? En l’absence d’indices, toutes les thèses sont possibles.

Iban Urtiz couvre l’affaire pour le journal Lurrama. Soupçonnant rapidement les forces de l’ordre de ne pas avoir tout dit, il décide de mener l’enquête à son tour.
Seulement, certaines personnes ont tout intérêt à ce qu’on ne découvre jamais ce qui est arrivé à Jokin.

Mon avis

« Elle voit bien que ces histoires de guerre sale qui ressurgissent les ennuient au plus haut point. Qu’ils aimeraient lancer une autre rumeur autour de la disparition de son frère. L’idée d’un règlement de comptes entre factions rivales ou d’une guerre de succession au sein d’ETA leur conviendrait parfaitement.

Après tout, c’est peut-être le cas.

Qui pourrait apporter la preuve du contraire ?

Fausses informations, préjugés, théorie du complot. Répétition, déformation, propagation. Eztia peut presque lire dans la tête des deux flics présents dans la pièce : la thèse qui fleurit sur les murs de Bayonne, celle de l’homme qui a vu l’homme qui a vu Jokin se faire enlever, n’est qu’une fable invérifiable.
Ils proposent de lui substituer une autre fable : les indépendantistes se sont foutus dedans tout seuls comme des grands.
»

Après avoir traité de sujets aussi variés que la souffrance au travail (Les visages écrasés), le marketing (Marketing viral) ou encore les suicides adolescents (La guerre des vanités), Marin Ledun aborde ici la question basque. Pour sa seconde collaboration avec Ombres noires (après Dans le ventre des mères en 2012), le néo-Landais s’attaque donc à un sujet encore brûlant dans le Sud-Ouest en s’inspirant largement d’une histoire vraie, la disparition de l’etarra Jon Anza.

Marin Ledun n’étant pas un tiède, on pouvait craindre sur un sujet sensible un roman partisan, par trop engagé politiquement. L’auteur se sort habilement de cet écueil en prenant pour personnage principal un journaliste qui découvre la question basque au fil de l’histoire (le père d’Iban est d’origine basque mais lui n’a pas grandi dans ce milieu), en même temps que le lecteur. Cela permet à l’auteur de poser le décor et de nous donner à voir les tenants et les aboutissants sans être par trop didactique ni sombrer dans le manichéisme de bas étage.

« À court d’explications, il se lève et sort fumer une cigarette dans l’escalier. Des hypothèses en forme de spirale se superposent dans son esprit par couches successives, avec pour point de départ un constat sans équivoque : tout le monde ment.

Pour se protéger.

Pour le fric.

Le pouvoir.

Ou les deux.

Par peur.

Par stratégie.

Pour que les baisés restent avec les baisés.

Et que l’ordre des choses ne s’inverse surtout pas.

Tout le monde, sans exception : le procureur, son substitut, les flics, les Français et les Espagnols, les amis des victimes et les bourreaux, les amis des baisés et les baiseurs. Aucun n’échappe au Grand Bordel. Personne ne passe entre les mailles du filet. »

S’appuyant sur des personnages forts (Iban, Eztia Sasco…), souvent idéalistes et globalement représentatifs sans pour autant être caricaturaux, Marin Ledun parvient à nous immerger chez les euskaldun (ceux qui parlent le basque).
Enfin, bien que l’on puisse rapidement se douter de la teneur du final, le suspense est maintenu jusqu’aux dernières pages.

Avec l’humanité qui le caractérise, Marin Ledun signe une fois de plus un excellent roman noir, passionnant et habilement construit, sur un sujet peu abordé par le polar français.

L’homme qui a vu l’homme, de Marin Ledun, Ombres Noires (2014), 464 pages.

commentaires
  1. www.monbestseller.com dit :

    De lui je ne connais que Les visages écrasées, que j’ai d’ailleurs trouvé accrocheur..tu me donne ici une nouvelle idée de lecture.

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    Ce bouquin est l’occasion de plonger dans l’histoire récente de cette région, de revisiter les amours incestueuses entre les appareils judiciaires et policiers, de se perdre dans les arcanes de la désinformation et de la manipulation, de s’étonner encore et toujours de l’impunité avec laquelle peuvent agir des groupuscules miliciens (en France, en 2009).

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